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30 octobre 2024 3 30 /10 /octobre /2024 13:05

Avertissement

Les contenus que vous découvrirez peuvent être empruntés qu'avec mon accord et mon autorisation

Bonne lecture à tous

 

 

On connait l'histoire du cidre du pays d'Auge, du Cotentin mais pas celle du pays de Caux ! et pourtant elle recèle bien de pépites, des trésors tirés des archives, des évènements insolites autant qu'historiques : de la masure cauchoise jusqu'au château de Versailles.

 

570 ans nous contemplent.


Mon ambition  est de construire un récit m'appyuyant sur une architecture de recherches préexistantes qui m'ont paru pertinentes et éclairantes : en somme une véritable reconstitution de ce que fut l"avènement du cidre sur le plateau de Caux Pays et de ses vallées le rainurant,  pour en faire un cru unique, de terroir et de caractère.

Comme vous le savez, on n'invente rien. Il s'agit ici de prolonger et constituer un récit avec le maximum d'éléments éclairant l'histoire du  cidre du pays de Caux et de ceux qui le boivent.

On ne peut pas évoquer un cidre sans une histoire, sans la botanique qui au final fait lien entre la géologie, l'agriculture, le patrimoine naturel végétal, l'histoire des peuples, l'histoire de ce territoire administré par tant de tribus, de peuples envahisseurs, par tant de civilisations distinctes et pourtant le pays de Caux, aux limites au demeurant instables.  s'est construit sur ce passé riche d'expériences pour qu'un jour le pommier à cidre s'y installe durablement.

Comme vous l'imaginez une recherche prend du temps et vous oblige à vous détourner des évidences et des idées reçues, des fausses pistes, des impostures, des rivalités et des pommes de la discorde concernant l'origine du cidre.

Aussi,  afin que cette recherche  arrive à son  terme, j'ai  cherché inlassablement à trouver les facteurs, des indices, des évènements  qui ont conduit à développer l'activité du cidre en pays de Caux alors que le peuple cauchois buvait à ce moment principalement et presque exclusivement de la cervoise, sauf  le clergé et les abbayes et curés qui en buvaient déjà ainsi que du vin par ailleurs.

Quelques informations dont certaines sont publiées sans sources aucunes donnent un vague aperçu de ce chantier de cette entité cidricole cauchoise  mais peut-on se satisfaire   d'imprécisions ou de faits relatés non sourcés ?

 J'ai remarqué jadis que la tendance était de tirer la couverture à soi (Bretons, Basques, Italiens, Egyptiens... et Normands...).



Cette recherche a donc vocation de remettre le pommier au centre du verger et de rendre à César ce qui lui appartient ainsi que de citer avec les preuves,  les faits, les auteurs qui, sans eux, ne m'auraient pas permis d'entreprendre ce récit.


On va donc parler des celtes, des gaulois de la Gaule Belgica,  des défrichements, des Romains, des Saxons, des Germains, des Francs, des Mérovingiens, de Charlemagne, de Guillaume le Conquerant et fils, des Abbés et Abbesses, des Evêchés,  des curés,  des masures et cours cauchoises,  des cultivateurs fermiers, des bergers des masures et cours cauchoises,  des bâtisseurs, des cidriers, des savants, des  bastardiers, des pépiniers, des arboriculteurs, des fruiticulteurs, des pomologues, des chimistes, des buveurs de cidre, des ecrivain(e)s :  Flaubert, Rabelais, Ernaux et bien sûr des botanistes et des archéo-botanistes sans qui cette histoire n'aurait pas de commencement.

Ainsi au milieu du deuxième millénaire le pays de Caux devint progressivement un terroir de production du cidre aux côtés du pays de Bray.

Mais les effets  répétés et répliqués de la greffe ont précipité divers chaos au verger et principalement au sortir de la Révolution française en dépit de toute la science qui a commencé à être véhiculée  depuis Le Paulmier. De sorte qu'il a fallu aux maîtres pépiniers de la Seine-Inférieure, deux siècles plus tard,  de relever les manches sur les encouragements des sociétés d'Horticulture, d'Agriculture, de Pomologie et de Botanique  de Paris, car c'est de la Seine-Inférieure que l'identification des problèmes  est apparue et on le doit au Maitre des pépiniers de la Seine-Inférieure : M. Prévost qui avant 1811 avait découvert les maladies et le chaos à venir dans les vergers de fruits à pressoir.

L'ennemi du verger et du cidre à ce titre est : le vent, la tempête, la maladie, trop de greffage répété, l'homme, l'animal qui blesse l'arbre, le manque d'entretien au pied  de l'arbre, la guerre et sa conséquence le manque de bras, des politiques publiques qui oscillent entre plantation et abattage, la mauvaise réputation etc...

Au mitan du 19e siècle, M. Michelin, le Président de la Société  pomologique confia et délégua à Hauchecorne et à De Boutteville le soin d'organiser la régénérescence  des pommiers après qui l'ait été fait pour les pommes de table et les poires de table à Rouen au jardin des plantes qui deviendra pour cette section de recherche et d'amélioration des fruits,  le verger Boisbunel que tout le monde connait bien. 

Forts des premiers succès pour les fruits de table ce fut le tour au début des  années 1860 de démarrer l'opération pour les pommiers à cidre dont les maitres pépiniers, incubateurs, obtenteurs de variétés nouvelles à partir des meilleures variétés anciennes régénérèrent moult variétés d'élite et de collection qui firent ensuite le tour du monde des pays producteurs de cidre, je veux parler de P.M. Legrand, de F. Godard, de H et F Lacaille, des M. Dieppois, Audièvre, Varin, David du pays de Caux et de  Power du Roumois de Saint-Ouen-de-Thouberville : vous me direz  que vient faire le Roumois dans  cette affaire ? : cela tient au passé des savoirs-faire arboricoles de ce pays, de l'autre  côté  de " l'iau".

Environ le tiers des variétés de pommiers à cidre, aujourd'hui classées par l'Association Française de Pomologie ont été obtenues par ces habiles praticiens et artistes.


Pour ce succès il est dû à l'art du pépin qu'ont mené ces semeurs, pépiniers de Boisguillaume, Frichemesnil et d'Yvetot.

Pour la qualité du cidre et de sa fabrication on la doit à un autre yvetotais : Hauchecorne, pharmacien à Yvetot, son ouvrage fut pendant un siècle un des livres de chevet de tous les cidriers, semeurs, pépiniers et cultivateurs.

C'est à l'occasion d'une lecture d'une  thèse sur les pépiniers de la Seine-Inférieure que j'ai eu connaissance de ces artistes seinomarins.


Depuis la pomme à cidre  se porte plutôt mieux ici et ailleurs dans le monde cidricole tout comme en pays de Caux dont les producteurs de cidre  souhaitent et espèrent une AOP cidre du pays de Caux.

C'est sur ces bases que l'histoire du cidre du pays de Caux s'appuie, à partir d'un millier de lectures, d'articles, de documents d'archives nationales, régionales, départementales, locales qui avant d'être rassemblées, compilées  par mes soins dans un récit, étaient  véritablement éparpillées dans une quantité d'ouvrages, de bulletins de rapports divers.

Il fallait  que ce travail de recherche aboutisse et c'est pour cela que je vous le soumet dès  à present.

C'est ici que vous pourrez donc lire et consulter cette histoire du cidre du pays de Caux et de ceux qui le boivent.

Pascal Levaillant, artiste-auteur, plasticien et créateur d'herbiers contemporains dont celui du verger et des fruits de pressoir. Je suis membre de la Société Centrale d'Agriculture de la Seine-Maritime, adhérent de l'association Faire Vivre le Manoir du Fay, du verger conservatoire de Brémontier-Merval, du Verger du Vallon... En 2019, avec Marie-Thérèse Mériot  nous avons élaboré un socle de connaissances pour la réalisation de panneaux d'interprétation du paysage du manoir du Fay d'Yvetot, au niveau de la cour plantée  du pourpris de ce manoir sachant que le verger se trouvait jadis juste en face dans un closage aujourd'hui démantelé, rue des zigzags là où se trouve désormais un lotissement à côté  du nouveau cimetière,  c'est peut être là l'ironie de leur sort : "ci-gît" l'ancien verger du manoir du Fay.

La cour plantée  fut de 2000 a 2007 verger conservatoire mais a perdu son label depuis car un verger  conservatoire nécessite  la rigueur taille, conservation des doublons)  et des fonds pour don entretien dont la taille.

Vous trouverez sur le panneau  à l'entrée, nos deux noms ecrits (tout  en bas)

 

Pommes au rinçage avant mise au pressoir © Pascal Levaillant 2020

Gâteau de pommes © Pascal Levaillant 2020

« Toute l’année quand on était gosse, on buvait de la « boisson », qui finissait aigre à la fin de l’été, en attendant les prochaines barriques à remplir à l’automne. On allait remplir des jerricans d’eau potable à la source d’Héricourt sur la route de Grainville-la-Teinturière. Au début des années 1960, à cette époque l’eau potable n’était pas encore distribuée dans nos villages.

Arrivés à Yvetot en 1964, en novembre de la même année, les rasières arrivaient chargées sur la remorque du tracteur de mon cousin Bernard et puis la "presse" venait les brasser. Ça sentait le jus de pomme dans la rue Pierre Jean de Béranger à Yvetot. A Noël on buvait le cidre nouveau (le cidre de la soif) et le dimanche le « cid'qui toq » en cauchois : le cidre qui toque la tête, qui étourdi. Ce cidre brut avait une robe jaunâtre à orangée, de nature légère mais complexe, très peu sucré et très sec, légèrement acidulé en bouche avec une petite pointe d'amertume. 

Pour le cidre il fallait attendre un peu.  Mon père pesait le cidre. Il était mis en bouteille quand le jus était à maturité et suffisamment alcoolisé, c’était le moment de remplir les bouteilles. On nettoyait les bouteilles et on les rinçait avant la mise en bouteille. 200 à 300 bouteilles par an étaient ainsi bouchées avec des bouchons plastiques maintenus par un fil de fer afin d’éviter que le bouchon parte et que le « cid’ ». On les rangeait dans le  casier à bouteille  au sous-sol  à moitié enterré de la cave du pavillon à Yvetot.   »

Le pays de Caux, ses masures, ses cours, ses us et coutumes …  Pascal Levaillant, 2022

Carte  du pays de CAUX,  transmise par la D.R.E.A.L. (2025)

 

 

Autre avertissement

Cette histoire, sous cette forme, fera peut-être un jour l'objet d'une version éditée, d'un livre,  c'est pourquoi, en l'état, les contenus peuvent  encore évoluer ou être enrichis en fonction des découvertes, des lectures que je pourrais  annexer à tout moment.

En effet la "vérité" des sciences expérimentales est provisoire et peut à tout moment être dépassée jusqu'à ce qu'un nouveau fait la contredise ou la contraigne à  l'amendement.

 

 

 

A ma tante Thérèse qui m’a fait aimer les pommes,

à sa fille Monique et son gendre Bernard chez qui nous ramassions des rasières de pomme à cidre,

à ma mère qui faisait des bouloches[1] de poire de coq et des douillons de pommes,

à mon père qui faisait son cidre cauchois,

à M. Bonmartel ; à Michel Traversat et  à ses fils;   à  Annie Ernaux qui m’ont offert les clefs de l’histoire des pépiniers et de la pomme Bedan des Parts en 2020,

à Marie-Thérèse Mériot avec qui j’ai démarré cette recherche en 2019,

Aux Archives nationales, regionales, departementales, patrimoniales dont la S.C.A. 76,

à Roselyne avec qui je partage la passion des pommes de nos pays respectifs : le pays de Caux et le pays d’Auge.

 

 

Histoire du cidre du pays de Caux et de ceux qui le boivent

Récit de Pascal Levaillant, artiste auteur, botaniste et plasticien – 2019-2024

Membre adhérent de la Société Centrale d'Agriculture de la Seine-Maritime,

membre de l'Association Faire Vivre le Manoir du Fay à Yvetot, du Verger Conservatoire de Brémontier-Merval, du Verger du Vallon à Rouen

créateur d'herbiers contemporains dont celui du verger et des fruits de pressoir   

sous l'égide du Collectif Corblin-Levaillant 2022

Carte transmise par la D.R.E.A.L - 2025 

vis à vis de la limite des bassins versants, de la présence de masures, des  reliquats de vieux fossés talus 

voi cette carte éditée par mes soins 

Voici une des limites et contours du pays de Caux : en orange le plateau sommital, en blanc correspond les vallées littorale et Seine du pays de Caux, en noir la vallée de Seine d'un côté ; et à l'est la vallée de l'Andelle ; au nord-est la boutonnière de Bray : plateau et vallées ; d'après une carte éditée en noir et blanc, colorisée par mes soins, m’inspirant d’une des cartes éditées dans le BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ BOTANIQUE DU CENTRE-OUEST, NOUVELLE SÉRIE, TOME 20 -1989 1990, avec l’aimable autorisation de René Guéry,  éminent botaniste seinomarin membre de cette société.

On s'aperçoit partant  vers le nord des Authieux-Port-Saint-Ouen  vers Buchy, et glissant à l’ouest  vers Tôtes, Yerville, Yvetot, Fauville, Goderville, Sainte-Adresse en pointe de Caux on voit que la ligne de partage des eaux réunit ce plateau qui de cette ligne suit de part et  d'autres les vallées vers la Manche  - Etretat, Fécamp, Saint Valery-en-Caux, Veulettes, Veules les Roses, Saint-Aubin-sur-Mer,  Quiberville, Pourville et Dieppe -  et les autres vers la Seine : Gonfreville l'Orcher,  la Cerlangue, Triqueville, Villequier, Sainte-Marguerite-sur-Duclair, Hénouville, Bois-Guillaume, Bihorel.

 

Un "pays" est souvent borné par un fleuve, un trait de côte et dans le cas présent la Manche et la Seine alors si on suit la ligne bleue, elle correspond à la limite de partage des eaux :  du cap de la Hève  vers Buglise, Gonneville-la-Mallet et poursuivant vers Goderville-Yebleron  puis vers Fauville Yvetot - Yerville et Saint-Ouen-du-Breuil pour virer  vers Bosc-le-Hard, Roquemont  et suivre la ligne du partage des eaux  vers Pierreval - Morgny-la-Pommeraye, Servaville-Salmonville pour enfin rattraper Epreville, Fresne-le-Plan puis Mesnil-Raoul, Boos , la piste de l'aéropot de Boos pour rejoindre les hauteurs d'Ymare jusqu'au surplomb de la Seine au dessus d'Alizay-La Briquetterie.

 

 

Collection personnelle

« Le pays de Caux est le plus fertile que je connaisse . L'épaisseur de son humus, qui en quelques endroits cinq à six pieds de profondeur, les engrais que lui fournit le fond de marne sur lequel il est élevé [...] concourent à le couvrir de superbes végétaux.»

[Henri Bernardin de Saint-Pierre, 1775 ; Voyage en Normandie et Etudes de la nature 1825]

 

Un dicton populaire entendu dans le pays de Caux  dit : 

« Il est de dicton populaire, qu'en même temps qu'on donne à la terre un habit blanc, il faut aussi lui donner un habit noir.» [Annuaire des cinq départements de la Normandie, 1851]

 

D'Hautôt-Saint-Sulpice à Yvetot nous étions dans un environnement de pommiers.

Mon père Adrien en train de jardiner dans son potager de la rue P.J. de Béranger mitoyen au verger des voisins (rue Fief de Caux)

 

« Hautot St Sulpice, village du pays de Caux.

 

Il est mon village natal où j'ai vécu les sept premières années de ma vie...pour autant j'ai vu le jour à Rouen.
Mon père Adrien Levaillant est natif d'Hautot-Saint-Sulpice en 1922 au hameau du "Nouveau Monde" vers la route d'Anvéville, près de la mare de l'orme. Son grand-père Philogone a participé au chantier de plantation de la quadri-allée plantée de hêtres du château du Boscol à Héricourt-en-Caux en 1871.

Le pays de Caux, ses masures, ses cours, ses us et coutumes …  Pascal Levaillant, 2009

 

 

Définir les contours et les limites du pays de Caux reste complexe et le restera car ce territoire depuis tous les âges de la préhistoire à aujourdhui a connu une limite précise, voire chirurgicale d'une part par le trait de côte de la Manche, d'autre part par les coteaux et falaises surplombant la Seine,  large estuaire remontant notamment jusqu'à Rouen et à la rivière de l'Andelle, juste avant le barrage de Poses.

Mais ce pays  de Caux n'a jamais connu à l'est, et au nord-est une limite précise sinon plusieurs comme l'attestent les nombreuses publications.

Ainsi vous entendrez dire   et pourrez lire que certains  délimitent  le pays de Caux ne dépassant pas l'Austreberthe, par d'autres qu'il  s'étend au delà.

Le(s) pays de Caux

limites et contours

d’hier à aujourd’hui

 

Pour introduire ce chapitre, afin de rester le plus objectif ... je vous propose  une carte  inédite où vous visualiserez les différents tracés des contours du pays de Caux déjà connus, selon les auteurs, les experts, les publications, les administrations qui sont à prendre en considération vis à vis de l'histoire, des péoccupations des auteurs et des thématiques qu'ils éxplorent.

Car d'un côté on peut toujours discuter des limites du pays de Caux depuis les Calètes.

en effet les cartes n'ont connu leur dévelloppement  qu'à partir du 15e siècle  soit plus de 15 siècle après la Gaule romaine.

 

Le caux n' été dessiné qu'à ce moment-là et n'a cessé dévoluer comme l'indiquent les cartes
que vous découvrirez ci-après.
Vous constaterez que l'influence des institutons religieuses, judicaires ou militaires feront évoluer les contours du Caux et également sous la pression de l'évolution des territoires voisins comme la Picardie, le Vexin ou le Roumois.
cons conataterez qu'après la Révolution française le pays de Caux et le pays de Bray n'appraissent quasiment plus laissant aux cartographes le soin de delimiter les départements et ses arrondissement : changement de paradigme qui va durer près d'un siècle au niveau cartographique.
Il est probable que ce nouveau découpage a reveillé les défenseurs des anciens pays qui au cours du 20e siècle ont réaffirmé leurs singularités à tout point de vue.
Pour autant depuis le 17e siècle les paysages, les fossés et talus se sont vus démenteler les uns après les autres pour laisser place à des plaines toujours plus vastes pour y cultiver des cultures exigeantes. l'habitat s'en est trouvé modifié comme nous le verrons par la suite. 
 
Il existe un réel décalage entre le sentiment d'être cauchois, de le rester, de le faire vivre dans des paysages  vers les limites et contours orientaux. Les marches géographiques entre Bray et Caux  ont été remplacées par des marches symboliques où les zones urbaines ont contribué à ce que le Caux s'estompe dans ces zones péri-urbaines où les clos ont été un à un supprimés pour les remplacer par des zones commerciales, artisanales ou par des lotissements et des zones pavillonnaires.(Caux-Rouen) (Pointe de Caux-Le Havre-Montivilliers)
 


De l'autre, et c'est un autre sujet : une aire géographique délimitera  bientôt une aire du cidre du pays de Caux qui aura été choisie avec l'objectif de poursuivre  la rédaction du chahier des charges d'une démarche en vue de l'obtention d'une appellation AOP dont l'aire n'est pas encore définie, à ce jour après plus de vingt ans d'étude.

Calète, Caleti, Calètes : diverses cartes aux contours orientaux variables réalisées souvent entre le 16e siècle et le 18e siècle

Les contours et traits de côte variables traduisent les premières projections cartographiques,  de même pour le positionnement des Calètes vis à vis de leur voisinage. Sur toutes les cartes qui suivent (une douzaine),   sensées représenter le pays de Caux sur une carte, Le Bray brille pas son absence de représentation.

 

Galliae regni potentiss. nova descriptio / Ioanne Ioliveto auctore
Jolivet, Jean (15..-1553 ; cartographe). Cartographe - extrait

gallica.bnf.fr

 

[Europae tertia tabula continens Europam] : [Gaule] / [Ptolémée]
Mercator, Gerard (1512-1594). Cartographe  - extrait

 

gallica.bnf.fr

Galliae descriptio ex Julij Caesaris commentarijs / Liebaux sculp.
Liébaux, Jean-Baptiste (16..-17..? ; graveur). Graveur- extrait

gallica.bnf.fr

 

Gallia vetus, ad Iulii Caesaris commentaria / [Janssonius]
Van den Ende, Josua (1584?-1634).

gallica.bnf.fr

 

Notitia chorographica episcopatuum Galliae. In gratiam redi et spectabilis viri dni Cl. Robert, descriptionem episcopatuium Galliae molientis, tabulam hanc l. m. g. delincabat / P. Bertius... ; Joannes Picart incidit, Parisiis
Bertius, Pierre (1565-1629). - extrait

 

gallica.bnf.fr

 

Galliarum descriptio / ex Sansonum Tabulis editis et manuscriptis excerpta ; ope Animadversionum Domni Martini Bouquet Benedictini ; et Dissertationum Domini Leboeuf Autissiodor. Canonici, emendata ; ab AEgidio Roberto, ...
Robert de Vaugondy, Gilles (1688-1766). Cartographe 
- extrait

gallica.bnf.fr

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Galliae antiquae descriptio geographica / autore Nicolas Sanson Abbavillaeo ; Robert Cordier sculpsit
Sanson, Nicolas (1600-1667). Cartographe - extrait

gallica.bnf.fr

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Galliae Antiquae tabula geographica Populos, Civitates, pagos, Praefecturas, colonias et provincias Imperio Romano subjectas complectens. Ex Itinerariis Theodosiani, Antonini et Hyerosolimitani, Redacta. Auctore J. C. Dezauche. [ gravé par P.F. Tardieu]
Dezauche, Jean-Claude (1745-1829). Cartographe 
- extrait

gallica.bnf.fr

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Galliae antiquae descriptio geographica / autore N. Sanson d'Abbavilleio christianiss. Galliarum Regis geographo
Sanson, Nicolas (1600-1667). Cartographe

gallica.bnf.fr

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[Galliae typus cum iis quae a Strabone] / [Anville]
Anville, Jean-Baptiste d' (1697-1782). Cartographe - extrait

gallica.bnf.fr

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Gallia Vetus in Partes II, Regiones IV, Provincias XVII, et populos C. / autore N. Sanson d'Abbavilleio christianiss. Galliarum Regis geographo
Sanson, Nicolas (1600-1667). Cartographe - extrait 

gallica.bnf.fr

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Gallia vetus ex C. Julii Caesaris Commentariis descripta ; ou les Conquêtes de Jules César dans la Gaule Transalpine / Par N. Sanson - extrait

 

gallica.bnf.fr

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Gallia, Britannia, Germania, provinciae Danuvienses / Auctore H. Kiepert
Kiepert, Heinrich (1818-1899). - extrait

gallica.bnf.fr

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Au moment de St-Clair-sur Epte

 

www.universalis.fr

Mais avant que le 20e siècle tente de redessiner les Cartes, observons les fonds de carte Vidal Lablache que nous avons vu sur nos murs des écoles.

LISTE OFFICIELLE DES CARTES VIDAL LABLACHE :
Carte Vidal Lablache 1 Termes de Géographie
Carte Vidal Lablache 2 France Cours d’Eau
Carte Vidal Lablache 3 France Relief du sol
Carte Vidal Lablache 4 France Départements
Carte Vidal Lablache 6 France Canaux
Carte Vidal Lablache 8 France Agriculture et Industries
Carte Vidal Lablache 9 France Provinces
Carte Vidal Lablache 24 Paris et environs de Paris
Carte Vidal Lablache 39 France Géologie
Carte Vidal Lablache 60 France de l’Ouest
Carte Vidal Lablache 61 Bassin Parisien

 

«Si Vidal de La Blache, dans son Tableau de la géographie de la France, en 1903, base son analyse du territoire français sur les affinités que les milieux font naître dans les genres de vie, il attache une grande importance à la notion de pays, dont le nom exprime selon lui les particularités du sol et dont il prend soin de dresser la liste et les caractéristiques. Se conformant aux itinéraires des voyageurs, qui ont entrepris par cette région, dès le XVIIIe siècle, l’exploration de la Normandie, il accorde de ce point de vue une place particulière au pays de Caux, dont il estime qu’il n’est Normandie que pour l’histoire et la géographie politiques9. Le sol a un rôle actif dans la mise en place des cadres et des délimitations qui organisent la vie des hommes, qui obéissent ainsi à des influences qu’ils ne perçoivent pas toujours. Ainsi explique-t-il, à propos de Rouen :

Autour de ce centre urbain gravitaient d’anciens pays gaulois échelonnées sur les voies romaines se dirigeant vers l’ouest et le sud. L’existence de cadres anciens perpétuait des influences nées du sol et déjà consolidées par l’histoire. Il y avait comme une force enveloppante, dès qu’on s’écartait des côtes et des » La Balche, 1903 ; Guillet, 2013]

in : Impressionnisme : du plein air au territoire Sous la direction de Frédéric Cousinié : books.openedition.org

Des années 1880 à la fin des années 1960, plusieurs générations d’élèves ont ainsi appris à connaître la France et le monde grâce à ces cartes colorées imaginées par le géographe Paul Vidal-Lablache.

 

 

En 1899 sort cette thèse dont s'est emparé Vidal de la Blache.

On y parle de limites floues et extensibles dans l'histoire, du Cailly, de l'Andelle, de tiraillement entre les zones d'influence des Caleti comme des Véliocasses, d'agriculture et de pommiers dans les masures. Un état des lieux  en somme du pays de Caux à la fin du 19e siècle, 60 ans après le récit de L. Moll (1834-1835) et avant ceux de Delisle et de Sion.

 

 


LE PAYS DE CAUX ÉTUDE GÉOGRAPHIQUE, Thèse pour l'obtention du diplôme d'études supérieures de Géographie, soutenue en Sorbonne en 1899. Par M. GEORGES LECARPENTIER Licencié ès-Lettres, diplômé d'Études supérieures de Géographie
In : Bulletin de l'année 1905 / Société normande de géographie - www.rotomagus.fr

PRÉFACE Par M. VIDAL DE LA BLACHE, Professeur à la Sorbonne

« Ces pays représentent, et surtout représentaient autrefois, de petites autonomies locales. Ce que le peuple appelle de noms tels que Beauce. Brie, Limagne, Pays de Caux, etc., ce sont des contrées qui souvent n'ont jamais eu d'existence administrative ou politique : ils vivent toutefois dans le langage populaire. Ils répondent à des divisions sur lesquelles les savants se trompent quelquefois, mais pas les habitants.

Ils se maintiennent, sans avoir l'appui d'une consécration officielle, par la seule force de l'usage, et en dépit d'autres désignations concurremment employées.

Il faut, pour être ainsi doués de cette vitalité singulière, qu'ils expriment pour ceux qui les emploient quelque chose de vivant et de réel. C'est là ce qu'il est intéressant de chercher.

Le paysan ne se soucie ni de géologie ni d'histoire. Peu lui importe quel nom de peuple gaulois ou quel étage chronologique de roches distingue le pays dont il parle. C'est pour lui un centre social, si exigu qu'il paraisse. Être du même pays suppose, pour celui qui se sert de cette expression, une certaine affinité, quelque plaisir à se reconnaître. Le sentiment de ces affinités est entretenu par des signes sensibles : vêtement, coiffure des femmes, habitation, modes de culture et de nourriture ; ou tout au moins l'accent, les expressions du terroir, le patelin.

Ces traits, il est vrai, s'affaiblissent. Nous assistons aujourd'hui à leur atténuation graduelle. 
On lira donc, je pense, avec intérêt l'étude d'un Normand sur un pays de Normandie. Qu'il me soit permis, quant à moi, de féliciter la Société normande de Géographie du bon exemple qu'elle donne en encourageant de sa publicité ce genre d'enquête.

P. Vidal de la Blache. »


LE PAYS DE CAUX HISTORIQUE

« Il est très digne de remarque, écrivait Fustel de Coulanges, dans ses Origines de l'Ancienne France, que les vieux États gaulois ont conservé jusqu'à une époque très voisine de nous leurs noms, leurs limites et une sorte d'existence morale dans les souvenirs et les affections des hommes ».

Jusqu'à une époque très voisine de nous, c'est trop peu dire, car le souvenir des civitates gauloises a le plus souvent survécu jusqu'à nos jours même. Si certains de nos « pays » sont des unités géographiques, d'autres ne sont que la projection dans le temps de ces anciennes civitates, quelques-uns enfin réunissent ce double caractère. Le Pays de Caux figure parmi ces derniers.

Le premier écrivain qui fasse mention du Pays de Caux est César, qui parle à plusieurs reprises, dans son  histoire de la guerre des Gaules, des Caleti, de la civitas Caletorum mais sans en indiquer la situation géographique.

Suivant Strabon, les Calètes habitaient a près de l'embouchure de la Seine », et Ptolémée, plus précis, ajoute « sur la rive septentrionale de la Seine, avec Juliobona pour capitale ».

Quelles étaient les limites de leur civitas ?

Au sud, à l'ouest et au nord les limites fixées par la nature étaient la Seine et la mer. Mais sur terre, à l'est ? Les géographes anciens ne l'indiquent pas […] Dans un Mémoire sur la Carte Préhistorique de la Seine-Inférieure, M. de Vesly estime : « qu'il y a lieu de tracer la limite des Calètes et des Véliocasses par la vallée de la Sainte-Austreberthe, à   de laquelle se trouve l' ancien oppidum de Varengeville et de lui faire descendre la vallée de la Scie, en traversant le plateau près des mottes de Varneville, Bretteville, d'Heugleville, d'Auppegard et du camp de Varengeville-sur-Mer, qui défendait l'entrée de la vallée du côté de la Manche. Ce tracé est fort hypothétique […] ».
A propos des Véliocasses, on peut lire ceci : « Le territoire des Véliocasses suivait le cours inférieur de la Seine, au nord depuis le confluent avec l'Oise et s'étendait sur le plateau du Vexin actuel toujours sur la rive droite en deçà de Rouen jusqu'à une limite indéterminée à l'ouest de cette ville et qui faisait frontière avec les Calètes. » source Wilipédia.


Là encore  pas de limite précise entre les Caléti et les Véliocasses.

Dans ses Notes sur les forêts de la Seine-Inférieure, M. Samson émet sur les limites des civitates gauloises une théorie générale qui mène aux mêmes conclusions que l'archéologie, en ce qui concerne la limite orientale des Calètes :
« C'étaient, dit-il, les forêts qui servaient de limites entre les territoires des diverses civitates sans que pourtant ces frontières fussent délimitées avec la rigueur qu'on leur assignerait aujourd'hui, et, à dire vrai, ces espaces boisés intermédiaires, ces marches, représentaient ce que nous appellerions maintenant une zone neutre; suivant une coutume, commune à la Gaule et à la Germanie, elles restaient sans culture ».

Il existait une zone forestière de ce genre à peu près ininterrompue entre la Seine et la Manche; elle commençait au sud par la forêt dite actuellement de Roumare, se continuait par la forêt appelée, au moyen âge, forêt de Silveison, et se prolongeait jusqu'à la mer par la forêt d'Eawy. Cet immense rideau forestier était limité à l'ouest par la Sainte-Austreberthe et par la Scie, le long desquelles courait la ligne des oppida gauloises.

Ces conclusions se corroborent; l'on peut donc considérer comme limite orientale de la civitas calète : la Sainte-Austreberthe, la Scie et une ligne qui, passant par Varneville-Bretteville rejoignait les sources de ces deux rivières.

La civitas des Calètes ne subit aucune modification de frontières pendant les trois premiers siècles qui suivirent la conquête, mais Rothomagus devint le chef-lieu d'une province romaine et le nœud d'un important réseau de grandes voies rayonnant dans toutes les directions. Juliobona isolée dans sa position excentrique décrut d'autant que grandissait la capitale des Véliocasses ; elle fut incendiée et presque entièrement détruite, au 4e siècle, par des pirates saxons. La civitas calète, privée de sa capitale fut réunie à la civitas des Véliocasses et, dès lors, disparut pour toujours.

Deux cents ans plus tard, le nom de l'ancienne civitas réapparaît mais il est porté maintenant par un pagus franc, pagus Caletus, il devint plus tard celui d'un bailliage, Bailliage de Caux; mais de toutes les divisions administratives, civiles ou ecclésiastiques qui portèrent, au cours des siècles, le nom de l'ancienne civitas, aucune n'eut les même limites qu'elle.

Le pagus Caletus de l'époque mérovingienne, celui de l'époque capétienne, celui même de l'époque normande étaient moins étendus que l'ancienne cité ; quant aux divisions ecclésiastiques, aux archidiaconés du Grand et du Petit Caux, ils coïncidaient presque entièrement avec le pagus primitif.

Au contraire, le bailliage de Caux qui remplaça le pagus, dès 1204, s'agrandit rapidement aux dépens des pagi voisins et engloba des territoires qui n'avaient pas fait partie de la civitas.

Le pagus Caletus de la période franque ne comprenait primitivement que les parties occidentale et septentrionale de la civitas. D'ailleurs, au cours des sept siècles de son existence les limites du pagus Caletus ont fréquemment varié, il semble même qu'au 9e siècle ce pagus ait disparu pendant quelques années ; sa partie septentrionale aurait été absorbée par le pagus Talogensis et sa partie méridionale par le pagus Rodomensis. Sous les ducs de Normandie le pagus Caletus reprit son importance primitive.

Lorsque la Normandie fit retour à la couronne de France, en 1204, Philippe-Auguste s'empressa de la diviser en bailliages. Le bailliage de Caux eut d'abord les mêmes limites que le pagus Caletus de l'époque normande, mais bientôt s'y enclavèrent « d'autres bailliages royaux plus ou moins subordonnés au premier, tel que : le bailliage de Neufchâtel que l'on rencontre, en 1216 et en 1219 ; celui d'Aumale dont l'existence se révèle en 1238, et enfin celui d'Arques, signalé dès 1204 - HELLOT, Essai sur les baillis de Caux ». Ainsi entendu le bailliage de Caux englobait au nord-est, des territoires qui jamais n'avaient été compris dans la civitas Calète, mais par contre la partie sud-est de l'ancienne civitas restait en dehors du bailliage de Caux.

Ce sont pourtant les limites du bailliage que de nombreux géographes ont données comme étant celles du Pays de Caux. Toussaint-Duplessis a contribué plus que personne à accréditer cette erreur : « Entre la Brêle et l'embouchure de la Seine, écrit-il, étaient anciennement situés les peuples de la Gaule que César nomme Caleti. L'espace de terrain que ces peuples occupaient porte aujourd'hui le nom de Pays de Caux ». Et il joint à son ouvrage, comme carte du Pays de Caux, la carte du bailliage.
Vivien de Saint-Martin, dans son Dictionnaire Géographique, et Baudrillart, dans son ouvrage sur la France Agricole, ont reproduit en grande partie l'erreur de Toussaint- Duplessis. Le premier comprend dans le Pays de Caux les « trois arrondissements du Havre, d'Yvetot et de Dieppe ». Baudrillart, en plus de ces trois arrondissements, y comprend encore les cantons de Buchy, de Clères, de Maromme, de Duclair et de Pavilly, dans l'arrondissement de Rouen, et celui de Saint-Saëns dans l'arrondissement de Neufchâtel.

Les savants peuvent bien écrire que le Pays de Caux s'étend jusqu'à la Bresle et qu'il comprend tout le littoral de la Seine-Inférieure ; les paysans qui habitent en-deçà de la Cailly et de la Varenne, savent bien qu'au-delà de la forêt d'Eawy et de Dieppe il n'y a plus de Cauchois.

Dans le Pays de Caux, de Vivien de Saint-Martin et de Baudrillart, il y a, en réalité, considérées au point de vue moral, cinq régions différentes : D'abord la région comprise entre Dieppe et le Pays de Bray, à l'ouest et à l'est, la Brêle ; Passy, Baudrillart et Joanne l'appellent « le Petit Caux ».

Cette région différente du Pays de Caux géographiquement, comme nous le verrons plus loin, l'est aussi au point de vue ethnique. « C'est une terre plus picarde que normande », comme l'a très justement noté M. l'abbé Cochet. Les habitants n'ont ni le même parler ni les mêmes coutumes que les Cauchois. Lorsqu'ils parlent avec des paysans des cantons situés à l'ouest de Dieppe, ils leurs disent : « Vous autres Cauchois », ceux-ci leur répondent : « Vous autres Picards ».

Le pays compris entre la vallée de Bray et la limite occidentale de la forêt d'Eawy forme la seconde région. Les habitants ont la prononciation brève des Picards mais leur mentalité ressemble à celle des Cauchois ; néanmoins, ils ne se considèrent pas comme Cauchois.

La troisième région qui comprend le canton de Buchy, la partie orientale de celui de Clères jusqu'à la Cailly, le canton de Maromme et la partie du canton de Duclair située sur la rive gauche de la Sainte-Austreberthe, est, suivant l'expression même de ses habitants, a la région dans l'influence de la ville ». C'est le souvenir du pagus Rodomensis sur la rive droite de la Seine ; seule la partie de ce pagus, située sur la rive gauche, a conservé jusqu'à nos jours le nom de Roumois.

Entre la Varenne, la rivière de Cailly jusqu'à Montville, Barentin, la Sainte-Austreberthe et la Scie « on est et on n'est pas dans le Pays de Caux ». La prononciation des habitants y est moins traînante que celle des Cauchois du plateau.

Plusieurs localités de cette région, Saint-Victor, Montreuil, portent accolé à leur nom le suffixe en Caux; au XVIIIe siècle Longueville et Sierville (près de Clères) le portaient encore couramment.

Les habitants de cette région ont cependant raison de ne pas se considérer comme de « véritables Cauchois », car le pays entre la Varenne et la Scie est un essart de la grande forêt gauloise, des lambeaux forestiers échelonnés sur la crête qui domine la rive droite de la Scie en témoignent encore, et il ne faisait pas partie intégrante de la civitas calète.

Le Pays de Caux incontestable et incontesté ne commence qu'au-delà de la Scie et de la Sainte-Austreberthe. Sur tout le plateau, à l'ouest, on se dit Cauchois et on est fier de l'être, mais au pied du plateau, entre Duclair et Caudebec « les riverains » prétendent n'être point Cauchois, il en va de même à l'entrée de quelques vallées sur la Seine et sur la mer, à Bolbec, par exemple, ou à Fécamp. La population d'Yport est une population d'origine méridionale immigrée dans une « valleuse » du Pays de Caux à une époque indéterminée.

Voici donc le Pays de Caux délimité d'après le dire des habitants, mais la question se pose maintenant de savoir sur quel criterium ils se basent pour déclarer qu'un canton ou qu'une commune est ou n'est pas du Pays de Caux ? Sur quels caractères, en un mot, font-ils reposer son unité ?

Les Cauchois ont le sentiment très profond que l'unité du Pays de Caux repose sur la communauté d'origine de ses habitants, qu'elle a pour base une unité ethnique. La formule invariable de leurs réponses, lorsqu'on les interroge sur ce point, l'indique très nettement. Quel que soit la forme que vous donniez à votre question : « Jusqu'où s'étend le Pays de Caux ? —

Suis-je bien dans le Pays de Caux ? », etc. ; dans la réponse des habitants il sera question non du Pays de Caux, mais des Cauchois :  Oui, nous sommes Cauchois — ou bien : Non ce village n'est pas cauchois ». Pour eux le Pays de Caux est la région habitée par les Cauchois ; ils ne considèrent ni les Yportais, ni les habitants des vallées, jadis occupées par les envahisseurs normands, comme des Cauchois, pas plus d'ailleurs que ceux-ci ne se considèrent comme tels.

Les caractères du Cauchois sont difficiles à préciser. Le Cauchois se reconnaît à un ensemble de particularités qui le caractérisent, plutôt qu'à une particularité très déterminée. Ce qui le distingue le plus de l'habitant des régions voisines, c'est son langage et sa prononciation. Entre eux les Cauchois se reconnaissent « au patelin ».

Jusqu'en 1789 il a subsisté un monument vivant et caractéristique de l'unité morale des Cauchois, c'était leur droit spécial, la Coutume de Caux.

Antérieure à l'invasion normande, cette coutume fut supplantée par celle de Normandie, dans la vallée de la Seine, de la Sainte-Austreberthe et de Bolbec, mais elle s'était conservée sur le plateau.
N'est-ce pas la preuve indiscutable que les Cauchois ne sont pas des Normands mais bien les descendants de la tribu gauloise des Caleti ?


LE PAYS DE CAUX GÉOGRAPHIQUE

Le Pays de Caux n'est pas seulement une contrée historique il est aussi une région géographique, seulement, en tant qu'unité géographique, il s'étend vers l'est, plus loin que la civitas dont il tira son nom.

Le facteur prépondérant du Pays de Caux, envisagé au point de vue géographique, c'est sa situation péninsulaire. Cette situation le différencie des régions voisines, Vexin et Roumois, dont le rapprochent sa constitution géologique et son relief. C'est à sa position entre la Manche et la Basse- Seine qu'il doit un climat plus humide et plus doux, et une activité économique plus grande que ceux du Roumois et du Vexin.

Les limites du Pays de Caux, unité géographique, ne sont pas plus précises à l'est que celles de la contrée historique d'où lui vient son nom.

Le Pays de Caux est, grosso modo, la presqu'île triangulaire comprise entre le Havre, Dieppe et Rouen; ses caractères péninsulaires s'atténuent progressivement d'ouest en est, et l'on passe par une dégradation insensible du Pays de Caux proprement dit, qui s'arrête à la rive droite de la Cailly, au Vexin qui commence sur la rive gauche de l'Andelle.


GÉOGRAPHIE PHYSIQUE

Le Pays de Caux forme, au point de vue de la Géographie physique, un plateau presque complètement isolé.

Sur la Seine, sur la Manche, sur la vallée de Bray il se termine nettement « par une coupe perpendiculaire de la craie », c'est-à-dire par une falaise, mais au sud-est il se rattache au Vexin par une sorte d'isthme compris entre Rouen et le Pays de Bray.

Passy lui donnait pour limites, de ce côté, l'Andelle : c'est là une limite toute artificielle, car des deux côtés de cette rivière, on trouve même composition géologique et même relief. L'Andelle ne saurait donc pas plus former une limite, à ce double point de vue, que la Sainte-Austreberthe ou la rivière de Cailly.
 

En réalité, le Pays de Caux et le Vexin se confondent sans qu'on puisse tracer entre eux une limite franche ; mais pratiquement on peut admettre que le plateau cauchois se termine à l'Andelle.

Géologie.

Géologiquement le Pays de Caux forme l'extrémité nord-ouest de l'auréole crétacée du bassin de Paris. Il se compose d'un épais massif de sédiments crétacés reposant sur un soubassement jurassique et dominé par un revêtement d'argile à silex et de limon.

Ce limon, légèrement argileux, dit limon des plateaux « recouvre d'une manière uniforme toutes les parties hautes du Pays de Caux. Sa puissance très considérable aux environs d'Yerville, où elle atteint plusieurs mètres, diminue graduellement vers le nord et l'ouest, de telle sorte qu'aux environs de Saint-Valery il ne forme plus qu'une couche mince et discontinue au-dessus de l'argile à silex ».

Telle est la composition minéralogique du Pays de Caux; elle est identique à celle du Vexin, du Roumois et de la région comprise entre la vallée de Bray et la Bresle.

Ces contrées datent des mêmes époques géologiques, elles formaient jadis un seul bloc compact que des mouvements tectoniques ont ensuite divisé.

La pression latérale qui causa ces deux fractures détermina également, grosso modo et réserve faite du travail d'érosion, le relief du Pays de Caux.

Elle provoqua deux soulèvements, l'un à l'ouest, entre le Havre et la faille Fécamp-Lillebonne, l'autre à l'est, entre la falaise occidentale du Bray et les rivières de la Varenne et de la Crevon.
Sous la pression latérale qu'il subit, le Pays de Caux gondola […]
En somme il est résulté de ces divers phénomènes tectoniques et d'érosion un plateau légèrement ondulé, terminé presque partout par une haute falaise à pic et sillonné d'une vingtaine de vallées profondes et de nombreuses « valleuses » très courtes qui finissent en escarpement sur la falaise.

Il y a une inclinaison générale d'est en ouest, depuis la falaise qui domine le Bray, par 200 et même 240 mètres d'altitude, jusqu'aux falaises occidentales d'une hauteur de 100 mètres environ.

Perpendiculaire à cette première inclinaison, de chaque côté d'une ligne de faîte qui coupe le plateau d'ouest en est, du cap d'Antifer à Buchy, il existe une double pente vers la Manche au nord, vers la Seine au sud.[…] l'endroit le plus élevé du centre du Pays de Caux (206 mètres au nord d'Yerville) (65 mètres environ près de l'embouchure du Dun). 


CARTE CLIMAT  


Placé sur les bords de la Manche, le Pays de Caux doit à sa forme de presqu'île une accentuation de l'influence marine sur son climat. Considéré dans son ensemble, celui-ci possède les caractères principaux de tout climat marin : il est tempéré et humide.

La péninsule cauchoise va en s'amincissant d'est en ouest et s'élève d'ouest en est; il en résulte que la température sur la surface du plateau cauchois est d'autant moins constante que l'on s'avance vers l'est.

La majeure partie des vents qui soufflent sur le Pays de Caux, sont dus aux courants aériens qui arrivent dans la Manche, soit du sud-ouest, de l'ouest, du nord-ouest, par l'Atlantique; soit du nord et même du nord-est, par la mer du Nord. Venant de la mer ils sont toujours humides et très souvent pluvieux.

Cette diminution de la pluie d'ouest en est s'explique par la forme même de la péninsule cauchoise. Elle va s'amincissant d'est en ouest, or, c'est dans sa partie la plus étroite que l'abordent les vents les plus chargés de pluie (vents d'ouest, du sud-ouest et du nord-ouest), celle-ci reçoit donc de chacun de ces vents une quantité maxima de pluie.

Le plateau s'élargissant vers l'est, les vents du nord-ouest et ceux du sud-ouest ont chacun leur zone d'influence dominante et les pluies qu'ils apportent séparément ne s'additionnent plus; il en résulte une diminution de pluie d'ouest en est.

Le climat du Pays de Caux est, à tout prendre, un climat humide et, s'il ne pleut en moyenne que 150 jours par an, pendant 3oo jours environ les vents sont chargés d'humidité.

Hydrographie.

l'eau se dépose et forme des mares très évasées et peu profondes. En raison même de l'étendue de leur surface l'évaporation y est active et, aux époques de forte chaleur, ces mares sont souvent à sec. Pour recueillir et conserver les eaux de pluie, les habitants du plateau ont creusé des citerne s. Quant à creuser des puits on n'y pouvait songer ; les nappes d'eau souterraines in-
tarissables se trouvant en moyenne à 100 mètres de profondeur.

En résumé, au point de vue hydrographique, le Pays de Caux est divisé en deux régions bien distinctes le plateau avec, çà et là, quelques mares d'eau stagnante, souvent à sec en été les vallées arrosées par d'abondantes rivières qui tarissent très rarement.

GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE

Le Pays de Caux, envisagé au point de vue économique, a pour caractéristique que l'agriculture, l'industrie et le commerce s'y sont également et harmonieusement développés.

Agriculture.

Le Pays de Caux, par sa situation, par les qualités spéciales de son sol, par la nature de son climat, convient parfaitement à l'agriculture. Celle- ci se divise en deux grandes branches la culture et l'élevage
Par son relief et par sa composition géologique, le plateau cauchois est naturellement voué à la grande culture production des céréales, des plantes industrielles, des fourrages. La fertilité, toutefois, n'est pas égale sur tout le plateau, elle dépend de la qualité de la terre végétale, de l'humus qui n'est lui-même que le produit de la désagrégation superficielle de la roche sous-jacente.

Ces divers terrains sont de valeur très inégale pour l'agriculture, mais la limite n'est pas entre eux franchement marquée.
Suivant qu'elles sont de limon, d'argile ou de craie, les terres sont dites, dans le Pays de Caux bonnes, médiocres, mauvaises, et suivant leur qualité elles sont recouvertes de bois, d'ajoncs et d'herbes ou livrées à la culture.

Aux époques gauloise et romaine, et pendant une partie du moyen-âge, la majeure partie du plateau était couverte de forêts ; des chartes nombreuses et les noms mêmes de certaines localités en font foi. Le défrichement commença dès l'époque romaine et, les « essartements », dus pour la plupart aux moines, se poursuivirent durant tout le moyen-âge, de jour en
jour plus nombreux et plus étendus.

On ne respecta les forêts que là où la pente et la nature du sol ne permettaient pas de rendre le terrain cultivable. Des immenses forêts du passé il ne reste plus, aujourd'hui, que quelques rares débris au flanc des vallées et sur la surface du plateau, là seulement où affleurent la craie et une argile trop siliceuse.

Les bois taillis, coudriers et noisetiers, dominent dans la région septentrionale, les bois de haute-futaie se rencontrent surtout sur le versant de la Seine et dans la région orientale.

Les forêts de Lillebonne, du Maulévrier, du Trait, de Roumare, la forêt Verte et la forêt d'Eawy appartiennent à cette seconde catégorie. Elles se composent pour la plus grande part des essences suivantes le chêne, l'orme, le frêne et surtout le hêtre, l'arbre des terrains calcaires. Sur le littoral les «mauvaises» terres non boisées sont couvertes d'herbe sèche et de joncs marins; au centre du plateau l'on ne rencontre pas de joncs marins mais seulement une herbe maigre qui sert de pâture à des troupeaux de moutons, de jour en jour moins nombreux.

Les « terres moyennes composées d'argile peu siliceuse amendées par le « marnage qui les « réchauffe », et les « bonnes terres » ou  « terres franches » se partagent entre la culture |23o ooo hectares) et les « masures » (43 000 hectares).

Les 236 000 hectares de terres arables représentent environ 65 % du territoire total du Pays de Caux.

Les terres consacrées à la culture n'ont pas partout une valeur uniforme, en général autant que l'on peut établir un rapport entre leur valeur réelle et leur valeur vénale leur qualité va croissant d'est en ouest.
En représentant la valeur moyenne de l'hectare de terre arable dans l'ensemble du Pays de Caux (par 100) elle est de 91,40 dans les cantons cauchois de l'arrondissement de Dieppe; de 96,90 dans celui de Rouen; de 102,90 dans l'arrondissement d'Yvetot; de 109,70 dans l'arrondissement du Havre. Les cantons marins donnent une moyenne de 103,40 ; ceux qui bordent la Seine, de 102,70 ; ceux du centre, seulement de 98. 
Pourtant le limon, la terre du centre que dans ceux de l'ouest, du nord ou du sud ; la valeur de la terre arable dépend donc principalement, toutes choses égale d'ailleurs, de la
quantité d'eau qu'elle reçoit.

Les plantes cultivées dans le Pays de Caux se divisent en céréales, cultures industrielles, plantes fourragères et prairies artificielles. 

Les diverses plantes industrielles exigent chacune des conditions spéciales de terrain et de climat qui ne se présentent pas d'une manière uniforme sur tout le plateau, leur culture est par conséquent localisée.  Les cultures industrielles se divisent en trois catégories le colza ; le lin ; la betterave sucrière ou industrielle.
Le lin, dont Pline signalait déjà l'existence dans le pays des Calètes, et qui, par sa culture et son tissage, a longtemps fait vivre beaucoup d'ouvriers dans les masures cauchoises ; le lin après avoir habitué les habitants de la région au tissage du coton, recule devant lui. 
La betterave industrielle offre, avec le colza et le lin, le plus parfait contraste tant comme résultats que comme mode de production. Leur culture est en décadence, la sienne est en progrès.


Sur la surface du plateau, au milieu des champs, se dressent, de ci delà, des lignes d'arbres droits et élancés qui limitent de toutes parts l'horizon et à distance paraissent former la lisière d'une forêt ininterrompue, ce sont les « hètrées » ou « brise-vents ».

Les pommiers auxquels le climat humide du Pays de Caux convient admirablement, parce qu'il fait grossir leurs fruits et augmente leur rendement en jus, se rencontrent un peu partout à la surface du plateau mais tendent à se concentrer dans les cours-masures. Leur culture dans les champs offre en effet un double inconvénient qui ne se présente pas dans les enclos la violence des vents fait tomber au printemps une grande partie des rieurs des pommiers plantés en rase campagne et diminue d'autant la quantité de pommes qu'ils seraient susceptibles de produire ; et d'autre part, l'ombre des arbres nuit aux moissons qu'ils abritent en les empêchant de mûrir. Dans les enclos ces deux inconvénients ne se produisent pas.
Dans la masure on élève des porcs et des volatiles de basse-cour, mais quoique plusieurs variétés de canards et de poules (canards de Duclair et poules de Pavilly) aient, dans le monde des gourmets, une certaine renommée, leur élève dépend de l'industrie des fermiers et non de rapports directs avec les facteurs géographiques de la contrée.

Tout au contraire l'élevage du gros bétail, qui se pratique dans les vallées, dépend des conditions géographiques. Grâce à leur constitution géologique imperméable et à l'humidité permanente qu'y entretiennent le voisinage de la mer et surtout les rivières qui les irriguent, les vallées cauchoises sont par excellence un pays d'élevage.

Les pâturages naturels du Pays de Caux se divisent en trois catégories les deux premières se partagent la vallée de la Seine et les basses vallées de ses affluents, la troisième comprend les vallées des rivières de la Manche et les parties moyenne et supérieure des vallées des affluents de la Seine.
Dans la basse vallée de la Lézarde, dans celle de la Scie, de la Sainte-Austreberthe et de la Cailly, voire même à Vittefleur et à Palluel, le long de la Durdent, les cultures maraîchères sont du meilleur rapport les cressonnières de Veules sont renommées.

Industrie.

L'industrie est aussi florissante que l'agriculture. Elle est en grande partie localisée dans les vallées où les rivières lui fournissent l'eau, son indispensable aliment soit comme force motrice sous forme d'eau courante ou de vapeur, soit simplement pour les lavages.

Au point de vue de l'origine géographique des matières premières qu'elles emploient, les industries cauchoises se divisent en industries dont les matières premières proviennent du Pays de Caux lui-même, et en industries dont les matières premières sont exotiques.

A l'époque romaine et au moyen âge on tirait le fer des argiles ferrugineuses du plateau. Les buttes ferrières ou « faisières » de Saint-Léonard, près de Fécamp, de Bellencombre, de Montreuil-en-Caux et de Bosc-le-Hard, ne sont que des amas de scories des argiles traitées pour l'extraction du fer.

Le seul combustible que renferme le sol cauchois, c'est la tourbe des vallées de Lillebonne, de Caudebec et de Saint-Saëns; l'exploitation annuelle n'atteint pas 1,000 tonnes.

A la surface du plateau, les dépôts meubles sur les pentes, les sables et graviers des terrasses, l'argile à silex fournissent le silex pour l'empierrement des routes et les grès de pavage. La craie blanche à silex est exploitée pour la fabrication de pierres de taille. Cette même craie blanche, la craie marneuse et l'argile à virgule donnent la chaux grasse et la chaux hydraulique.

Mais de toutes les extractions minérales du Pays de Caux la plus importante est celle des argiles pour la fabrication des tuiles, des briques, et même quand elles sont assez pures (argile plastique) pour celles des poteries.

Çà et là, à la surface du plateau et dans les vallées, au Havre, à Caudebec, à Yvetot, à Buchy, à Auffay, etc., on aperçoit sur le bord des routes et au milieu des champs des carrières de terres jaunes et rouges près desquelles se dressent de hautes cheminées ou de simples fours ronds en forme de dômes ce sont des tuileries, des briqueteries et des poteries.

Les manufactures et usines sont plus nombreuses dans ces dernières que dans celles qui aboutissent à la Seine mais par la nature même de leurs industries et par leur développement commercial, les plus importantes sont situées dans les vallées qui débouchent sur la Seine, principalement dans celles de la Lézarde, de la Bolbec, du Caudebec, de la Sainte-Austreberthe et de la Cailly.

Les grandes industries cauchoises se divisent en deux catégories celles qui tirent du pays même leurs matières premières celles qui opèrent sur des matières premières d'origine étrangère : telles l'industrie cotonnière dérivant pratiquement de l'industrie linière, telles les raffineries et les métallurgies.
La présence de l'industrie des cuirs dans le Pays de Caux s'explique naturellement par l'abondance des matières premières le Pays de Caux et
la région voisine, le Bray, étant pays d'élevage, l'abat fournit le cuir, les forêts de chêne donnent le tan et les rivières l'eau courante nécessaires à la tannerie. 
La corroierie et la mégisserie, qui dérivent immédiatement de la tannerie, occupent un assez grand nombre de manufactures spécialement à Caudebec et dans les vallées septentrionales, à Dieppe, à Auffay, à Bacqueville, à Cany, etc. Mais plus encore qu'un pays d'élevage, le Caux est un pays de céréales, aussi les minoteries sont-elles nombreuses dans les vallées (130 environ) il y en a plus de 20 dans la vallée de la Lézarde, dont 12 à Montivilliers, 12 dans les vallées de Ganzeville et de Valmont ; Bolbec en possède 8, Héricourt 7, etc. Il  n'y a si petite rivière qui ne possède la sienne sur la rivière de Veules qui n'a que 1 kilomètre de longueur, on en trouve 2 ou 3. Le grand nombre des rivières explique seul un fait en apparence paradoxal sur le plateau cauchois balayé par les vents, on ne rencontre presque pas de moulins à vent; personne n'est assez éloigné d'une rivière pour ne pouvoir porter son blé à la minoterie.

Une industrie qui dérive également de la culture des céréales est celle de l'amidon; elle tient peu de place dans la région, il n'y a qu'une seule amidonnerie à Lillebonne.

La betterave sucrière, dont la culture est prospère dans la partie orientale du Pays de Caux (cantons de Tôtes, Yerville, etc.), forme la base de l'industrie sucrière et de la distillerie dans notre région. Les distilleries sont pour la plupart confinées dans les grandes villes, à Rouen et au Havre, pourtant, depuis quelques années, elles commencent à apparaître sur le plateau.

L'industrie cauchoise de beaucoup la plus importante est l'industrie textile. Elle donne lieu à une série considérable d'opérations pour les transformations successives et l'appropriation de la matière brute aux besoins de la consommation » et occupe un très grand nombre de personnes.
Elle se divise en deux industries distinctes: l'industrie linière dont la matière première est indigène; l'industrie cotonnière qui importe la sienne de l'étranger, principalement de l'Amérique.

Suivant le témoignage de Pline, aux temps même de l'indépendance gauloise, les Calètes cultivaient déjà le lin et le tissaient.

La transformation des fibres du lin en toiles exige 5 opérations successives, dont les 2 dernières seules (filage et tissage) méritent véritablement le nom d'industries.

Jusqu'en 1785 on fila uniquement à la quenouille et au rouet. A cette époque, les premières broches mécaniques arrivèrent d'Angleterre ; aujourd'hui les usines de Barentin (filature Badin, 10 000 broches), de Denestanville (3 000 broches), de Gueures, de Pavilly et d'Avremesnil préparent pour le tissage la filasse linière.

Comme pour la filature il y a deux modes pour le tissage le tissage à la main, « au métier » opéré par « les cacheux » dans les masures du plateau et le tissage mécanique dans les usines des vallées. Peu à peu le tisserand à la main disparaît, incapable de soutenir la concurrence des usines de tissage. Au commencement du siècle les métiers à la main étaient nombreux dans les cantons de Goderville, de Criquetot et de Fécamp, il n'y en a plus un seul aujourd'hui. Luneray, Yvetot, Brachy et Doudeville continuent seuls à fabriquer des toiles écrues, les toiles à matelas et les coutils.
Au commencement du siècle les métiers à la main étaient nombreux dans les cantons de Goderville, de Criquetot et de Fécamp, il n'y en a plus un seul aujourd'hui. Luneray, Yvetot, Brachy et Doudeville continuent seuls à fabriquer des toiles écrues, les toiles à matelas et les
coutils.

L'industrie linière toute entière recule devant l'industrie cotonnière. Le coton apparaît dans le Pays de Caux au début du 16e siècle, et les habitants prirent l'habitude de le filer concurremment avec le lin, mais pendant un siècle cette nouvelle industrie végéta. A partir du 17e siècle les arrivages d'Amérique se firent réguliers ; dès lors le filage, le tissage et les industries annexes blanchisseries, teintureries, fabrication d'indiennes et de rouenneries, se développèrent successivement.

Quant à la fin du 18e siècle les machines à filer le coton, analogues aux broches pour la filature du lin, firent leur apparition, il y avait 20 000 fileuses à rouet dans le Pays de Caux.

Aujourd'hui presque tout le coton se file dans les usines. Celles-ci, sauf une vingtaine dans les vallées septentrionales, une dizaine dans la vallée de Bolbec, sont centralisées dans les environs de Rouen, à Rouen même, dans la presqu'île qui lui fait face (Oissel, Quevilly, Sotteville) et
dans les vallées de la Sainte-Austreberthe, de la Cailly et du Robec. Le tissage, la fabrication des indiennes et des rouenneries sont des industries plus particulièrement cauchoises […]  à Bolbec, à Doudeville, à Luneray, à Yvetot, à Bacqueville, à Saint-Laurent on tisse encore au métier à main le calicot ou le mouchoir de filé cru. La rouennerie, tissée avec des fils préalablement teints, se fabrique aussi à la main dans l'arrondissement d'Yvetot.

La fabrication des indiennes appartient à l'industrie des vallées, car l'impression des dessins coloriés exige la présence de l'eau, elle est localisée à Bolbec et dans les vallées du Robec et de la Cailly.

La Pêche : Dans l'activité économique du Pays de Caux, la petite et la grande pèche jouent un rôle important.

La pêche côtière est la ressource naturelle des simples localités maritimes et des ports secondaires du Pays de Caux : Au Havre, à Etretat, à Yport, à Fécamp, à Saint-Valery et à Dieppe les barques à voiles sortent du port ou quittent la plage pour pêcher la marée qui approvisionne les Halles de Rouen et de Paris. Fécamp et Dieppe arment pour la grande pêche. 

Le commerce spécial du Pays de Caux comprend à l'importation, les matières premières nécessaires à ses industries coton, peaux, minerais, houille, charbon; à l'exportation du blé, du bétail, des pommes, des légumes, des œufs, du beurre à destination de l'Angleterre; des tourteaux de lin et de colza pour notre département du Nord, enfin les produits manufacturés de son industrie cuirs tannés, articles de corroierie, sucres bruts et raffinés, toiles et cotonnades qu'il expédie en tous pays et surtout dans nos colonies.

Pour favoriser ce double trafic on a construit, en raccordement avec les grandes lignes du Havre à Paris et de Dieppe a Paris par Rouen, des lignes dites d'intérêt local qui relient les localités industrielles des vallées avec les ports du Havre, de Dieppe et de Rouen. 
L'emplacement des ports situés sur la périphérie de la péninsule cauchoise Rouen, Dieppe, le Havre, s'explique naturellement : Rouen s'est établi sur la Seine immédiatement en aval des îles qui embarrassent ce grand fleuve au confluent des deux rivières de la Cailly qui remonte vers le Pays de Caux et du Robec qui est une voie de pénétration vers le Bray et le nord de la France.

Dieppe est situé à l'embouchure de la plus large vallée cauchoise et de la rivière la plus abondante, la rivière d'Arques, qui réunit les eaux de la Béthune et de la Scie. 
A l'embouchure de la Seine, Le Havre remplace, comme port maritime, depuis le milieu du 16e siècle, Lillebonne et Harfleur qui, successivement pendant l'antiquité et le moyen âge, ont été les grands ports de guerre et les grands ports de commerce de la Gaule romaine et de l'ancienne France.
Rouen et le Havre réunis par la Basses-Seine, dont le lit a été considérablement amélioré depuis vingt ans, sont notre Manchester et notre Liverpool. 
L'activité agricole, industrielle et commerciale du Pays de Caux nous permet de prévoir que la population doit y être nombreuse.

Et, en effet, les 310,000 hectares du Pays de Caux renferment une population totale de 430 000 habitants, 230 000 ruraux, 200 000 urbains.

C'est que la fertilité du plateau augmente dans le même sens avec l'influence grandissante des caractères maritimes du climat. Nous retrouvons ici l'influence de la forme péninsulaire du Pays de Caux.

La population rurale n'est pas agglomérée dans de grands villages mais répartie dans une infinité de hameaux et lieux dits, réunis à trois, quatre, cinq ou même plus pour former une commune. Sur 14 chefs-lieux de canton à la surface du plateau, Yvetot et Doudeville sont seuls des communes urbaines.

Sur ce plateau en grande partie imperméable les habitants n'éprouvent pas le besoin de se réunir. Chaque ferme possède sa mare ou sa citerne qui lui fournit l'eau indispensable et, en cas de sécheresse, on va « pucher » aux rivières.

Les 200,000 âmes de populations urbaines sont groupés dans 2 grands centres à la fois commerciaux et industriels (Le Havre avec 13o,ooohab., et Dieppe avec 23,000).

Les localités industrielles  de Bolbec, 12 ooo hab. ; Lillebonne, 6 000 ; Montivilliers , 5 ooo ; Barentin, 4,5oo ; Pavilly, 3 000 ; Montville, Auffay, etc., se partagent plus de 5o,ooo habitants.

Depuis plus d'un demi-siècle on a émigré du plateau dans ces différents centres Vers 1840, l'arrondissement d'Yvetot atteignait une population de 143 000 âmes ; il n'y en a plus aujourd'hui que 96 000, c'est donc en 60 ans une diminution de plus d'un tiers.

La dépopulation du plateau tient une autre cause, elle tient aux progrès même de l'industrie.

Il n'y a donc pas dépopulation proprement dite mais déplacement de population dans les limites mêmes du Pays de Caux.
 
La population dans son ensemble a augmenté depuis le commencement du siècle de 3oo ooo âmes à peine, en 1806 ; elle atteint aujourd'hui 450 000, soit augmentation d'un tiers. »

Georges Lecarpentier

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

www.violoneux.fr

 

Synthèse en cours des contours à traves les âges

 

Voici la carte vierge des limites et contours ce qui vous donne un premier aperçu.

Comme vous pouvez le constater, il existe plusieurs lignes de "frontière" avec un code couleur différent que je vais vous commenter par la suite.

A gauche une double ligne verte et bleue, partant du Havre longeant les falaises  du pays de Caux, quasiment jusqu'au Pont de Tancarville. Poursuivant la ligne bleue, elle  suit les coteaux de la Seine en incorporant les rivières s'y déversant à l'exception de la boucle de Jumièges et de Sahurs comprenant la forêt de Jumièges et celle de Roumare. Poursuivant la ligne verte, elle vient en recul surtout au niveau des vallées ce qui semble logique car elle incorpore des critères de culture agricole tandis que la DREAL  semble incorporer les profils  topographiques d'altitude du plateau.

Ces deux tracés remontent vers le nord après avoir rejoint la confluence de l'Andelle avec la Seine.

La jonction se fait à l'approche depuis la source du Crevon  traversant le plateau vers la source de la Varenne, plus au sud où se situe Buchy (la marche vers le Bray).

La troisième ligne de démarcation est proposée par Ridel (2003) sur des critères historiques, toponymiques et paysagers. Elle parait démarrer de Saint-Wandrille remontant   en oblique vers Saint-Saëns  avant de rejoindre les autres tracés à quelques kilomètres près.

La quatrième ligne en violet est celle de Raymond Mensire (1946), partant de Yainville  vers  le nord en zigzag avant de basculer vers Clères puis Saint-Saëns pour rejoindre Dieppe.

La cinquième ligne en rouge  foncé est celle que propose Sion (1909)qui suit l'Austreberthe pour rejoindre la Scie vers Dieppe.

La sixième ligne de couleur orangée  est proposée par Sabine Derouard (1998)  selon des critères historique et géographiques. sa ligne part  vraisemblablement de Fontaine puis traverser le Cailly avant de rejoindre  le plateau vers Buchy et vers Saint-Saëns, puis Dieppe ; cette ligne suit quasiment la suivante au moins jusqu'à mi parcours de la Varenne.

La septième ligne en rouge  s'appuie la flore du pays de Caux recensée et cartographiée par le Conservatoire National de Bailleul, s'appuyant sur une carte de l'AREHN. Comme je le soulignais au départ l'étude, la botanique permet d'établir une cartographie thématique d'un territoire.  Pour cette raison  elle s'oriente vers le Petit-Caux sur  la bande du plateau littoral.

 

La ligne pointillée verte suggère une limite intermédiaire appelée Caux-Vexin pour le motif agricole.  (cette délimition  prend en compte en vert des petites régions agricoles - INSEE - (1946] : découpage basé sur des critères géographiques et agricoles exposé dans le livre Clos-masures et paysage cauchois, CAUE 76, Editions point de vues, 2008. Cette délimitation  orientale est quasiment commune à celle de la DREAL, Normandie, 2018.)

C'est important au départ de cette hsitoire du cidre du pays de Caux de montrer l'évolution d'un pays qui n'a jamais eu des contours stables. Ces pays de France ont subi l'érosion des administrations étatiques, régionales préférant les redécoupages du territoire depuis la Révolution française.

Comme beaucoup d'autres le Pays de Caux a été avalé  et disloquédans ce mille-feuille territorial.

Le  Retour de la Normandie dans le Royaume au 13e siècle l'a fait dessiné pour plusieurs siècles avant que le pays de Bray affirme sa boutonnière jusqu'aux marches du pays de Caux et de la Picardie.

Il est bien normal qu'on s'étonne que le pays de Caux ait eu plusieurs visages toutefois Thomas Corneille a vu une unicité territoriale grâce aux pommiers  et au cidre que ce pays a accueilli  deus siècles plus tôt.

Beaucoup de spécialistes (géographes, historiens, agriculteurs, architectes, paysagistes administrateurs ... ont confronté leurs points de vue, de même les habitants ont longtemps débattu et cela continuera encore un bon moment...

Il semble qu'en fait depuis la Gaule Belgica les calètes l'ont habité mais comme tout territoire suite aux invasions germaniques, romaines, anglo-saxonnes ses contours ont évolué sans cesse historiquement, géographiquement, botaniquement,  linguistiquement, administrativement, culturellement. 

Carte dressée par Willem Blaeu en 1635

 

Le Pais de Caux : geheugen.delpher.nl

 

 

Une des premières descriptions du pays de Caux  a été rédigée par Thomas Corneille en 1707.

 

Un des premiers témoignages  consignés du cidre du pays de Caux se trouve dans le Dictionnaire universel, géographique et historique. T. 1, A-D / , contenant la description des royaumes, empires, estats, provinces, pays, contrées, deserts, villes, bourgs, abbayes, chasteaux, forteresses, mers, rivieres, lacs, bayes, golphes, détroits, caps, isles, presqu'isles, montagnes, vallées ... à consulter sur ce lien : gallica.bnf.fr

Voici en 1708,  la première aire géographique du cidre du pais de Caux  définie par le Royaume de France, décrite par Thomas Corneille. [...].

En 1685, Thomas Corneille produisit  un Dictionnaire des termes des arts et des sciences en complément du dictionnaire de l’Académie puis à un Dictionnaire universel géographique et historique en 1708 avec privilège de sa majesté Louis XIV.

«Caux. Pays de France en Normandie, l’un des quatre qui composent le vaste Diocèse de Rouen, en latin Calentis Ager. Il est situé entre la Seine, l’Océan, la Picardie, le Bray & le Vexin Normand, & a pris son nom des anciens Caletes qui l’ont habité.

Il comprend les ports de mer & villes de Caudebec, d’Harfleur, du Havre de Grâce, de Fécamp, de Saint Valery, de Dieppe, de Tréport, d’Aumale, de la Ville d’Eu et de Neufchâtel. Il y a aussi Montivilliers & Lillebonne dans les terres. Ce Pays est à peu près de forme triangulaire, ayant en tête un Cap ou Promontoire, qui est une côte avancée dans la mer proche du Havre, & qu’on appelle Cap ou Chef de Caux. Sa plus grande largeur est de seize lieues, depuis la banlieue de Rouen jusqu’à la ville d’Eu & au Tréport, & dans cette étendue, comme dans le cœur du Pays, & même vers la côte de la mer, on voit quantité de vastes campagnes qui produisent toutes sortes de bons grains, des légumes, des lins & et des chanvres, de la navette ou rabette dont on fait l’huile à brûler, & pour d’autres usages. D’ailleurs on voit non seulement dans les vergers, & dans les cours des particuliers, mais aussi dans les chemins & à travers les campagnes, grand nombre d’arbres à fruits, pommiers & poiriers dont on fait du cidre & du poiré, qui servent de boisson à ceux du pays, parce qu’étant un peu froid, il n’est point propre à la vigne. [...] Le Pays de Caux comprend trois Duchez, Longueville ; Aumale et Etoutteville, dont le premier s’est éteint ; six comtés, Tancarville, Lillebonne, Maulévrier, Claire, Dieppe & Eu ; cinq Marquisats, Graville, Cani, Hocqueville, Gremonville & Hermeville ; & environ trente baronnies, pami lesquelles on compte Bec-Crespin, Cretot, Fécamp & Vittefleur. Le même Pays a plusieurs Châtellnies ; cinq baillages ; […] quatre Eglises Collégiales ; seize Abbayes, dont celle de Jumièges, de Saint-Wandrille & de Fécamp […] Les rivières qui arrosent le Pays de Caux sont la Paluel, la Sanne, la Scie, l’Arques & l’Eaune, qui se déchargent dans l’Océa.n, dit la Manche ou Mer d’Angleterre. La Brêle qui sépare le diocèse de Rouen de celuy d’Amiens s’y va rendre aussi ; mais la Laizarde, l’Enne, la Bapaume & quelques autres, tombent dans la Seine.» [Corneille, 1708]

Une carte du pais de Caux  du début du 18e siècle est répandue, carte que j'ai trouvé exposée encadrée au Musée de Musée d'Histoire de la Vie Quotidienne, il traite de la vie quotidienne des habitants de Petit-Caux, et plus généralement des Français, de la fin du XIXe siècle à la fin du XXe ... Allez découvrir ce musée où vous verrez cette carte que l'on peut également consulter via ce lien : gallica.bnf.fr

 

Une autre figure le pays de Caux en 1716 in : gallica.bnf

 

De cette même époque je vous propose cette vue d'Eu, observez la légende

Vue du château de la ville d'Eu, en Normandie dans le Pays de Caux, 1702

Extrait du site : www.rotomagus.fr

 

une autre figure le pays de Caux en 1716 in : gallica.bnf.fr

 

 

 

 

Plusieurs analyses se sont donc répandues depuis le 18e siècle géographes, historiens, spécialistes du paysage, architectes, toponymistes, topographes, cartographes, auteurs…  J’ai choisi pour commencer de m’appuyer sur plusieurs documents.

Celui de Alain Roquelet et Daniel Fauvel tout d’abord ; celui de David Gaillard [1]  se référant à  Mensire [2] (critères historiques et géographiques) mais aussi sur celle de Sion (1909) sur des critères géographiques, paysagers et sociaux, de Ridel (2003) sur des critères historiques, toponymiques et paysagers ;  de Sabine Derouard (1998) aux critères, aux contours proches de celle de Mensire cartographiés dans l'ouvrage :  Clos-masures et paysage cauchois, CAUE 76, Editions point de vues, 2008. Et puis Sion ainsi d'autres documents publiés par la D.R.E.A.L.[3]. l'ARHEN ; le CBNBL  de Bailleul ; Georges Dubosc - in :  Jumieges.free.fr


[1] Le clos-masure en pays de Caux : vers une inscription au patrimoine mondial de l’Unesco ? David Gaillard

[2] Le Pays de Caux : son origine, ses limites, son histoire / Raymond Mensire, Livre, Mensire, Raymond, Edité par Ed. du Bastion. s.l. – 1984 : En effet Raymond Mensire situe la frontière est du pays de Caux, partant du Trait vers Carville ; Freville ; limite Est de Bouville, Mesnil Panneville, Limésy ; limite Ouest de Butot et de Grigneville, et remontant vers Dieppe jusqu'aux falaises aval de Dieppe.

[3] Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL) Normandie est un service déconcentré de l'État français.

Progressons au 19e  siècle

Mais avant de considérer celle décrite par la DREAL, il est intéressant de lire la perception de Jean Canu :  Voir le lien : www.jstor.org

« Né à Rouen d'un père depuis longtemps établi à Rouen et d'une mère normande, élevé à Rouen, passant aux portes de Rouen la plus grande partie de son existence, Flaubert acquit peu à peu, et tout naturellement, une connaissance intime et profonde de cette ville et de ses environs. Ses relations de famille, ses amitiés, ses voyages de vacances à Trouville et à Pont-l'Evêque, le mirent en contact avec d'autres aspects de la terre normande, mais son expérience prolongée des hommes et des choses n'a guère dépassé les limites du pays de Caux, ce plateau crayeux qui tombe par de blanches falaises, au Sud sur la vallée de la Seine, au Nord-Ouest sur la Manche au Nord-Est sur le pays de Bray et la Picardie, à l'Est enfin sur la vallée de l'Andelle, réalité géographique si nettement différente  des régions environnantes qu'elle formait dès avant la conquête romaine une unité distincte, et qu'elle garde aujourd'hui encore sa personnalité. Avant que d'être normand, Flaubert est cauchois, et c'est une couleur cauchoise qu'il a donné à Madame Bovary. »

Jean Canu rapporte également une remarque faite par Flaubert vis-à-vis des cauchois « […] un enterrement qui lui montre de braves Cauchois moins soucieux de leur deuil que de leurs arbres fruitiers.»

 

« Le Pays de Caux est globalement composé d’un immense plateau vallonné, entaillé de vallées et situé entre la Manche et la vallée de la Seine. L’habitat caractéristique est celui des clos-masures, isolés ou regroupés en villages et en bourgs. Le plateau se divise lui-même en six parties. Les critères de différenciation des paysages s’appuient sur la proximité de la mer et l’organisation de l’habitat : Le Caux maritime forme le premier ensemble. Le long de la côte de la Manche, sur une largeur de 10 km environ, l’influence maritime se perçoit avec ses vents permanents et un habitat plus rare, privilégiant les replis des petites vallées. »[DREAL Normandie, 2018]

A consulter les cartes via ce lien où sont décrites les 9 unités de paysage :

www.normandie.developpement-durable.gouv.fr

 


[1] Bouloche, ou boulo - Pâtisserie cuite au four, faite d’un fruit entier (pomme ou poire) entouré de pâte. » [Bouchard-Le Scour, 1981] A certaine occasion ma mère nous faisait des bouloches aux poires de coq. Petit je ne prenais pas mon pouce mais je boulochai ma couverture en laine. Plus tard elle me disait arrête de boulocher.

 

« Le Pays de Caux typique est celui qui s’étend sur le plateau limoneux, balayé par les vents d’ouest qui apportent des précipitations supérieures à celles de la vallée de la Seine et du Bray. Les limites orientales ne passent pas par une ligne bien précise : c’est plutôt une zone où s’estompent progressivement les fondements géographiques, historiques et culturels qui caractérisent le Pays de Caux. » [Fauvel-Roquelet, 1978]

En 1978, M. Daniel Fauvel était Professeur du service éducatifs des Archives de la Seine-Maritime. Il est Docteur en histoire. - Professeur agrégé à la retraite, aujourd’hui membre de l’association des amis de Flaubert et de Maupassant.

Raymond Mensire a délimité le pays de Caux   d’un côté par la mer et de l’autre suivant schématiquement une ligne allant de Dieppe suivant le plateau sommital vers Bosc-le-Hard, bifurquant vers Limésy rattraper la Seine au Trait.

« Le Pays de Caux est un cap massif s’enfonçant dans la mer comme l’avant du grand navire qui s’appelle la France. […] La question de la limite Est du Pays de Caux serait donc fort controversée et même à peu près inextricable […]  la limite du Pays de Caux passe sur les hauteurs dominant tout le cours de la Scie, à l’Est, depuis son embouchure jusqu’à sa source, pour de là , suivre approximativement la ligne de partage des eaux entre les sources de la Scie et celles de l’Austreberthe, longer cette rivière à l’Ouest et s’en écarter progressivement pour aboutir à la Seine  entre Caudebec et Duclair. »

Le site de l'inventaire de la flore sauvage de la Haute-Normandie présente le pays de Caux le dissociant du Petit Caux, toutefois sur la carte à laquelle ils se réfère  les deux sont associés.

A consulter sur ce lien : digitale.cbnbl.org

Pays de Caux

Le Pays de Caux s’étend au nord de la Seine jusqu'aux falaises littorales de la Manche. Il occupe la plus grande partie du département de la Seine-Maritime. C’est un plateau crayeux, recouvert en grande partie par des limons fertiles. Il est découpé par un certain nombre de vallées de fleuves littoraux, de valleuses ou de rivières affluentes de la Seine. Les paysages sont dominés par les grandes cultures. Les clos-masures (cours de fermes ceinturées de talus plantés de hêtres, de chênes et parfois maintenant de peupliers), donnent au paysage de ce pays un caractère relativement arboré. La cour enherbée est généralement plantée de pommiers à cidre. Le pays de Caux est célèbre pour son littoral et ses falaises de craies dont la couleur blanche est à l’origine de son appellation de "Côte d'Albâtre".

Petit-Caux

Le Petit-Caux est une région voisine du Pays de Caux. Situé à l’est de Dieppe elle constitue une bande littorale d’environ 15 km de large pour atteindre la vallée de la Bresle. Les paysages sont assez semblables à ceux du pays de Caux (grandes cultures et clos-masures) auquel il est parfois rattaché.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ancien verger de Côteau à Saint-Clair-sur-les-Monts © Pascal Levaillant 2020

Alignement d'arbres d'une masure à Pavilly © Pascal Levaillant 2010

Masure cauchoise à Allouville-Bellefosse © Pascal Levaillant 2012

Masure cauchoise près de Fauville-en-Caux © Pascal Levaillant 2021

Masure cauchoise près de Fauville-en-Caux © Pascal Levaillant 2018

Verger cauchois près d'Yvetot  en hiver © Pascal Levaillant 2020

René Musset rapporte ce que sont pour lui les limites du pays de Caux. 

Voir le lien : www.persee.fr

« On applique aujourd'hui communément le nom de Caux, non au territoire qui fut celui des Calètes, mais à toute la partie de la Normandie au N. de la Seine et à l'W. de l'Andelle, moins le Pays de Bray : on saisit l'influence de la division départementale (la Seine- Maritime se limite pratiquement à l'Andelle inférieure), mais l'influence aussi de traditions plus anciennes. La pression de l'enseignement primaire et des ouvrages publiés fait qu'aujourd'hui les gens du pays eux-mêmes tendent à admettre un Caux au sens large, mais avec des résistances quelquefois : les habitants du N.-E. de la Seine-Maritime ne se disent pas cauchois. Ce dernier coin de terre, de fait, est original : il est une transition vers la Picardie, à laquelle il ressemble par deux traits, la présence de longs cours d'eau parallèles, le langage qui fait passage du parler normand au parler picard. On a pris l'habitude d'appeler ce coin de terre le Petit Caux : cette appellation n'a rien de populaire et est une invention des doctes (au haut Moyen Age ce fut le pagus Tellavus, le Tallou, nom oublié, qui fut usité seulement du 7 e au 11e siècle).» [Musset, 1961]

Jules Sion témoigne de la singularité du Petit-Caux, citant Le Boullenger (1807) :

« Suivant la côte d'Étretat au Tréport, l’ingénieur Le Boullenger notait en 1807 que vers Saint-Martin-en-Campagne et Criel, on ne retrouve plus les aspects du Caux : « les masures deviennent plus rares ; on ne cultive plus que par assolements, c'est-à-dire que tout le village sème ses avoines du même côté et contiguës, ses blés et ses trèfles de même ; il en résulte des champs immenses une beauté trop uniforme » ; et cette méthode était aussi connue dans les cantons d’Eu, de Blangy, d’Aumale, d’Envermeu, de Longueville, de Tôtes, de Bellencombre »

Jules Sion, Les paysans de la Normandie orientale, pays de Caux, Bray, Vexin normand…1909.

 

Vous pourrez observer des structures végétales subsistantes à Régnétuit,

commune d'Avesnes-en-Val au   Petit-Caux, vu par la [DREAL, Normandie, 2018]

www.normandie.developpement-durable.gouv.fr

Juste à propos du parler cauchois

 

Considérant le parler cauchois, la revue "parlers et traditions populaires de Normandie

celui de la région du Havre

celui de la région d'Yvetot-Yerville

celui de la région de Dieppe

 

Extraits

 

A propos de la diversité des parlers cauchois, mes parents disaient que le patois d'un village différait du village voisin en prenant exemple d'Hautôt-Saint-Sulpice  et d'Etoutteville dont ils étaient originaires.

Cette distinction ne m'a jamais trop étonné d'autant que dans d'autres contrées du pays de Caux, je l'(ai entendu.

Cette revue le confirme en citant trois principales zones de parlers cauchois.

Il disent ceci  en remarques préliminaires : 

" On trouvera dans les pages qui suivent quelques indications sur le parler cauchois de la région de Dieppe. Il faut savoir, en effet, qu'il a plusieurs parlers cauchois ; en gros : celui de la région du Havre (Fécamp-Bolbec), celui de la région d'Yvetot-Yerville ; et celui de la région de Dieppe, réparti à peu près sur les cantons de Saint-Valéry-en-Caux, Fontaine-le'Dun, Bacqueville, Offranville, Longueville-sur-Scie, Tôtes et Envermeu. (A Dieppe même, les milieux populaires parlent un français approximatif, émaillé de quelques expressions cauchoises et d'argot du Pollet, le vieux quartier du port).

Il existe entre ces parlers de nombreuses ressemblances. Il y a une sorte de fonds commun du cauchois, notamment pour la prononciation des r et des l, dans le fait du é qui devient è ; mais tant dans la pronociation que dans le vocabulaire, les différences sont réelles" 

In : Le parler cauchois de la région de Dieppe, N° 52, Parlers et traditions populaires de Normandie, 1981.

 

Le fascule 2 du parler cauchois de la région de Dieppe est sorti peu après le décès de l'abbé Hue, le 4 octobre 1981.

Son étude sera publiée en intégralité sur les numéros 53-54- 55 et 56. En hommage à sa mémoire et en hommage de son profond attachement au peuple cauchois dont il est issu (in : p. 45 du n° 54, 1998)

dans la troisième partie du parler cauchois on peut lire 

Au jardin :

Des fruits euribles (précoces)

eul'pêizié : le poirier

locher les pommes (les faire tomber)

Eul' fossé (le talus) qui entoure fermes et maisons haut parfois de 2 mètres, surmonté de hêtres et de chênes. C'est un aménagement très propre au pays de Caux.

Entre eux (j'insiste bien) ils se traiteront de petzouille "paysan" mais prière de ne pas s'y risquer.

J'ai entendu dire, en présence de faits bizarres : y a du berquer là-dessous (les bergers passaint pour savoir des choses)

Leun'nay pour LUNERAY

Bacqueville en Caux : Bâk'ville

Offranville : Suffranville

Auppegard : Eul'pougar

Le Havre : Eul' Rhâv avec un h très aspiré

Fécanais pour Fécampois

Les Valdiquais pour les Valeriquais

Dans le N° 53 du parler cauchois

N'avei /é/ que des crèques à manger, "n'avons rien du tout" Les crèques sont des petites baies rouges des épines.

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Le gros cidre " le pur jus" mis en bouteille

Cheus nous, on ne beit/è/ point de l'iâo : ést du pissâ de guernouille

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Dans le N° 56 du parler cauchois

La vague s'est prônée, elle a avalé une pomme tombée dans le pré, et elle s'est engobée " étouffée.

Un pot de cidre "deux litres"

 

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ULe pays de Caux : un terroir, un sol, un sous-sol sur lequel tout pousse : les sols d’un plateau calcaire sur lequel ont été déposés les limons depuis des millions d’années

"Le Pays de Caux est globalement composé d’un immense plateau vallonné, entaillé de vallées et situé entre la Manche et la vallée de la Seine. » [DREAL, Normandie 2018]

Depuis la glaciation du Würm [Futura-Sciences] le loess a été déposé sur ce plateau et celui voisin de l’Eure, pour atteindre plusieurs mètres.

« Pendant la glaciation du Würm, la Haute Normandie s'est trouvée dans la zone balayée par les vents partant de façon plus ou moins rayonnante d'un anticyclone centré en permanence plus au nord-est. C'est dans ces conditions que les plateaux de la région se sont trouvés recouverts par une couche de loess (limon des plateaux) [www.futura-sciences.com] qui atteint souvent plusieurs mètres. Aujourd'hui complètement décalcifié, ce dépôt constitue un sol légèrement acide, qui, moyennant un amendement calcaire, confère à une grande partie de l'Eure et de la Seine-Maritime une richesse agricole exceptionnelle. »

« Le pays de Caux est le pays le plus fertile que je connaisse au monde Ce qu’on appelle la grande agriculture y est porté à la perfection. L’épaisseur de son humus, quina en quelques endroits cinq à six pieds de profondeur, les engrais que lui fournit le fond de marne sur lequel il est élevé, ceux qu’il tire des plantes marines de ses rivages, qu’on répand à sa surface, concourent à le couvrir de superbes végétaux. » [Bernardin de Saint-Pierre, Voyage de Normandie, 1775 ; Pouchain, 2015] 

« Les limons du Caux, et surtout ceux du Vexin, passent cependant pour l’une des meilleures terres à blé de la France. Arthur Young (17871789) admirait la fertilité des « loams » qu'il traversa de Rouen au Havre » [Sion, 1909] 

A la même époque, dans les années qui suivirent  la Révolution Française, De la Morinière, l'un des fondateurs de la Société d'Émulation de l'Agriculture, du Commerce et des Arts de la Seine-Inférieure écrivait dans son essai sur le département de la Seine-Inférieure : il propose un tableau où cette marne abonde  dans de grandes proportions plus qu'ailleurs : du simple au double :  le district d'Yvetot vis à vis du district de Dieppe suivi de celui de Cany. 

« On emploie la marne dans tous ces districts maritimes pour fertiliser la terre. Cet usage date de loin, car il est question dans les anciennes loix des français, des règles à suivre pour l’emploi de la marne. Elle se trouve à des profondeurs très inégales. Les marneurs prétendent qu’elle est disposée par pyramides sous la terre, de sorte qu’on est souvent obligé de faire les frais de plusieurs marnières, avant d’en trouver une bonne […] » [De la Morinière, 1785]

Les limons et lœss : qualité des limons et de l’humus originel venu des forêts primaires.

Un milieu en harmonie entre, limon, marne et humus propice à une croissance végétale remarquable

« Les paysages agricoles sont très ouverts sur les plateaux couverts de limons fertiles et profonds favorables aux grandes cultures (blé, betterave, lin) […]  Les formes d’humus sous forêt indiquent un processus de décomposition des litières ralenti en raison de la relative acidité du milieu : - 23 % de la surface de forêt présente un humus de forme moder ou hémimoder ; - 4 % des humus sont de forme dysmoder. Cependant 61 % des humus ont un fonctionnement meilleur : formes oligomull à dysmull (30 %) ou eumull à mésomull (31 %). Les humus sont carbonatés sur 13 % de la surface de forêt de production. » [inventaire-forestier.ign.fr]

La Géologie du pays de Caux est favorable aux grandes cultures sur son territoire – plus tardivement aux pommiers.  

« Vigarié (1969) a bien montré l'importance des sols : « Le Cauchois naît dans le limon, vit dans le limon, travaille dans le limon et meurt dans le limon ». Le Caux ne forme cependant pas une « table » monotone ; il est au contraire entaillé par des vallées drainées. »[Vivier-Douyer, 1985]

Le Pays de Caux a des limites multiples si on contaste toutes les études réalisées depuis la cartographie romaine qu’elles le soient administrativement, géographiquement, historiquement, géologiquement, patrimonialement…

 

 

 

Voici une des limites et contours du pays de Caux : en orange le plateau sommital, en blanc correspond les vallées littorale et Seine du pays de Caux, en noir la vallée de Seine d'un côté ; et à l'est la vallée de l'Andelle ; au nord-est la boutonnière de Bray : plateau et vallées ; d'après une carte éditée en noir et blanc, colorisée par mes soins, m’inspirant d’une des cartes éditées dans le BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ BOTANIQUE DU CENTRE-OUEST, NOUVELLE SÉRIE, TOME 20 -1989 1990, avec l’aimable autorisation de René Guéry,  éminent botaniste seinomarin membre de cette société.

On s'aperçoit partant  vers le nord des Authieux-Port-Saint-Ouen  vers Buchy, et glissant à l’ouest  vers Tôtes, Yerville, Yvetot, Fauville, Goderville, Sainte-Adresse en pointe de Caux on voit que la ligne de partage des eaux réunit ce plateau qui de cette ligne suit de part et  d'autres les vallées vers la Manche  - Etretat, Fécamp, Saint Valery-en-Caux, Veulettes, Veules les Roses, Saint-Aubin-sur-Mer,  Quiberville, Pourville et Dieppe -  et les autres vers la Seine : Gonfreville l'Orcher,  la Cerlangue, Triqueville, Villequier, Sainte-Marguerite-sur-Duclair, Hénouville, Bois-Guillaume, Bihorel.

Sable rouge argile à silex, issu d'une poche en affleurement d'un talus à Yvetot © Pascal Levaillant 2020

 

 

 

Le pays de Caux : un terroir, un climat spécifique sous deux influences maritimes, celle de l'estuaire de la Seine et de l'autre la Manche.

La proximité de l’air marin et de l’influence maritime jusqu’ à Rouen comme un atout car la température océanique atténue les fortes gelées

Les conditions climatiques sont de type océanique : « Le Caux  et les plateaux voisins sont des régions où la chaleur est douce et égale, où les extrêmes sont rares et relativement faibles. Ils doivent la constance de leur température au voisinage de la mer qui, s’échauffant et se refroidissant moins vite que la terre, rafraîchit l’air l’été et l’attiédit pendant la mauvaise saison. Ce caractère est d’autant plus net que, à altitude égale, une station est moins éloignée de la mer. Du Havre à Rouen, il n’y a pas 75 kilomètres à vol d'oiseau, et pourtant le climat de Rouen est déjà moins soumis aux influences marines, moins régulier. […] Comme les écarts de température qu'entraînent, soit l’altitude, soit la distance de la mer, ne dépassent pas 1°,5 d’un point à l’autre de notre région, les dates des travaux agricoles ne varient que d’une ou deux semaines. » [Sion, 1909]

Le vent et leurs forces sont des contraintes et la pluie demeure un comme avantage parce que la mare permet de conserver l’eau.

 

La belle et grand mare du Plain Bosc à Etoutteville qui a été sauvée, curée et remise en eau par mes cousins. Elle sert à préserver à retenir l'eau de la plaine. Un reguge de biodiversité.

 

Le climat et la prédominance des vents d’ouest [Sion 1909] dont l’influence maritime se fait sentir jusqu’à Rouen est favorable aux cultures en raison de sa douceur relative atténuant les fortes gelées, alternant pluies et ensoleillement. En revanche les vents parfois violents ont toujours malmené les arbres, ce pourquoi les cauchois redoutant l’assaut des vents marins ont protégé leur habitat et leurs pommiers à l’abri dans leurs masures et autrement dit dans la cour.

Si les précipitations sont abondantes, elles font la réputation de la Normandie et du pays de Caux. « On s’explique que l’herbe si drue des masures normandes, pas sa croissance vigoureuse, rappelle aux anglais les pelouses de leur pays » [Sion, 1909].

Les vents. « La prédominance des vents d’Ouest concourt à rendre plus modéré et plus égal le climat de la Normandie, en portant dans l’intérieur l’air frais de la mer l’été, en réchauffant le continent l’hiver. Elle est très sensible dans le tableau suivant qui indique le nombre de jours où, durant les trente années 1853-1882, le vent a soufflé à Fécamp de telle ou telle direction. En réunissant les vents d’Ouest à ceux de Sud-Ouest et de Nord- Ouest, on voit que le vent venait de ce quart de l’horizon plus d’une fois sur deux. Sa direction moyenne est d’Ouest un quart Sud-Ouest. Elle varie du Nord-Ouest au Sud-Ouest et au Sud-Sud-Ouest suivant la saison. En mars, la direction moyenne du vent coïncide avec la moyenne annuelle ; il remonte vers le Nord jusqu’en juin, selon le mouvement apparent du soleil, puis il le suit dans sa descente vers le Sud jusqu’en décembre. […] Les vents d’Ouest la laissent se condenser en partie quand ils arrivent sur le littoral. Ce sont eux qui rendent si humide le climat normand. […] En même temps que les plus humides, les vents marins sont les plus violents. Sur les 86 jours où domine le vent d’Ouest chaque année, il est qualifié 29 fois de brise légère, 3o fois de bonne brise, 18 de forte
brise et 9 de très forte brise ou de tempête. Les grandes tempêtes viennent exclusivement du Sud-Ouest, de l’Ouest et du Nord-Ouest ; par contre, les vents du Sud et du Sud-Est sont les plus doux. Il n’est d’ailleurs pas besoin de girouette ni d’anémomètre pour constater la fréquence et la force des vents marins : la vue des arbres de la côte suffit. C’est pour protéger les constructions, pour empêcher les fleurs et les fruits des pommiers d'être emportés que les Cauchois entourent leurs vergers d’une lisière de hêtres ou d’ormes, plantés sur les fossés qui limitent la masure ; dans les fermes importantes, on renforce souvent cette enceinte en disposant devant le fossé deux ou trois rangées supplémentaires sur le côté qui fait face à la mer. Ces lignes de grands arbres, qui font la beauté régulière de la campagne cauchoise, montrent jusqu’à quel point, même à plusieurs dizaines de kilomètres de la côte, on redoute l’assaut des vents marins. » [Sion, 1909]

La pluie, l’eau de pluie est nécessaire à retenir mais elle reste impropre dans la mare. Seule les sources au pied du plateau coté Seine ou côté Manche sont des compléments à l’usage de l’humain.
 

Ces pluies dites de relief au pays de Caux varient d’un endroit à l’autre selon les inclinaisons du plateau vers la Seine et vers le Vexin. Paradoxalement les eaux sont peu retenues du fait que le sous-sol est calcaire. Néanmoins les cauchois - « les pucheux » - ont canalisé les eaux de pluie pour remplir des puits, des citernes et des mares sur les argiles leur permettant non pas de la consommer mais de la conserver pour divers usages (bétails, eau pour le cidre, incendie…). C’est bien après la seconde guerre mondiale que l’eau est arrivée dans les ménages au pays de Caux. [Couvret 1954]

Les précipitations 

« Les précipitations sont abondantes 800 à 1000 mm : « La quantité d’eau apportée par le vent du Sud-Est est donc trois fois inférieure à celle que déverse, soit le vent du Sud-Ouest, soit celui de l’Ouest. […]  La Normandie n'a pas usurpé sa réputation de contrée pluvieuse.
Sous forme de pluie, de brouillard, de neige ou de grêle, il tombe à l’Ouest du Caux près d’un mètre d’eau, quantité qui classe cette région parmi les plus arrosées de la France, immédiatement après les massifs montagneux, la Basse Bretagne et la côte Gasconne. […] On s’explique que l’herbe si drue des masures normandes, par sa croissance vigoureuse, rappelle aux Anglais les pelouses de leur pays. […]  Cette humidité, le Caux la doit au régime des vents et à l’altitude de ses campagnes. Les vents marins, presque saturés de vapeur d’eau, se heurtent contre les falaises de la Manche ; ils s’élèvent, se refroidissent et laissent se condenser la vapeur d’eau. Les pluies qui tombent sur ces plateaux, hauts de 100 à 200 mètres, rentrent dans
la catégorie des « pluies de relief », comme celles que produit dans nos montagnes de l’Est et du Centre la montée de l’air sur les versants orientés vers l’Atlantique. Le maximum se place, non pas dans la région la plus élevée, mais dans celle où les courants les plus humides, ceux du Sud-Ouest, de l'Ouest et du Nord-Ouest, combinent leurs effets, à l’extrémité occidentale de la péninsule. » [Sion, 1909]

Paradoxalement, soumis aux pluies abondantes le pays de Caux est pauvre en eau (et surtout potable).  « La Seine-Inférieure, pays à sous-sol calcaire, est, dans son ensemble, pauvre en eau. Celle-ci gît, dans le Pays de Caux, à des profondeurs de 60, 80, 100 mètres et plus. Beaucoup de communes n’avaient jusqu’ici d’autres ressources que des puits non permanents ou contaminés, des citernes ou des mares. […] déjà, bien avant la guerre 1939-1945, des efforts avaient été entrepris en vue d’organiser dans les campagnes des distributions d’eau ; de grands forages avaient été tentés. Malgré tout, en 1946, l’on ne comptait encore que cent seize communes rurales alimentées. » [Couvret, 1954]

La Mare était cruciale au pays de Caux, à plus d'un titre.

« Le pressoir était installé dans la cour d’une petite ferme proche, sous un appentis, à quinze pas de la mare. […] Il y fallait de l’eau de mare, la pluie même du ciel tombée sur l’herbe et se faufilant, clairette, par toutes les rigoles des chemins pour se décanter à l’ombre des arbres dans sa large cuve d’argile. » [Le Povremoyne, 1954]

 

 

Le pays de Caux : un terroir où la forêt s'est trouvée défrichée en partie pour l'agriculture, l'habitat, les fermes et masures  qui accueillirent, en lisière et dans des clairières de forêt,  des vergers et dans les masures et les cours le pommier et le poirier à cidre

Le pays de Caux s’il se caractérise aujourd’hui par sa structure d’habitat : la masure et/ou la cour elle est apparue singulièrement depuis les successifs défrichements. Au temps des Calètes il est supposé que sur leur territoire fut boisé à 80% [Lerond, 1978) mais rien ne dit qu’ils vivent exclusivement en forêts comme nous le verrons plus loin.

« En France, pommes, poires, merises, noisettes, glands, cynorrhodons d’églantiers, prunelles, cenelles d’aubépines, raisins ou olives, tous sauvages, composaient une partie de l’alimentation des derniers chasseurs-pêcheurs-cueilleurs du Mésolithique (9000-6000 av. J.-C), mais aussi des premiers agriculteurs-éleveurs du Néolithique malgré l’arrivée de plantes domestiquées du Proche-Orient au VIe millénaire av. J.-C. et de leurs successeurs. »  [Ruas ; Marinval 1988, 1999 ; Ruas & Marinval 1991 ; Ruas 1996 ; Ruas et al. 2005-2006 ; Zech-Matterne et al. 2008 ; Vaquer & Ruas 2009 ; Bouby 2010].

Forêt cauchoise, défrichements, reboisements, essarts, pommiers sauvages et pommes cultivées

Le pays de Caux un territoire jadis boisé abritait les pommes. Les premiers essarteurs de l’époque de bronze [Lerond, 1978] ont permis à la tribu gauloise des Calètes de se fournir en ressource pour le bétail et pour leur consommation propre, avant même que les Romains définissent une notion de propriété forestière (domaine) [Lerond, 1978].

« Les Celtes entretenaient des pommiers au milieu des forêts. Les druides considéraient qu’il s’agissait d’un arbre sacré, à l’égal du chêne. » [Parcs Naturels Régionaux de Brotonne et de Normandie-Maine, 1982]

Dès l’époque romaine, le Caux n’était certainement pas entièrement déboisé (Sion, 1909]

Puis les invasions des Saxons, [...] des Scandinaves ont poursuivi les défrichements avec alternance de reconstitution de massifs, reprenant au Moyen Age [Lepert, DRAC HN, 2014]

Au XIe siècle, une charte du Conquérant accorda à l’abbaye de Boscherville de nouveaux essarts de cette paroisse – Guillaume par ailleurs venait chasser dans ces forêts que les ducs voulaient préserver à cette fin [Sion, 1909]

« Il convient de préciser que le terme « forêt » ne désigne pas ici les seuls terrains densément boisés que nous appelons ainsi aujourd'hui. La forêt, c'est alors le terrain de chasse des rois normands, puis angevins et de leurs successeurs. Guillaume le Conquérant, infatigable chasseur, avait affirmé ses privilèges sur la forêt royale, mais celle-ci fut progressivement étendue par ses successeurs, jusqu'à ce que, en 1184 (Assize de Woodstock), Henri II décidât que la forêt royale relèverait d'une loi spéciale et non de la loi commune. Henry II, Richard et Jean étendirent démesurément le territoire soumis à ce régime juridique particulier, y incorporant des landes ou des prairies, et même des champs, des villages ou des villes, de telle sorte que la forêt ainsi entendue recouvrait un tiers du royaume. » [Charte de la forêt. Digithèque MJP, 2011]

Les actes du XIe et XIIe siècles l’évoquent, mais surtout au 13e siècle. Ils concernent les forêts de Préaux et de Cailli ; la forêt de Lillebonne ; la forêt de Halates, la forêt de Fécamp. 

Prenons l’exemple des défrichements ordonnés par le Clergé de Rouen sur l’exemple de  1296 où l’archevêque de Rouen donna aux moines de Saint Ouen la dîme des essarts de la forêt Verte et de la forêt de Lions. Autre exemple de la forêt de Roumare où le défrichement fut commencé sous Henri II qui par la suite vit la fondation de La Vaupalière, en 1257, les religieuses y acquirent des terres défrichées et essartées […] en 1269 concéda aux Emmurées de Rouen des terres labourables dans ses essarts près de Montigny, y bâtir une grange. L’abbaye de Saint Georges quant à elle y entreprit quelques défrichements où verra se cultiver la pomme Montigny [Delisle, 1903]

Si on prend l’exemple de la commune de La Cerlangue, elle fut créée vers 1240 car de nombreuses étendues de bois avaient été défrichées avant. En 1474 des fournitures de boisson et de cidre pour les ouvriers du château sont consignées. L’histoire de la commune relate également que les vergers de la Cerlangue étaient réputés dès cette époque et fournissaient le cidre de l’abbaye de Montivilliers.  Au temps du Moyen Age les écoles étaient subventionnées par la « fabrique de l’église » - terme ancien indiquant les biens et les revenus, par exemple les produits des pommiers dont le cimetière était planté à cette époque. [Bulletin de La Cerlangue, 1985]

« La vogue du cidre de Montigny, attestée par un acte du 14e siècle relatif à un marché de pommes, cité par M. Ch. De Beaurepaire dans ses Notes et documents sur l'état des campagnes de la Haute-Normandie pendant les derniers temps du moyen âge, avait certainement persisté au 18e siècle. C'est ce qui résulte notamment d'une mention très curieuse qui a été relevée par M. Félix et qui concerne l'acquisition d'une futaille de cidre de cette provenance pour le service de la maison du Roi, au Parc-aux-Cerfs, à Versailles. Une commande royale de cidre de Montigny, près Canteleu ; Rouen, 1883, in-8°, p. 13 .» [Le Paulmier, 1589 et 1906]

Concernant la couverture boisée de la forêt de Lillebonne et de la forêt de Fécamp il est précisé qu’elle se rejoignaient. Les bois résiduels des Loges et des Hogues n’étaient qu’un quartier de la forêt de Fécamp [Soulignac citant Deck, 1970], laquelle s’étendait d’Etretat aux Dalles, rejoignait au sud la forêt de Lillebonne. [Soulignac, 1980].

« Les ducs en admettant dans leur forêt de nombreux fiefs, l'abbaye par une gestion habile, certains barons formés par la pratique de l'administration ducale, les paysans par un travail acharné, tous, depuis le milieu du 10e siècle jusqu'à la fin du XIIe, ont contribué largement à la prospérité du duché par l'apport de terres neuves ; ils ont créé un paysage qui, sauf sur la côte, n'a guère varié en profondeur. » [Deck, 1970]

Cette évolution sera également décrite et cartographiée par Musset   René Musset dans son article intitulé Le nom et l'ancienne ceinture forestière du Pays de Caux ; les villages des défrichements médiévaux [Musset, 1961].

Pour beaucoup d’entre-elles les forêts bornaient le pays de Caux au nord-est par la vallée de la Varenne côté Caux, les parties boisées à l’est est de l’Andelle côté Caux Rouen, et enfin les forêts des bords de Seine et du plateau côté Seine. C’est là aussi que les paysans sont venus se grouper en terrains, (boel) autrement dit cour ou masure de part et d’autre de la rue devenant ainsi village. [Delisle, 1903]

En effet comme le signale Michel Lerond « La population rurale du Moyen-Âge est étroitement associée à la forêt qui est ainsi le siège d’une vie villageoise intense, abritant mille métiers et mille activités. La toponymie cauchoise est d’ailleurs significative à cet égard : Saint-Eustache-la-Forêt, Bois-Himont, Auberbosc, Saint-Martin-aux-Arbres » [Lerond, 1978]  et pourrait-on ajouter Boisguillaume, hameau du plein-Bosc à Etoutteville, Bois-d’Ennebourg, Bois-l’Evêque, Bosc-Bordel, Bosc-Edeline, Bosc-le-Hard, ...

 

Le verger au Plain bosc à Etoutteville où j'aidais mon père à ramasser les pommes à cidre, cela fait déjà 60 ans (on en ramassait près de 100 rasières sur les 1000 que pouvait contenir la cour.)

 

 

 

 

« Pour les pommes et les poires, nous avions à demeure des pommes à couteau  et chez notre tante Thérèse - Tata Golden- mais pour les pommes à cidre nous allions les ramasser à Etoutteville dans la cour  de la ferme de Bernard et Monique, nos cousins. Nous ramassions les pommes  puis elles étaient livrées par notre cousin en tracteur jusqu'à Yvetot. Nous lochions les pommes avec des gaules, nous secouions les grosses branches qui tombaient d’un seul coup sur l’herbe. Je me souviens du bruit mate de leur tombée dans l’herbe haute. Nous en prenions sur la tête avant de tout mettre dans des « pouches » ou dans des sacs plastiques à engrais retournés qui même rincés sentaient encore un peu la chimie. Nous en ramassions 70 rasières. [...]  Les pommes pourries servaient à des bagarres dans la cour : il y avait le clan des pommes « su» - les méchants -  et le clan des pommes douces – les gentils. Selon, on se traitait de soit pommes « su » ou de pommes douces. »

Le pays de Caux, ses masures, ses cours, ses us et coutumes …  Pascal Levaillant, 2022

Etant reparti du moyen-âge qui a contribué à redessiner le pays de Caux, suite à des invasions vikings mais aussi grâce à des défrichements, qui ont permis de voir apparaitre des habitations (masure) et des hameaux s’agrégeant en paroisse (village), les études de René Musset mettent en évidence les zones de défrichements qui se sont opérées autour du plateau sommital du pays de Caux, de la pointe de Caux jusqu’à l’Andelle.

 

 

Musset a focalisé sur les zones forestières qui ont subi des défrichements. Force est de remarquer que ces forêts et zones défrichées successivement ceinturent les limites qu’il définit du pays de Caux, du Havre à l’Andelle et de Rouen à Dieppe. D’après Musset, d’autre part le plateau non colorisé n’a que peu subit de défrichements peut-on en déduire ! et pourtant  selon de ce que Soulignac (1980) a évoqué ci-dessus que  la forêt d'Etretat  rejoignait la forêt de Lillebonne, ce qui semble-t-il  a échappé à Musset qui fit son étude plus tôt dans le siècle. (1961)

Voici la carte sur lequel il positionne ces défrichements successifs : en vert j’ai colorisé les forêts actuelles dont : 1 - Les principales sont désignées sur la carte par un numéro. Rive droite : 9, Forêt Verte ; 10, de Roumare ; 11 de Jumièges ; 12, du Trait ; 13, de Maulévrier ; en orange j’ai colorisé les forêts défrichées depuis le moyen âge : 2- Zones forestières au moyen âge, défrichées depuis.

Ces trois cartes  du pays de Caux montrent  finalement des contours assez proches les uns des autres.

 

Un pommier dit "sauvage" entre Maromme et Montigny en Seine-Maritime ©Pascal Levaillant 2024

 

Le pays de Caux : un terroir dans lequel l’habitat fut déterminant pour accueillir les pommiers et poiriers.

Développement à l'aube du second millénaire de la masure cauchoise à de la cour et du clausage (closage) :

talus -fossés plantés de trois rideaux, d’arbres et d’arbustes pour protéger du vent  la masure des vents d’ouest, forts à violents, avant d'y abriter durablement les pommiers et les poiriers à partir du mitan du 2e  millénaire.

 

Comme nous l’avons observé sur la carte établie par Musset les l’intérieur du plateau de Caux déboisé progressivement en en peu plus d’un millénaire, a permis aux successeurs des Calètes d’y mener une agriculture diversifiée basée sur les cultures céréalières - blé, orge…- entre autres servant à confectionner une boisson potable qu’était consommée à l’époque : la Cervoise sachant que les vignes s’acclimataient plutôt en vallée de la Seine et sachant que le cidre  apparut plus tard en commençant par être commencé par les religieux dans les abbayes. Toutefois il fallut attendre Charlemagne et l’établissement des Abbayes pour que la consommation du cidre fait à partir des vergers s’installèrent en clairière de certaines forêts et en lisière d’autres dont la tâche revenait aux curés qui cultivaient les pommiers à cette fin au nom des abbayes situées en vallée de la Seine ou dans les vallées affluentes de la Seine et leurs forêts adjacentes où s’y trouvaient les pommiers sauvages.

Il fallut attendre plus tard dans le second millénaire pour que les cours et les masures s’y rattachant y soient affectés.

Masure, clausage et closage

Ce dispositif semble être le prolongement d’anciens habitats ruraux de la Tène finale/Haut Empire que des archéologues ont découverts suite à des fouilles du siècle dernier lors des chantiers routiers et autoroutiers de l’A 29 ou de rocades de ville colle sur le plateau nord  de Rouen comme celles décrites par Philippe Fajon sur lesquelles nous reviendrons en citant plus tard quelques-unes de ses conclusions.

Avant cela nous pouvons citer quelques extraits de ses recherches sur l’exploitation agricole antique du pays de Caux et comme préambule à la masure.

Philippe Fajon décrit l’agriculteur : « au sens de « celui qui gère l'espace agricole autour de son siège d'exploitation par une forme de maîtrise foncière » est autonome dans ses décisions d'affectation du sol. L'agriculteur crée le paysage autour de sa ferme en façonnant les espaces sur lesquels il travaille. »

Il évoque une relation de continuité semble exister en ce sens et constate des cas d'enclos attribués à une activité agricole dominante. L'enclos dit-il « semble être effectivement le critère commun qui traverse le temps pour ces exploitations ex :  Saint-Antoine-la-Forêt "Le Clos Pestel" (Ladureau, 1995) ou Grémonville "Le Bois Thillant" (Rougier, 1995); Bolbec "Les Maréchaux" et "Les Maréchaux sud" ; Saint-Valéry-en-Caux "Ancien centre mobilisateur 39" ; Eslettes "Le Manoir Bosquet" ; Saint- Romain-de-Colbosc "Contournement ouest" ; 15 - Bois-Guillaume "Contournement…[…] présentent des enclos  dans leur forme élémentaire (fig. 2). Sur d'autres sites comme Etaimpuis "La Briquetterie" (Blancquaert & Herment, 1995), Veauville-les- Baons "RD 37", Baons-le-Comte "Les Baons" (Blanquaert & Desfosses, 1997), […] on constate la continuité stricte qui existe entre les éléments fossoyés formant enclos à la fin de l'Âge du Fer et les systèmes parcellaires qui se développent sur les mêmes sites selon l'organisation établie antérieurement […] avec ces exemples, cet article nous fait constater la marque laissée par l'agriculture gauloise puis gallo-romaine dans notre paysage. Nous n'avons pas cherché ici à modéliser mais simplement à proposer une suite d'observations visant à répondre à la question de l'opportunisme des choix d'implantations des fermes antiques. » [Fajon, 2003]

Commençons par examiner ce lieu, cet espace agricole singulier selon  la définition que donne Léopold Delisle à la masure au moyen-âge

" La masure (en latin "mansura, "masura", "masagium) , "mesagium", "masnagium", etc... n'était point une tenure particulière. C'était plutôt l'indication de l'habitation du paysan avec ses dépendances, de sorte qu'une masure pouvait être tenue aussi bien en vavassorie qu'en bordage. On appelait surfait tout ce qui s'élevait sur la masure. [...] A côté de la masure doivent être signalés le clausage, synomyme de masure, le cottage, qui indique quelquefois la tenure d'un jardin, ainsi que le courtillage ; la croûte dont le nom est resté attaché à un grand nombre de nos champs, l'ouche et le pourpris, espèces de cour. [...] »

A masure il faut entendre le synonyme cour que le corps notarial a cherché à changer en 1866 par la locution cour-masure, locution qui elle-même a été remplacé par un couple d’architecte en 1968 la transformant en clos-masure, autre locution, qui ne sont pas ni l’une, ni l’autre pour autant au dictionnaire de la langue française.

Dans le cœur des cauchois,  la cour masure, la masure ou la cour sont encore la référence que le clos-masure ne remplacera jamais véritablement d’autant que leur mutation en espaces immobiliers vient déprécier leur fonction initiale mais faut-il rappeler qu’au 19e siècle bon nombre de parisiens ou de rouennais ont fait des vavassories et de manoirs une résidence secondaire ce qui explique l’introduction de la cour-masure dans les annonces immobilières en 1866 par le corps notarial local voire national. 

 «  Masures : sens provincial, la cour plantée entourant la maison d’habitation et les batiments agricoles d’un cultivateur. « On appelle masures en Normandie, les terrains en campagne, enclos de haies, fossés ou murs, en nature d’herbage et ordinairement plantées d’arbres fruitiers ». (Journal des arrêts des cours royales de Rouen et de Caen, t. VII, 1827, p. 41).» 

in : Droit privé et Institutions régionales, Études offertes à Jean Yver, Sous la direction de Société d'histoire du droit et des institutions des pays de l'Ouest de la France ; Fossés cauchois et normands, André Dubuc, p. 183-196 in : books.openedition.org

 

Et si... 

 

Et si c'était pour cette raison lexicale que la locution[1] « clos-masure » identifiée  à propos du  dossier d'inscription du "clos-masure" au Patrimoine mondial de l'UNESCO n'ait pas été retenu ! possible d'autant que j'ai trouvé la preuve qu'en pays de Bray les enclos de talus et fossés plantés d’arbre (futaie) ont existé avant d'être remplacés par des enclos de haies.  Oui, c'est avéré ! en dépit des apparences d'aujourd'hui.


[1]Préférence du mot à locution : Franz Josef Hausmann formule une critique cinglante de l’état actuel de la phraséographie, dont la carence est d’autant plus patente pour le locuteur étranger. Les dictionnaires non spécialisés privilégient le mot : les locutions, lorsqu’elles sont présentes, y sont mal traitées, telles les collocations qui, sémasiologie oblige, ne donnent pas les collocatifs à l’article de la base, là où on serait justement amené à les chercher.

 

Seuls le Littré, le Larousse et le Trésor de la langue française cible le mot du vocabulaire français dans son acception dimension régionale : Littré : « Nom, en Normandie, de l'enclos, ou verger, ou herbage planté d'arbres fruitiers, dans lequel sont situés les bâtiments de la ferme »

Larousse : « Maison rurale traditionnelle du pays de Caux, composée de plusieurs bâtiments d'habitation et d'exploitation dispersés dans un pré clos de haies et planté de pommiers. »

Voilà ce que rapporte le Trésor de la Langue française  : « Définition masure - Région. (Pays de Caux)

 

1. Habitation rurale ; ensemble de bâtiments d'une exploitation agricole. Les préoccupations d'arboriculture et d'élevage se font sentir dans la ferme-masure caractéristique du pays de Caux. Elle se distribue en bâtiments séparés, mais tous compris dans l'enceinte rectangulaire (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p.180).

2. Herbage clos planté de pommiers ou d'autres arbres fruitiers entourant les bâtiments de la ferme. Le régisseur aida Bouvard et Pécuchet à franchir un échalier, et ils traversèrent deux masures, où des vaches ruminaient sous les pommiers (FLAUB., Bouvard, t.1, 1880, p.27).

3. Jusqu'à nos jours, c'est dans ces gains successifs que tient toute l'histoire du pays de Caux. Ainsi se sont multipliées les fermes entourées de leurs vergers ou masures [it. ds le texte], d'où le fermier surveille son bétail, et que flanquent des fossés, ou levées de terres garnies de hêtres. »

 

La masure, l’espace par excellence dédié au verger, aux pommiers. André Vigarié nous offre une des plus belles descriptions de ladite masure Cauchoise dont Jean-Robert Pitte nous fait l’éloge dans son Histoire du paysage français. [Pitte, 1983]

« André Vigarié - dans ses études sur la masure cauchoise. On sait qu'elle représente le plus beau type de maison à cour ouverte, c'est à dire constituée de bâtiments dispersés au sein d'une pâture complantée de pommiers et close d'un fossé doublé d'un talus planté de hêtres. [...] La structure dissociée la rend bien adaptée à l'économie rurale variée Pays de Caux : céréaliculture, élevage bovin et porcin, pommiers à cidre. […] ce type de maison se rencontre tout au long des littoraux qui vont des Pays Baltes et du Jutland à la Normandie et au Devonshire […] cette aire d’extension best celle de la civilisation noroise des 10e et 11e siècles. » [Vigarié, 1969, Pitte, 1983]

 

A la masure il convient d’associer le mot « cour ».

"Les exploitations rurales du pays de Caux sont connues aujourd'hui sous le nom de « cours-masures » ou « clos-masures », termes empruntés aux géographes, que les habitants n'emploient pas eux-mêmes, utilisant les termes masure ou cour.  » [Bouillon, 2008]

Cet auteur apporte quelques précisions qui pourront éclairer le lecteur :

« De même, « l’herbage » clos planté de pommiers ou de fruitiers entourant les bâtiments de la ferme » correspond très exactement à ce que les Cauchois appellent encore aujourd'hui une cour. Pour notre part, nous nous référerons ici à l'article Masures de la Coutume de Normandie. [D. Houard, 1780-1783] « La Coutume réformée, article 271, entend par ce mot ce que la Coutume ancienne appelloit ménages ; c'est-à-dire ce qui comprend les bâtiments, le clos, la cour & le jardin ». Cette acception fait de la cour un des éléments constitutifs de la masure que nous définirons donc comme l'espace clos qui entoure la maison d'habitation, et où les divers bâtiments de la ferme (écurie, étable, bergerie, charretterie, four) sont répartis. » [Bouillon, 2008]

Faut-il enfin définir cette cour comme « L’espace clos qui entoure la maison d’habitation et où les divers bâtiments de la ferme (écurie, étable bergerie, charretterie, four) sont repartis » ou autrement dit « cour-masure, expression encore utilisée par les notaires pour désigner une maison avec un peu de terrain. Autrefois aucune maison n’était vendue sans un jardin. » [Bouchard-Le Scour, 1981].  Enfin ce mot est choisi pour désigner une fois de plus cet espace cauchois : « Dans le pays de Caux, la cour, revêt l’ampleur de la richesse, la rigueur des tracés réalisés pour les siècles, le bien-être de l’abri parfaitement protégé des vents de la plaine, la beauté du végétal savamment ordonné, hêtres, pommiers, herbe. » [Frémont, 1981]

A propos de l'apparition des masures et des cours, Michel Lerond apporte des éclairages  sur les raisons qui les ont constituées d’autant plus intéressantes qu’au 13e siècle in ne parle pas encore du pommier en son sein : 

« Il serait difficile et imprudent d’être affirmatif sur la genèse des cours et de la situer précisément dans le temps. […] Sans doute cette structure paysagère s’est-elle mise en place très progressivement, un élément fondamental étant sa dispersion. Celle-ci est due à la facilité de retenir une réserve d’eau, la mare, sur le sol argileux ; cette réserve étant indispensable du fait de la rareté des rivières. Vers les 12e et 13e siècles une exploitation comporte certainement un ensemble de champs autour d’un bloc maison-abri du bétail. La progression démographique fait éclater les familles et crée de nouveaux « feux » auquel l’élevage ovin apporte la matière première à un artisanat rural naissant. […] Dès la fin du 13e siècle, les clairières se sont agrandies pour faire place à de vastes champs ponctués d’enclos à moutons. […] Les défrichements ayant pris une grande ampleur, le bois[1] devient une matière plus rare et sa vente s’organise. C’est sans doute à partir de ce moment que les paysans ont cherché à assumer leur propre production de bois en plantant des arbres autour de l’enclos à moutons, protégeant les animaux et l’habitation des vents forts. » [Lerond, 1978]

 

[1] Droit d'usage concédé, à l'origine, de la propre volonté du seigneur à une communauté d'habitants, l'autorisant à se servir du bois pour se chauffer. La plupart des coutumes limitent le droit de l'usager au bois mort, ou au bois vif des essences inférieures de la forêt. L'affouage peut aussi être le produit de la forêt de la communauté, destiné au chauffage est délivré aux habitants. La forêt, qui fournit l'affouage, s'appelle souvent la fourasse. Le mot "affouage" date du XIIIe siècle et vient du verbe d'ancien français "affouer" = chauffer, lui même du latin "affocare". In : foret.chambaran.free.fr

Quant à Sion, il évoque la masure à propos du pommier et du cidre, ce qui introduit le pommier dans la cour et la masure au mitan du 15e  siècle: « C’est à la fin du 15e siècle, lors de l’œuvre de restauration qui suivit le départ Anglais et la pacification du plat pays, que le pommier fut cultivé dans le pays de Caux et dans le Vexin. De grands propriétaires, comme l’archevêque de Rouen, obligèrent alors leurs fermiers de planter les entes, souvent achetées dans le Roumois, après avoir essarté sol et l'avoir « déroché » s’il était nécessaire. Le verger était établi dans une partie de la masure, souvent dans le jardin, près de la grange ; parfois, « afin de rompre les vents qui pourraient grever ou abattre les dits pommiers », […]. C’est peut-être de cette époque que date l’aspect typique des fermes cauchoises, avec les grands arbres qui surmontent leurs « fossés ». Parfois aussi, le verger excédait les limites de l’ancien jardin et l’on enclosait des champs voisins. La masure s’agrandissait, et l’extension de la culture du pommier correspond’ peut-être à un développement des prairies. […]. Si l’usage du cidre se généralisa vers le 16e siècle dans la Normandie orientale, c’est que la fabrication de la cervoise avait l'inconvénient d’absorber une partie importante des céréales récoltées.» [Sion, 1909]

Ainsi localement pour désigner ce qui est nommé comme étant ménages, masure, cour, cour-masure d’hier ou clos-masure d’aujourd’hui, la masure cauchoise au 15e siècle fut idéale pour y accueillir ces pommiers comme elle l’a été à la fin de la Guerre de Cent Ans.

Mais avant de revenir à ce changement de paradigme arrêtons-nous un instant sur la pomme avant de revenir au « vin de pomme » comme l'a dit si bien Michel Lerond en 1978.

- de la pomme « sauvage » aux premiers cidres

 

Il est nécessaire de distinguer les pommes entre elles pour mieux comprendre leurs spécificités.

Quid de la pomme Sieversii,  de la pomme cultivée, de la pomme sauvage sylvestris, de la pomme à cidre…

 

 

Je vous propose de faire le point  avec Marie Pierre Ruas, Amandine Cornille et Michel Chauvet.

Michel Chauvet, Michel Cambornac et Marie-Pierre Ruas ont contribué à mon exposition "Herbier contemporain délicieux " aux jardins de l'abbaye Saint-Georges de Boscherville en 2021.

« La pomme[1] fait aussi désormais l’objet de recherches génétiques et paléogénétiques parallèles. La génétique moderne a montré que le pommier domestique (Malus domestica), un des principaux fruitiers cultivés en Europe tempérée, n’a pas pour ancêtre le pommier sauvage européen (Malus sylvestris), contributeur secondaire à la diversification des variétés cultivées, mais un pommier sauvage d’Asie centrale, Malus siviersii, qui forme encore des forêts au Kazakhstan (Velasco et al. 2010 ; Cornille et al. 2012). [Ruas, 2016]

« En France, pommes[2], poires, merises, noisettes, glands, cynorrhodons d’églantiers, prunelles, cenelles d’aubépines, raisins ou olives, tous sauvages, composaient une partie de l’alimentation des derniers chasseurs-pêcheurs-cueilleurs du Mésolithique (9000-6000 av. J.-C), mais aussi des premiers agriculteurs-éleveurs du Néolithique malgré l’arrivée de plantes domestiquées du Proche-Orient au VIe millénaire av. J.-C. et de leurs successeurs (Marinval 1988, 1999 ; Ruas & Marinval 1991a, b ; Ruas 1996 ; Ruas et al. 2005-2006 ; Zech-Matterne et al. 2008 ; Vaquer & Ruas 2009 ; Bouby 2010). » [Ruas, 2016]

Quant au pommier sauvage (malus sylvestris) dont l’origine est a été recherchée  Michel Chauvet, nous précise également certains faits concernant ses usages au temps de la préhistoire : « A l’époque préhistorique[3], les pommes sauvages étaient abondamment cueillies. [...] Peu agréables à manger à l'état cru, elles étaient conservées par dessication, et devaient être consommées en mélange avec d'autres fruits sauvages dans des boissons fermentées, ou cuites dans diverses préparations. Avec la diffusion des pommiers cultivés, les pommiers sauvages ont été diversement introgressés au cours des siècles. Ils étaient communs dans les haies avant que celles-ci disparaissent. Il est difficile de différencier ceux qui sont vraiment sauvages de ceux qui résultent de semis d'un pépin d'un type cultivé. » Après la domestication, le pommier sauvage a été délaissé comme aliment, mais il a toujours été recherché dans les forêts pour servir de porte-greffe.

Michel Chauvet, m’a transmis quelques autres explications dans l’état des connaissances actuelles car depuis 1929 et 2009, la Science en sait davantage ce qui permet de clarifier leurs origines.

« Tout d'abord, il faut savoir que les pommiers, comme de nombreux arbres fruitiers ou autres, sont essentiellement allogames et interfertiles. Ce que nous appelons des espèces pourrait donc être considéré comme des races géographiques.

Malus sylvestris donne de petites pommes qui ont été utilisées séchées ou fermentées pendant la préhistoire. Mais effectivement, il a fallu attendre l'apport de Malus sieversii à gros fruits pour que commence l'histoire de la pomme cultivée. 

Cela a été rendu possible grâce à l'invention de la greffe, au premier millénaire avant J.C. Le greffe permet de fixer les caractères intéressants, alors que le semis rebrasse les caractères. Cela dit, l'homme a aussi utilisé certains semis de hasard qui donnaient de bons fruits. C'est pourquoi on distingue Malus domestica comme espèce d'origine hybride (surtout entre sieversii et sylvestris). À tout moment dans l'histoire, on peut avoir des croisements entre pommiers cultivés et pommiers sauvages locaux. Cela s'est aussi passé en Amérique du Nord avec Malus coronaria.

La diffusion de Malus sieversii en dehors de son centre d'origine est donc le fait de l'homme qui a propagé des greffons.

Je ne pense pas que le pommier à cidre ait une origine différente, car il a lui aussi de gros fruits. »

Dans l’encyclopédie des plantes alimentaires qu’il a publiée en 2018, Michel Chauvet nous avait déjà rapporté que :

« Les pommiers à cidre ont souvent été considérés comme botaniquement distincts, et on une histoire particulière. […] Si des boissons fermentées à base de pommes sauvages sont attestées dans les premiers siècles sous le nom de pomacium, il semble que la production de cidre avec des cultivars spécialisés ait débuté au pays Basque. Les premiers cultivars de pommier à cidre seraient arrivés par voie maritime dans le Cotentin (Normandie) à partir du 10e siècle. […] Par hybridation avec les pommiers sauvages, la gamme actuelle des pommiers à cidre s’est alors constituée. Les Normands ont à leur tour introduit des pommiers à cidre en Grande-Bretagne lors des conquêtes anglo-normandes. » [Chauvet, 2018]

Pour citer deux pommes à cidre Michel Chauvet donne l’exemple de « Bedan », cultivar ancien de l’est de la Bretagne et de Normandie. Ovoïde, jaune piqueté de rouge-brun.

« Kermerrien », du Finistère et du Morbihan. Conique, rouge.

« Marin Onfroy », de la Manche, dédié à un gentilhomme normand du 17e siècle. Jaune lavé de rouge.

Gautier et Marchenay nous ont aussi  précisé la nature des pommes à cidre et de leur provenance.

« Les pommes à cidre[4]  ne sont généralement pas comestibles. On les divise en trois catégories : les pommes sures, qui fournissent un jus acide, clair, léger, sujet à noircir ; les pommes douces, moins riches en suc, qui donnent un jus sucré et un cidre très agréable mais passant à l’amer ; les pommes amères ou âpres, qui fournissent un cidre généreux, coloré, ayant du corps, apte à bien se conserver. Les meilleurs cidres se font avec un mélange des deux dernières variétés. On ajoute quelquefois un cinquième de poires. » [Gautier, 1904]

« Les premiers cultivars de pommier à cidre seraient arrivés par voie maritime dans le Cotentin (Normandie) à partir du 10e siècle. Ces introductions auraient continué jusqu’au 16e siècle, avec les cultivars ‘Marin Onfroy’ et ‘Barbarie de Biscaye’. Par hybridation avec des pommiers sauvages, la gamme actuelle des pommiers à cidre s’est alors constituée. Les normands ont eu à leur tour introduit des pommiers à cidre en Grande-Bretagne lors des conquêtes anglo-normandes. » [Marchenay, 1981]

 

Pour en savoir plus sur le Malus sieversii, Michel Chauvet nous conseille la lecture de cet article de Daniel Mathieu à propos de l'origine de la pomme  publié dans : www.tela-botanica.org 

Malus sieversii, l’ancêtre vivant de toutes les pommes cultivées.

« Pour comprendre l’histoire de Malus sieversii il est nécessaire de savoir que jusqu’en 1989 -année de la chute du mur de Berlin- tous les travaux réalisés par des chercheurs soviétiques, étaient inconnus du monde occidental. On supposait alors que nos pommiers cultivés descendaient de pommiers sauvages disséminés dans la grande forêt de feuillus couvrant l’hémisphère Nord. Les fruits de ces Pommiers petits et amers faisaient le régal des oiseaux et des petits mammifères, mais pas des humains.
Mais lorsqu’en 1989 le généticien Herb Aldwinckle se rend au Kazakhstan, il découvre d’immenses forêts de pommiers sauvages ne présentant aucuns éléments de comparaison avec les arbres solitaires d’occident.
Leurs fruits d’une étonnante biodiversité, sélectionnés pour leurs qualités par les ours pendant des milliers d’années, sont à la fois plus gros et sucrés.
Fort de cette découverte, il s’aperçoit que deux éminents chercheurs Nicolaï Vavilov et Aymak Djangaliev s’étaient bien avant lui penchés sur ce phénomène unique.
Dès 1929, le russe Vavilov affirme que le Tian Shan est le centre de l’origine de la pomme, et Aymak Djangaliev son disciple consacrera sa vie au recensement et à l’étude des pommiers Malus sieversii.
Le fin mot de cette histoire sera apporté par le généticien Barrie Juniper en 2002. Grâce à des outils moléculaires il démontre que Malus sieversii, la pomme du Kazakhstan, est à l’origine de toutes les pommes cultivées.
Boostée par ces révélations, une équipe européenne dirigée par Velasco fournira la preuve irréfutable de cette origine à l’aide du séquençage du génome complet de la pomme fin 2009.

La route de la pomme

Partie du Kazakhstan, cette pomme voyage depuis plus de 10 000 ans avant notre ère. Portée par les nomades puis par les caravanes de la route de la soie, au gré des guerres et des migrations de populations. Elle traverse les civilisations de l’antiquité, croise les Perses et les Grecs et arrive en Gaule par les Romains. Fruit illustre de la renaissance cette pomme atteindra les rives du nouveau monde à bord des caravelles des grands explorateurs.

Les particularités de Malus sieversii

1-milieu naturel :
Les pommiers Malus sieversii évoluent en bord de steppe et dans les piémonts jusqu’à 2400 m d’altitude. Ils sont soumis aux rigueurs de l’hiver -40°C dans le nord et de l’été chaud et très sec dans le sud +40°C.

2- une sexualité débridée assure sa biodiversité :
Le Malus sieversii a besoin d’un partenaire sexuel pour se reproduire. Comme chez les humains chaque individu arbre est unique. Cette diversité se retrouve dans la forme et la taille des arbres mais aussi dans les fruits. Un arbre aux pommes rouges pousse au voisinage d’un autre aux fruits verts, une petite grappe jaune se trouve à quelques mètres de mastodontes bigarrés. Avec les pommes sauvages du Kazakhstan se déploie une incroyable diversité de couleur, de taille et de goût.

3- une résistance hors-norme aux maladies :
Habituée à vivre à l’état sauvage depuis des millions d’années selon les principes de la sélection naturelle, les Malus sieversii ont su développer des résistances aux maladies notamment celles qui frappent aujourd’hui nos vergers modernes tels la tavelure, l’oïdium et le redoutable feu bactérien. Ces pommiers sauvages sont donc une alternative aux pommes industrielles qui aujourd’hui nécessitent plus de 36 traitements de pesticides par an pour êtres commercialisées.

Un patrimoine mondial en péril

Politique de destruction initiée par l’URSS, ignorance, déforestation sauvage, urbanisation tous azimuts : 70% des forêts de pommiers sauvages ont déjà disparu. La vaste forêt primitive se réduit comme une peau de chagrin, emportant avec elle un patrimoine génétique inestimable. Et la prise de conscience se fait attendre… Les pommiers sauvages disparaissent progressivement dans l’indifférence générale. Avec la mort de Djangaliev, ils ont perdu son plus actif défenseur. »


[1] M.P.Ruas - in :  shs.hal.science

[2] M.P.Ruas - in :  shs.hal.science

[3] Les restes carbonisés de petites pommes, souvent coupées en deux, sont fréquents dans les sites archéologiques du néolithique bet de l’âge du bronze en Suisse, mais aussi en Allemagne, au Danemark, en Europe centrale et du Sud. In Michel Chauvet, Encyclopédie des plantes alimentaires - 700 espèces du monde entier - 1700 dessins, Belin, 2018, p.599.

[4] In : L'alimentation et les régimes chez l'homme sain et chez les malades (2e édition revue et augmentée) / par Armand Gautier, Paris, 1904,: gallica.bnf.fr

 

Ne pas oublier pour compléter votre information :  "Les origines de la pomme ou le jardin d'Eden retrouvé", le film de Catherine Peix diffusé sur ARTE le 10 mai 2010 

2 - De la pomme « sauvage » aux premiers cidres

« Le pommier fait sa place au verger. Cette évolution ne s’est pas faite en un jour, mais en plusieurs millénaires »

[Marchenay, 2008 - Des pommes]

 

Philipe Marchenay nous raconte aussi que cette pomme sauvage est un fruit riquiqui, minuscule de couleur verte comparée à la pomme domestiquée, bien plus grosse, prenant d’autres couleurs du jaune au brun que l’on croque avec saveur contrairement à la pomme sauvage qu’il est impossible d’en avaler une bouchée.

Philippe Marchenay nous rappelle qu’on ne sait pratiquement rien des variétés de la Gaule d'avant 800.

Le 9e siècle est l'époque à laquelle on commença à s'occuper réellement des fruits.» [Marchenay, 2008]

L'un des auteurs importants pour l'histoire du cidre et de son amélioration est Auguste Chevalier, car  ses recherches en tant que botaniste sont toujours reconnues par ses pairs et ils s'y réfèrent continuellement comme Marie-Pierre Ruas citant Chevalier en 2016 : 

« Curieux de comprendre les facteurs de diversification des espèces fruitières, il estimait nécessaire de rechercher « en particulier » l’origine des genres poirier, pommier, cognassier, pêcher, prunier, cerisier, abricotier, notamment en région méditerranéenne, afin de révéler, dater et suivre les itinéraires biogéographiques des cultivars au cours des transmissions et des sélections (Chevalier 1939, p. 641).» [Ruas, 2016]

Auguste Chevalier nous rapporte, en tout premier chef, l'histoire du pommier sauvage.

« du Malus silvestris - Le pommier sauvage de nos bois qui en s'hybridant avec les pommiers de l'Asie et du Sud-est de l'Europe a produit le Malus domestica de nos vergers est une plante très ancienne. Il a existé probablement en Europe depuis la fin du tertiaire. G. de Saporta en a rencontré des empreintes de feuilles dans les tufs quaternaires des Aygalades (période chelléenne), près de Marseille et à Saint-Antonin dans la même région. Parmi les débris de forêts submergés de Belle-Ile-en-Mer, M. E. Gadeceau a trouvé le Pommier de Deuborh avec la souche encore en place qui pouvait avoir 0m30 à 0m40 de diamètre ; il n'est pas douteux qu'il appartient au Malus sUvestris. Or, ces forêts sont contemporaines des tourbières néolithiques du nord-ouest, postérieures §. la période glaciaire. Le Dr Erland Nordenskiold nous signale qu'on a trouvé aussi en Suède dans les couches des habitations lacustres un assez grand nombre de pommes bien conservées.[...]  A11e siècle, on n'avait bu en Normandie que le cidre (pomacium) fabriqué avec les pommes sauvages récoltées dans les bois.

Sans être à proprement parler cultivé, le Malus sylvestris devait cependant être entretenu par les Celtes à travers les forêts. Les pommiers sauvages étaient encore très abondants au Moyen Age dans les forêts des diverses régions de la France, principalement en Normandie. La récolte des pommes des bois était réglementée et les serfs devaient la dîme sur le produit de la cueillette. Celle-ci n'eût plus d'intérêt lorsque la culture du pommier à cidre se fût répandue dans les champs. En outre l'aménagement des forêts et l'arrachage des plants de pommiers sauvages (nommés surets, les fruits se nommaient hoquettes  pour en faire des porte-greffes amenèrent peu à peu la raréfaction du Malus silvestris dans nos forêts.

Le bourguignon Raoul Tortaire (mort vers 1113), ayant bu du cidre dans une taverne à Bayeux, le trouva exécrable.

Il ne pouvait être question que de la boisson fabriquée avec les fruits sauvages.

L'introduction en Normandie de nouveaux types de pommiers robustes à gros fruits, si différents de ceux qui vivaient dans les forêts et donnant un jus supérieur, marque une époque nouvelle.

Les formes introduites s'acclimatèrent par la dissémination naturelle des pépins et il se produisit de nouveaux hybrides entre les formes introduites et les races locales du Malus silvestris, chaque région arrivant peu à, peu à avoir ses variétés spéciales dont plusieurs se sont conservées plus ou moins intactes depuis le 16e siècle, jusqu'à nous.

Vers 1550, d'après le Sire de Gouberville et Julien Le Paulmier, l'introduction de nouvelles greffes venant de Biscaye se faisait encore en Normandie.

Il n'est pas douteux que dès le 12e ou le 13e siècle, d'après Leopold Delisle, la culture du pommier avait gagné la Vallée d'Auge. Elle mit plus de temps à s'étendre dans la Vallée de la Seine, puisque d'après Le Paulmier, vers 1540, la cervoise était encore la boisson habituelle de Rouen, et c'est vers cette époque que la culture du pommier s'établit dans le pays de Caux avant de s’établir dans le Pays de Bray." [Chevallier 1921]

Le genre Malus comprenant 30 à 50 espèces des zones tempérées de l'hémisphère Nord. Les pommiers sauvages ont des fruits de petite taille (moins de 3 cm de diamètre. [...] En fait tous les pommiers sauvages sont fertiles entre eux et avec les pommiers cultivés. La situation s'est compliquée avec la diffusion de la culture du pommier. Souvent, les pommiers sauvages ont été surgreffés sur place avec des formes cultivées, ou transplantées comme porte-greffe. [...] Cela explique la confusion persistante de la nomenclature. [Chauvet, 2018]

Le voyage des pommes vers la Normandie : la route de l'Italie (de la Rome antique)

De l’antiquité au Moyen Âge, les pommes de table se sont cultivées notamment sous Charlemagne.

Dans l’antiquité, Théophraste laissa une liste de six variétés : les sauvages, les cultivées, les précoces, les tardives, les douces, les épirotiques originaires de l’Epire. (en Grèce actuelle sous l’Albanie).

« Dans l'Antiquité, Théophraste ne mentionne que quelques catégories de pommes, mais Pline en cite une vingtaine. Olivier de Serres en énumère 50 en 1623, et Leroy 550 en 1873. On estime qu'au 19e siècle, 7000 cultivars ont été décrits dans le monde. [Chauvet, 2018]

 

Pline décrivit une vingtaine dit-on. Il cita le cidre fait avec des pommes écrasées sous la meule. Palladius (Palladius, agronome latin, inventeur d'un Calendrier rural) décrivait que les vergers étaient riches. L’importation de diverses espèces en Gaule contribua à enrichir le patrimoine pomologique. Les druides celtes récoltaient le gui sur le chêne et sur le Malus acerba appelé le Mâl.

L’importation de diverses espèces en Gaule contribua à enrichir le patrimoine pomologique.

Au premier siècle de l'ère chrétienne, Strabon (géographe et historien) évoque l’existence de la poire et de la pomme en Gaule.  J. Thaurin (archéologue Rouennais) trouva, lors de fouilles du sol de la ville de Rouen au 19e siècle, des pommiers en décoration sur des poteries gallo romaines fabriquées à Rouen entre 120 et 140 de notre ère. Hauchecorne et De Bouteville en déduisent : « Si cette observation était sûrement constatée, il faudrait en conclure que dès lors les fruits du pommier étaient non-seulement abondants, mais encore tenus en grande estime par nos ancêtres. » [Hauchecorne-De Boutteville, 1875]

Ainsi au fil du temps la culture du pommier s’est répandue en Europe, les premiers cultivars se sont hybridés avec diverses populations de malus sylvestris, et les semis de hasard ont donné naissance à de nouvelles formes parmi lesquelles les agriculteurs ont choisi les clones qui leur convenaient. Les meilleurs cultivars ont été échangés au cours de siècles d’un pays  à l’autre dans toute l’Europe nous dit Michel Chauvet.

« Le principal verger de la France, jadis comme aujourd'hui, ayant été la Normandie il faut interroger les archives et les vieux écrivains de cette province, si l'on veut présenter un ensemble de faits historiques se rattachant à la propagation primitive du pommier. On y voit, de l'an 1000 à l'an 1300, la haute noblesse, les évêques, les abbés favoriser de tout leur pouvoir les plantations de pommiers, tant dans les parcs et jardins, qu'aux champs et près des villages. » [Leroy, 1867-1879]

Le Clergé et les abbayes prélevaient déjà la dîme sur les pommiers et la boisson de pomme (cidre) 

Localement en Seine-Maritime on peut retenir la pomme :  De Richard (1000) ; De Bosc et de Bosquet (1200) ; De Montigny (1300) ;  De Charles Estienne, 1540 ; ainsi que la pomme Cœur de Bœuf, 1200 – On plantait sur le plateau de Caux des pommes de table à Pissy (1371), au Boisguillaume (1372). [Leroy, 1867-1879].

 

 

 

Les prémices du cidre cauchois et brayon : cidre des Abbayes

 

Au Moyen Âge, dès le 11e siècle, la pomme sauvage pour l’usage du cidre réservé au Clergé : usage du fruit sauvage comme boisson acerbe et médiocre.

« C’est au Moyen Âge que le « cildre » se répandit en Normandie grâce aux moines qui, dans le jardin de leurs monastères, privilégiaient la culture des pommes. Et l’on cite à ce sujet l’abbaye Saint-Wandrille qui, dès le IXe siècle, soignait des pommiers sélectionnés, importés notamment du Nord-Ouest de l’Espagne.[...] C’est au XIIIe siècle, avec l’invention de la presse, - la presse dite à longue étreinte, monumentale, installée dans un bâtiment spécifique, telle qu’on peut encore en voir une dans le bâtiment cidricole du château de Montaure (Eure), presse que le châtelain mettait à la disposition des producteurs de la région - que le cidre a pu se développer jusqu’au XIXe siècle.» [Patrimoine Normand, 2008]

 

 

Plus généralement dans l’Eure dans le Roumois-Routot ou dans le pays d’Auge, le cidre s’il était consommé restait une boisson réservée au clergé ou aux fermiers leur procurant, comme à Beaubec dans le pays de Bray. Ainsi, en pays d’Auge puisque vers 1100, la dime était notamment perçue sur le cidre était à Barneville et dans le pays d’Auge nous rappelle [Delisle, 1903] tout comme il était fait du cidre à Jumièges avec des pommes issues des forêts :  Delisle nous informe que les fruits des arbres sauvages furent pendant le moyen âge, employés à la confection du cidre.

 

Sur la rive droite de la Seine, ce sont donc les abbayes qui produisaient du cidre

 

« L.Deslile  rapporte qu’en 1183, Robert, comte de Meulan, autorisa les moines de Jumièges, dans la vallée de la Seine, à cueillir en forêt de Brotonne des pommes pour leur boisson et celle de leur serviteur. Le cidre obtenu était selon toute vraisemblance acerbe, pâle et assez médiocre. D’ailleurs, ces pommiers-là n’étaient pas toujours convoités pour leurs seuls fruits. Souvent on les déterrait pour les planter plus près de la maison ; alors ils ont pu se répandre par semis avec modification des caractères ou bien utilisés en tant que porte-greffe. » [Delisle, 1903]

 

L. Delisle rapporte également qu’à la fin du 13e siècle que les moines de Saint-Ouen possédaient, dans plusieurs domaines, des rentes de pommes de bois, qu’en 1339, dans la maison des religieux de Saint-Ouen, à Quinquempoist, on conservait un petit baril de verjus de pommes de bois. […] Il dit aussi qu’en 1338, à leur manoir de Quiquempoist, les moines de Saint-Ouen avaient un pressoir à cidre, et un tonneau ou baril rempli de cette liqueur. [Delisle, 1903] 

 

J. Sion le signale également :

 

« Les moines de Saint-Ouen possédaient dans plusieurs de leurs domaines des rentes de pommes de bois. C’est, en effet, avec des pommes sauvages que le cidre fut longtemps fabriqué dans notre région. Pourtant, de très bonne heure, on replanta dans la cour de l’habitation des entes arrachées dans les forêts. Le souvenir de ces vergers s’est conservé dans des noms de lieux qui datent de l’époque où le vocabulaire nordique était encore couramment employé ; il est peu de noms de villages dont la physionomie germanique et archaïque soit plus accusée que celui d'Auppegard, à 12 km. Au Sud-Ouest de Dieppe […] Or ces mots ont été formés des mêmes racines qui se retrouvent dans l'anglais Applegard : ils désignent des jardins plantés de pommiers. . S’il n’est jamais fait mention de ces vergers dans la Normandie orientale avant la fin du 15e siècle, quelques textes signalent cependant la fabrication du « suidre » ou « sidre », dès 1284, à Sigy ; dès 1302, à Fontaine-en-Bray ; dans les dernières années du 14e siècle, à l’abbaye de Beaubec. Vers 14oo, les curés percevaient la dîme des pommes dans les paroisses voisines de Montivilliers, d’Harfleur, de Saint-Romain-de-Colbosc, dans cette région humide et battue des vents où la vigne ne put persister. » [Sion, 1909]

Ce qu’Hauchecorne et De Boutteville avait déjà repéré.

« Ce n'est pas à dire cependant que la culture des pommiers à cidre fût absolument négligée dans la Haute-Normandie. En 1284, Michel Despinguet renonce, en faveur des religieux de Saint-Ouen de Rouen, au droit qu'il avait de prendre en leur prieuré de Sigy, à certaines fêtes de l'année, des redevances en vin, en cervoise et en cidre. A Fontaine-en-Bray, en 1302, nous voyons que le pressoir à pommes d'un malheureux paysan poursuivi pour dettes, fut estimé 5 sous tournois…… Mention en 1402, d'un fournil et d'un pressoir au manoir de Nicole, de Saint-Aubin, seigneur et curé de Saint-Aubin-sur-Cailly. [...]   A une exception près il n’avait qu’à Montivilliers que les religieuses cette abbaye se fournissaient de cidre par un autre corps du Clergé de la rive droite – les curés- qui en plantaient des pommes pour en fabriquer en limite nord est du pays de Caux, à Saint-Aubin-du Cailly au pressoir du curé pour l’abbaye du Beaubec où se faisait également le poiré, boisson très médiocre importance au tout début du 15e siècle.[...] A Montivilliers dès les premières années du 15e siècle, le cidre entrait pour une part importante dans la consommation habituelle des religieuses et des gens qui étaient à leur service. Elles s'en procuraient à Auberville, la Cerlangue, Gaineville, Harfleur, Mélamare, la Remuée, Rogerville, Rolleville, Saint-Aubin, Saint-Eustache, Saint-Gilles-de-la-Neuville, Saint-Laurent, Saint-Martin-du-Manoir, Saint-Romain-de-Colbosc, Sainte-Marie-au-Bosc, Sandouville et Sanvic, et il est à observer que très-souvent elles l'achetaient des curés des paroisses… »[Hauchecorne-De Boutteville, 1875]   

 

Pour reprendre la liste des pommes dont les noms de variétés sont connues de Leroy, il cite des variétés de pomme à cidre hormis celles déjà citées : De Richard (1000) ; De Bosc et de Bosquet (1200) ; De Montigny (1300) ;  De Charles Estienne, (1540) ; ainsi que la pomme Cœur de Bœuf, (1200).

 

« Variétés de pommes à cidre d’après Leroy : 

 

1402. Pommes de Rose, 1 boisseau pour faire du verjus (R. de B., p. 381.) » 6 s. » [ La pomme de Bosc , ou de Bosquet , ou d'Estranguillon , n'est autre que le fruit du Malus silvestris.

 

Bédane ou Bédangue ( à cidre) 1363, cité par Charles Estienne(1540)

De Castegnier (1370) Cité par Charles Estienne(1540)

De Bequet ( à cidre) cité par Olivier de Serres (1600)

De Cappe ( à cidre) cité par Olivier de Serres (1600)

De Cire ( à cidre) cité par Olivier de Serres (1600)

De Coqueret( à cidre) cité par Olivier de Serres (1600)

De Couet( à cidre) cité par Olivier de Serres (1600)

De Courdaleaume ( à cidre) cité par Olivier de Serres (1600)

De Feuillu ( à cidre) cité par Olivier de Serres (1600)

D’Héroet ( à cidre) cité par Olivier de Serres (1600)

De Mennetot( à cidre) cité par Olivier de Serres (1600)

De Renouvet( à cidre) cité par Olivier de Serres (1600)

De Sapin( à cidre) cité par Olivier de Serres (1600)

De Souci( à cidre) cité par Olivier de Serres (1600)

De Turbet ( à cidre) cité par Olivier de Serres (1600)

 

Sous charlemagne : 7 ; de 814 à Louis XII 1498 / 32  soit au total 129  de 768 à 1643 dont celles signalées par Etienne Bauhin, De Serres et Lectier» [Leroy, 1867-1879].

 

 

La route de la pomme et du cidre comme vecteur d’amélioration des pommiers à cidre  via l'Espagne.

 

Avant Chevalier [1921] le Marquis de Chambray écrivit ceci :

« La fréquentation des Normands avec les Biscayens par le commerce maritime, leur fit connoître l'utilité du cidre ; ils plantèrent des pommiers, apportèrent, de Biscaye, des greffes de ces fruits à cidre, et les premières pommes qu'ils recueillirent, furent appelées pommes de Biscait ; nom que les pommes conservent encore. Bientôt les pommiers se multiplièrent, et l'usage du cidre devint général. » [De Chambray, 1765]

Auguste Chevalier en 1921 introduit le premier la route des croisades comme vecteur d’importation de plants et de la technique de la greffe qui était pratiquée que dans les monastères :

« Quant à nos Pommiers à cidre de Normandie ils sont d'origine assez récente. Les premiers plants furent apportés d'Espagne (Castille et Biscaye) en Normandie à partir du 10e siècle et pendant les Croisades. Jusqu'au 11e siècle, on n'avait bu en Normandie que le cidre (pomacium) fabriqué avec les pommes sauvages récoltées dans les bois. » [Chevalier, 1942] 

PhilippeMarchenay  en 2008 résume le même contexte des échanges entre l’Espagne et les Normands :

« En Normandie, au 11e siècle, le cidre est déjà connu. […] Pour rendre le cidre meilleur, les vikings, qui occupent alors la région, font venir de nouveaux pommiers du Nord de l’Espagne, par bateau. Puis, sur les traces de Guillaume le Conquérant, les Normands emportent des pommiers en Grande-Bretagne. Pendant plusieurs générations, pommes et pommiers circulent en Europe, dans les bagages des armées et des voyageurs. » [Marcheney, 2008].

Philippe Marchenay est chercheur, rattaché au CNRS. Il travaille au sein du laboratoire d’éco-anthropologie et d’ethnobiologie. Ses recherches portent sur les territoires, la biodiversité et les productions localisées, le statut des animaux, l’alimentation, la nutrition et la perception gustative. Auteur de Des pommes, Collection sauvegarde, Gulf Stream Editeur, 2008.

Apparition du mot "Pomme".

C’est non loin de l’Espagne, de la Navarre et de le France que le mot pomme est apparu dans la langue française car en 1080 le terme « pomme » apparaît dans la célèbre Chanson de Roland. Il vient du latin populaire poma, mot qui signifie « fruit » et qui a remplacé le malum du latin classique. Ce dernier terme, dont le sens est « mal, mauvais », rend compte des mythes qui abondent dans bon nombre de cultures qui voyaient la pomme comme un symbole de débauche.[www.eurotoques.fr/petite-histoire-de-la-pomme] :

« Les blamer tous ? fait Ganelon. Pourquoi ?  Un seul a tort ; c’est Roland qu’on le nomme. Tenez : naguère il va trouver le roi. Il lui présente, en riant, une pomme : Chacun des rois, dit-il, sera votre homme. Sire, voilà leurs couronnes ! – ce preux.  N’a point souci qu’on l’égorge ou l’assomme. Qu’il meure donc ! et nous vivrons heureux. » Extrait de la Chanson de Roland

Auguste Chevalier nous renseigne sur le recours à la boisson du cidre du 11e siècle au 15e siècle en Normandie :

« A certains moments, par suite de la disette des grains (de 1095 à 1444), causée par le manque de bras (à l'époque des Croisades et de la Guerre de Cent Ans), l'agriculture étant alors très délaissée, il fallut renoncer dans certaines provinces à l'usage de la cervoise, et l’on constate que c'est précisément à ce moment que l'usage du cidre se répandit et que l'on commença à cultiver le pommier en Normandie.

Un arrêt en date de 1203 rapporte la défense qui avait été faite de fabriquer de la bière en Normandie, mais déjà quelques vergers de pommiers devaient avoir fait leur apparition. D'accord en cela avec l'abbé Rozier et avec A. Liébault, nous constatons que l'usage du cidre s'est brusquement développé en France à la fin du 12e siècle, et il est évident que la culture du pommier à cidre n'a pas pris naissance spontanément.

Tous les Pommiers à cidre de Normandie, bien qu'on puisse les distinguer en pommes amères, pommes douces et pommes acides, sont très voisins ; par contre, ils diffèrent beaucoup des pommes acerbes de nos forêts. » [Chevalier, 1921]

Ils ont donc pris naissance dans une autre région, et nous avons la conviction que cette région est le Pays basque dans le N. W. de l'Espagne où leur culture est actuellement très répandue.

La première vague : 

Du Pays Basque à la Bretagne et au Cotentin par le golfe de Gascogne 

Ce que nous révèle Chevalier :

« Il  est évident que la culture du pommier à cidre n'a pas pris naissance spontanément. Cela est d'autant plus certain que les Pommiers à cidre que nous cultivons dans le Nord-Ouest de la France diffèrent considérablement du Malus silvestris spontané dans les bois delà même région. Ce dernier les a certainement influencés, mais les Pommiers à cidre comme les Pommiers à couteau appartiennent au Malus domestica et ont comme ancêtre commun principal le Malus dasyphylla de l'Asie occidentale.

Tous les Pommiers à cidre de Normandie, bien qu'on puisse les distinguer en pommes amère â, pommes douces et pommes acides, sont très voisins; par contre, ils diffèrent beaucoup des pommes acerbes de nos forêts. .

Ils ont donc pris naissance dans une autre région, et nous avons la conviction que cette région est le Pays basque dans le N. W. de l'Espagne où leur culture est actuellement très répandue.

Les Basques ou Vasques formèrent dès la plus haute antiquité une nation vivant dans la partie occidentale des Pyrénées gauloises et dans le Nord-Ouest de l'Espagne. Ils étaient d'origine plus ancienne que les races celtiques de la Gaule. Ils avaient et ont conservé encore une langue très spéciale dans laquelle le nom du pommier est sagara ; nom peu différent du nom latin sicera, d'où est dérivé Sidre et cidre (en français), cidar (en anglais).» [Chevalier, 1921]

A propos du mot sicera, Chevalier [1921] rapporte : « Ce nom a été employé pour la première fois par Saint-Gérôme au iv« siècle, pour désigner le vin de pommes. Saint-Gérôme, originaire de Siyrie, était un érudit et ayant beaucoup voyagé, il a pu avoir connaissance de la culture du pommier en Espagne" pour la fabrication du cidre. »

Chevalier poursuit en ces termes : En Espagne, le Malus silvestris est spontané et le M. domestica a dû être introduit dès une haute antiquité. Il est donc possible que ces espèces se soient hybridées de bonne heure, donnant des variétés nouvelles, à pommes à peine mangeables, mais formant des arbres plus robustes que ceux qui étaient cultivés comme fruit à couteau. Or, de tous temps et dans tous les pays du globe, l'homme primitif a utilisé les fruits qu'il avait à sa disposition, pour en faire des boissons fermentées. Nous l'avons constaté à l'intérieur de l'Afrique où les peuplades noires les plus primitives, tirent parti de divers fruits de rosacées, d'anacardiacées, etc., vivant dans la forêt vierge pour en faire des boissons !

Nous n'avons malheureusement pas de documents sur les débuts de la culture du pommier à cidre chez les Basques, mais elle est sans doute très ancienne. Au Moyen Age, la Biscaye exportait du cidre en Normandie et jusqu'à la Méditerranée.

Dès l'époque gallo-romaine, le fond du Golfe de Gascogne était relié à la Normandie et aux îles anglaises par des routes maritimes et les Basques, à la suite des Romains, entretinrent des rapports fréquents entre ces pays. Ils avaient établi un relai au port de l'Aber-Vrach sur la côte de Bretagne, et une véritable navigation interpéninsulaire très suivie s'étendait de la Biscaye au port de Lorient, au Cotentin et au Pays de Galles. Or, de ces quatre points la culture du pommier à cidre a précisément rayonné, constituant quatre centres principaux de culture : 1er   le, N. W. de l'Espagne, 2° la Bretagne dans la région de Quimperlé, 3° le Cotentin d'où elle s'est étendue au reste de la Normandie et à l'W de la Bretagne, -4° le Devonshire en Angleterre.

La seconde vague :  

Des plants ou greffes apportées de Biscaye au Cotentin et les échanges entre l'Angleterre et la France.

Des greffes ou des plants de pommiers de la Biscaye durent être apportés sur les côtes du Cotentin dès le 10e siècle. » [Chevalier, 1921]

« Au 10e siècle au moment où les normands colonisaient les côtes de la Manche depuis l'embouchure de la Seine, jusqu'à la Hague, des Espagnols  s’installaient sur la côte du Cotentin, notamment près de Granville (R. de Félice.)

[« En Normandie, les Costentinois en ont cogneu premièrement l'usage par deçà, ce qu'on peut entendre par les plus vieilles et antiques fieffes de leurs terres faites aux charges de cueillir les pommes et faire les sidres. » (J. Le Paulmier.) « Au 10e siècle, au moment où les Normands colonisaient les côtes de la Manche depuis l'embouchure de la Seine, jusqu'à la Hague, des Espagnols s'installaient sur la côte du Cotentin, notamment près de Granville. » (R. de Félice.)]

« Au cours de la Guerre de Cent Ans et probablement aussi postérieurement, de nombreuses sortes de pommiers à cidre de Normandie ont été introduites en Angleterre (Norman’s) Il s’est donc établi depuis des temps très reculés, des échanges de variétés de pommiers, entre diverses régions, mais ces variétés transplantées loin de leur lieu d’origine, finissent par se transformer, soit qu’elles s’altèrent à la longe si elles sont multipliées indéfiniment par la greffe, soit qu’elles de modifient si elles sont renouvelées par semis.[Chevalier, 1921]

L’introduction en Normandie de nouveaux types de pommiers robustes à gros fruits, si différents de ceux qui vivaient dans les forêts et donnant un jus supérieur, marque une époque nouvelle.  Les formes introduites s’acclimatèrent par la dissémination naturelle de pépins et il se produisit de nouveaux hybrides entre les formes introduites et les races locales du Malus silvestris [Chevalier, 1921]

Nous reviendrons le devenir  des pommes à cidre d'Angleterre,  car à la fin du  19e siècle les anglais feront leur cidre avec pour moitié de quantité  de pommes à cidre à presser :  la pomme Michelin, incubée par Legrand, semeur et pépinier d'Yvetot du pays de Caux , principal artisan de la régénération d'un tiers des  pommes à cidre  menacées d'extinction dont la Doux Lagniel devenue la Vagnon. Quant à la Michelin aujourd'hui on peut dire qu'elle provient de la Bisquet du pays d'Auge elle-même issue de la Biscait.

Et le cidre du pays de Caux advint.

Au regard du 14 et 15e siècle, après le Guerre de Cent Ans, la démographie se trouve en pleine croissance. [Lepert, DRAC HN, 2014] C’est à cette période que se produit l’implantation des vergers, en lisière des forêts d’un côté et de l’autre dans la masure cauchoise selon plusieurs raisons : la paix retrouvée, le verger abrité dans la masure, le Clergé introduit le pommier pour tous adapté au terroir et à la masure, enfin une nouvelle boisson durable pouvant remplacer la cervoise, en l’absence de vin peu adapté au climat. En effet la viticulture n’a pas connu de vif succès, cultivée d’abord par les abbayes de Fontenelle et de Jumièges puis davantage après l’arrivée des scandinaves en amont d’Heurteauville et de la boucle de Jumièges et sans succès aucun sur l’approche du littoral malgré quelques rares tentatives. Les ducs Anglo-Normands voulaient être indépendant du royaume de France, mais la concurrence revenant dès l’annexion de la Normandie au royaume de France sous Philippe-Auguste sa culture disparut vite d’autant que me climat ne fut jamais favorable sous l’influence maritime. En pays de Caux, il fallait donc recourir à d’autres boissons d’ autant que le plateau n’est pas un château d’eau en dépit de ses quelques sources disséminées. Le paysan ne buvait guère de vin et davantage de cervoise avant qu’il en produise une nouvelle : le cidre.

« Des plants de pommiers se forment sur divers points du pays de Bray et du pays de Caux vers la fin du 15e siècle, mais surtout au siècle suivant, il est aisé d'en suivre les progrès [Hauchecorne/De Boutteville, 1875]

Brioux en 1925 nous signale La culture du pommier à cidre dans notre département ne date guère que de la fin du 15e  siècle.

Quant aux premiers pommiers à cidre du pays de Caux, ils n’ont été plantés qu’à partir de la fin du 15e siècle avec des entes du Roumois à partir de la fin de la Guerre de Cent-Ans (1452-1475),  entes de variétés cultivées auparavant en pays d’Auge, Lieuvain, du Bessin et du Cotentin, voire de Biscaye et non plus avec des pommiers sauvages dont on les conservera pour les porte-greffes des plants des variétés déjà hybridées.

ENTE : Jeune branche, scion qu'on prend à un arbre pour le greffer sur un autre. In :  Dictionnaires le Robert

Après la paix retrouvée et le départ des Anglais (1452-1475) il aura donc fallu attendre près de 50 ans de pratique et d’usage pour que le cidre du pays de Caux soit désigné comme tel. 

Pour introduire la notion et sa description il fallut attendre presque un siècle pour que les auteurs et les spécialistes le qualifient : Celle de 1589 de Le Paulmier (1589) convient parfaitement pour désigner le cidre du pays de Caux.

Plusieurs raisons expliquent ce changement en pays de Caux d’autant qu’en pays de Caux l’eau potable a toujours manqué.  Plusieurs contextes peuvent expliquer comment cela s’est-il produit ?

 

Et le cidre du pays de Caux advint : La première raison

 

La première raison, je l’emprunte à Michel Lerond qui à propos du « Vin de pomme » rapporte que qu’il a fallu substituer au « vin de grains », la cervoise des gaulois, le « vin de pomme ». :

« Seulement connu en forêt, à l’état sauvage, le Malus sylvestris est progressivement mis en culture sous l’influence de coutumes venues du sud de l’Europe et pour échapper à la taxe que Louis XI avait imposée sur le vin. » Lerond, 1978

Les denrées alimentaires connurent des taxations de Charles VI à Louis XI. [Dupont-Ferrier, 1941]

Comme point de départ fut la raison tient aux directives de Saint-Louis (1226-1270) puis de Philippe le Hardi (1272) explique [Delisle , 1903] vis-à-vis des disettes du 13e siècle qui a conduit et propulsé deux siècles avant le pays de Caux le pays d’Auge et - jusqu’à Touques et la vallée de la Risle -  à produire du cidre comme boisson potable pouvant remplacer la cervoise, consommatrice de céréales car à cette époque le peuple se nourrissait de pain d’orge ce qui posait problème en cas de disette en raison de son affectation à la fabrication de la cervoise.  Ce que nous indique à juste titre :

« Si l’usage du cidre se généralisa vers le 16e siècle dans la Normandie orientale, c’est que la fabrication de la cervoise avait l'inconvénient d’absorber une partie importante des céréales récoltées. » [Sion, 1909]

« Le seul cas qui jusqu'à présent ait fait l'objet d'une enquête relativement étendue est celui du pommier à cidre.  Sa généralisation permit de rendre à la panification la part de la récolte d'orge (ou plus rarement d'avoine) utilisée jusque-là pour fabriquer la boisson la plus usuelle, la cervoise. La culture du pommier à cidre semble avoir pris son essor d'abord dans la vallée d'Auge, vers la fin du XIe siècle (premier texte en 1082), puis avoir gagné le reste du Pays d'Auge et le Bessin aux XIIe siècle, l'ensemble de la Basse-Normandie aux XIIIe et XIVe siècles. On ignore si la production du poiré, si essentielle dans les Bocages au XVIIIe siècle, a suivi une courbe parallèle ou plus tardive : les textes les plus anciens n'en font aucune mention. La Haute-Normandie, on le sait, ne suivit l'exemple bas-normand qu'avec un décalage sensible : les dernières conquêtes du cidre y datent seulement du XVIe siècle et elle semble être restée rebelle au poiré. » [Musset, 1992]

 

Et le cidre du pays de Caux advint : La deuxième raison

 

La seconde raison s’explique par la paix retrouvée après la guerre de Cent Ans. Le territoire retrouve une stabilité, de la main d’œuvre pour s’occuper d’agriculture dans l’intérieur du pays de Caux, et la démographie se trouve en pleine croissance.

En effet durant le Guerre de Cent Ans les affres de la guerre touchèrent sévèrement le monde rural et agricole : « La guerre de Cent-Ans et l'occupation anglaise furent pour la Normandie une période de désolation et de ruines, durant laquelle l'agriculture eut nécessairement beaucoup à souffrir. Le 21 janvier 1352, Charles VI avait établi un droit de huitième sur le vin et sur tous autres breuvages vendus au détail, pour les dépenses de la guerre contre les Anglais.  L'un des actes par lesquels Henri V, roi d'Angleterre, inaugura sa prise de possession de la Normandie ; fut la levée du « quartage de tous les beurages, c'est, assavoir, vin, cidre, cervoise et hochet) qu'il ordonna par ses lettres patentes du 7 mai 1410.» [Duval, 1896]

La Guerre de Cent Ans est un conflit multilatéral qui a impliqué nombre de belligérants, les royaumes d’Angleterre et de France et l’« État bourguignon » pour les principaux, ainsi que de nombreux acteurs secondaires. Elle s’est déroulée sur une période d’environ 116 ans, de 1337 à 1453 pour sa période la plus active. [ Dambrine, 2017]

La locution « guerre de Cent Ans » est récente. En effet, on en trouve les premières occurrences au XIXe siècle (Contamine 2012 / Dambrine, 2017).

Beaucousin L.A. raconte l’épisode de la Guerre de Cent Ans qui a touché dramatiquement le pays de Caux relatant des faits de 1415 consignés dans la Chronique de Pierre Cochon, p. 340 : et ceux de 1419. Ce pays de Caux  a eu à souffrir des passages de l’armée anglaise.

« Tout le monde connait les désastres qui, pendant la première moitié du 15e siècle, accablèrent la France et spécialement la province de Normandie. Le 14 août 1415, Henri V, roi d’Angleterre, après avoir débarqué à Graville, vient mettre le siège devant Harfleur. Lorsqu’il eut réussi à s’emparer d’Harfleur, Henri traversa le pays de Caux pour retourner en Angleterre par Calais.  Fauville fut sa première étape, et l’on peut imaginer quelles calamités causa dans les environs une armée sans discipline, sans respecter l’âge ni le sexe. Une grande mortalité s’étendit sur toute la contrée, principalement vers Fauville et Baons-le-Comte. Cette dernière paroisse confinait à la principauté, dont les habitants eurent grandement à souffrir du fléau. […]  L’armée anglaise s’étant alors divisée pour aller attaquer les diverses forteresses du pays de Caux, plusieurs détachements passèrent par Yvetot, et, si nous en croyons la tradition, il aurait été presque entièrement brûlé par les soldats. […] Yvetot et la principauté resta moins de 18 ans entre leurs mains.

En 1432, un complot visant à livrer Rouen aux Français rata de peu. Le pays de Caux se souleva contre la domination anglaise en 1434. [Dambrine, 2017]

L’épisode de la Guerre de Cent ans : échanges entre l’Angleterre et la France

« Au cours de la Guerre de Cent Ans et probablement aussi postérieurement, de nombreuses sortes de pommiers à cidre de Normandie ont été introduites en Angleterre. Selon Hogg on désigne plusieurs variétés anciennes de Grande Bretagne sous le nom de Norman’s. Il s'est donc établi depuis des temps très reculés, des échanges, de variétés de pommiers, entre diverses régions, mais ces variétés transplantées loin de leur lieu d'origine, finissent par se transformer, soit qu'elles s'altèrent à la longue si elles sont multipliées indéfiniment par la greffe, soit qu'elles se modifient si elles sont renouvelées par semis. » [Chevalier, 1921]

Le territoire retrouve une stabilité, de la main d’œuvre pour s’occuper d’agriculture, dans l’intérieur du pays de Caux et en lisières. On s’appuie sur le transfert de compétences des fermiers, curés et moines qui faisaient le verjus de pomme et de cidre pour les abbayes depuis le 13e siècle, à l’abri des invasions et de la Guerre de Cent Ans ou devant importer du cidre de plus loin notamment de la Basse Normandie ou d’Espagne. Les clairières déjà repérées suite aux premiers défrichements du Moyen Age à Montigny étaient notamment considérées comme de bons terrains propices au verger comme l’atteste la pomme Montigny- [Luce, De Paumier 1589, Cahaignes, Travers, 1895]

Auguste Chevalier le rapporte également :  « A certains moments, par suite de la disette des grains (de 1095 à 1444), causée par le manque de bras (à l'époque des Croisades et de la Guerre de Cent Ans), l'agriculture étant alors très délaissée, il fallut renoncer dans certaines provinces à l'usage de la cervoise, et l’on constate que c'est précisément à ce moment que l'usage du cidre se répandit et que l'on commença à cultiver le pommier en Normandie. » [Chevalier,  1921]

La Clairière de Montigny, au nord-ouest de Rouen dont altitude est de 136 m, se situe à la limite du pays de Caux, enchâssée au sommet de la forêt de Roumare, voisine de La Vaupalière.  Montigny comprend le village lui-même et un hameau, l'Essart, situé à 1 km au nord.  La commune est exposée à un « climat maritime », correspondant au Pays de Caux, frais, humide et pluvieux. La DREAL n’a pas situé Montigny au pays de Caux et pourtant en raison des indications précédentes tout laisse à penser qu’il y serait sous couvert forestier de la forêt de Roumare classée dans la vallée de la Seine. Faut-il rappeler que l’attitude du pays de Caux varie de 100 à 180 mètres d'altitude.

Et le cidre du pays de Caux advint : La troisième raison

 

La 3e raison s’explique par le rôle protecteur des seigneuries et des « agriculteurs » résidant dans leurs masures [Sion, 1909], entourées de fossés et talus pouvant abriter des vents marins des pommiers et poiriers au centre de la masure et/ou de la cour et s’explique par le fait que déjà depuis la fin du 13e siècle des arbres plantés sur les talus de l’enclos permettaient aux propriétaires et aux fermiers d’assumer leur propre besoin de bois du aux défrichements de grande ampleur. (Lerond, 1978] ; par le fait également du rôle qu’ont tenu les fiefs aidés de leurs fermiers résidant dans leurs masures déjà protégées des vents violents à organiser la plantation des entes de pommiers et de poiriers venus du Roumois, sur l’impulsion et l’égide de l’Evêché de Rouen après la Guerre de Cents Ans., en pays de Caux et en pays de Bray par ailleurs.

Ainsi poursuit Sion :  « C’est à la fin du 15e siècle, lors de l’œuvre de restauration qui suivit le départ des Anglais et la pacification du plat pays, que le pommier fut cultivé dans le pays de Caux et dans le Vexin. De grands propriétaires, Comme l’archevêque de Rouen, obligèrent alors leurs fermiers de planter les entes, souvent achetées dans le Roumois, après avoir essarté le sol et l'avoir « déroché » s’il était nécessaire. Le verger était établi dans une partie de la masure, souvent dans le jardin, près de la grange ; parfois, « afin de rompre les vents qui pourroient grever ou abattre les dits pommiers », on plantait, comme à Fresne-l’Archevêque, « 100 chesnes de 16 à 18 pieds de hauteur tout à l’entour ».  C’est peut-être de cette époque que date l’aspect typique des fermes cauchoises, avec les grands arbres qui surmontent leurs « fossés ». Parfois aussi, le verger excédait les limites de l’ancien jardin et l’on closait des champs voisins. La masure s’agrandissait, et l’extension de la culture du pommier correspond’ peut-être à un développement des prairies. […] au pays de Bray des fossés et lisières de taillis, qui entouraient jadis les masures, entremêles d’arbres de haute futaie ont été remplacés entre le 16e et le milieu du 17e siècle par des haies vives qui bordent les chemins afin de préserver la valeur acquise des prés. » [Sion, 1909] 

Parfois aussi, le verger excédait les limites de l’ancien jardin et l’on enclosait des champs voisins. La masure s’agrandissait, et l’extension de la culture du pommier correspond peut-être à un développement des prairies.

Cet aspect fera l’objet ultérieurement d’un inventaire au pays de Bray pour repérer les traces d’anciens talus et fossés du pays de Bray car parait-il il en subsiste quelques-uns ici et là.

Revenons et attardons nous sur les talus fossés car il est noté qu'ils "auraient existé" durant au moins un millénaire avant de se trouver démantelé progressivement en pays de Caux et avant cela au pays de Bray.

 l'Etude suivante nous apporte quelques éclaricissements sur l'origine et la nature des talus-fossés :  sur le Droit privé et Institutions régionales, Études offertes à Jean Yver, Sous la direction de Société d'histoire du droit et des institutions des pays de l'Ouest de la France ; Fossés cauchois et normands, André Dubuc, p. 183-196 ; 1976.  In : books.openedition.org

 

« Du point de vue de la géographie agraire comme du droit normand, les fossés-talus ont toujours intrigué et posé divers problèmes d’interprétation, en particulier ceux du Pays de Caux, beaucoup plus élevés et apparents qu’ailleurs. Ils ont certainement répondu à des buts agricoles, à des moyens de protection et ils ont fatalement entraîné des conséquences juridiques encore mal connues et réglées de nos jours, à la surprise de beaucoup, par un arrêt du Parlement de Normandie de 1751. Leur ancienneté est certaine. [...] 

Si, en Pays de Caux, ils sont plus élevés qu’ailleurs, c’est que l’argile se manie facilement et que lorsqu’on a cru devoir y planter des rangées d’arbres, pour leur donner plus d’assise on a pensé à les surélever.

Sincénus (Voir l’ouvrage de Jules Sion citant le texte latin de Sincenus, p. 471. )  parcourant le Pays de Caux en 1616, entre Rouen et Dieppe rapporte dans son récit sa surprise d’avoir traversé « des bourgs en plaine ayant de loin l’aspect de forêts, parce que chaque maison est entourée de cours très larges et est environnée de tous côtés par des arbres très élevés à ce point que le sommet des arbres cache les maisons. 

et il ajoute  : En normandie, il te faut six jours entiers pour la traverser [...] On y trouve en abondance le poisson, le bétail, le blé ;  les pommes et les poires y poussent avec une telle profusion, qu'on les exporte dans les autres provinces et que le peuple s'en fait une boisson qu'il appelle cidre. » Repris par Gaguin. [ Sincerus, 1616]

Cette surprise manifestée par cet auteur latin est encore éprouvée de nos jours par ceux qui plus rapidement que lui le parcourent plus profondément. L’aspect agraire n’a guère changé depuis, bien que l’élevage des bovins s’y soit développé depuis un siècle, ce qui s’est traduit par une multiplication d’herbages, non plantés de pommiers comme les masures et seulement entourés avec des pieux en fer ou en ciment armé portant des fils de fer. Aujourd’hui même, ces talus maintenus sont parfois détruits par des tracteurs, après en avoir scié les arbres avec des tronçonneuses électriques. Le paysage agraire s’est donc modifié, si les talus demeurent encore nombreux au cœur des villages ou dans les grandes fermes isolées dans la plaine, sorte de panache de fierté et d’aisance.

Deux auteurs à notre connaissance, Moll et Sion, l’un au début du dernier siècle, l’autre au commencement du nôtre ont essayé, l’un en agriculteur et l’autre en géographe, de les expliquer et de les justifier2.

2Moll, Excursion agricole dans quelques départements du Nord, dans Mém. Soc. centr. agric. S.-Inf., t. VIII, 1835, p. 400 et 1836, p. 10 et 67.

Moll, à la demande du gouvernement a fait une excursion dans des départements au nord de la Seine vers 1833, en voiture, et il rapporte : « Depuis la Seine jusqu’au Pays de Bray, de Rouen jusqu’au Havre, tous, soient châteaux, maisons de plaisance ou exploitations rurales sont modelées les unes sur les autres. Elles sont placées dans une enceinte plus ou moins vaste, une cour comme on l’appelle ici, plantée en pommiers et entourée d’un fossé, derrière lequel s’élève un mur ou rempart de terre large et haut, sur lequel sont plantés trois ou quatre rangées de grands arbres : hêtres, ormes, chênes, d’une belle venue. Cette ceinture garantit les batiments, les vergers, les jardins et même les champs des vents impétueux de la mer. Cet avantage dans un pays élevé et voisin de l’océan compense bien la privation des points de vue qui en résulte. Le grand nombre de ces bocages dispersés dans la plaine forme un coup d’œil admirable. Mais ce n’est pas leur seule utilité. Il y a une grande valeur dans ces plantations, dans une contrée où le bois est aussi cher qu’il l’est ici. Elles fournissent le combustible de la ferme. On vend aussi maint bel arbre... On suit, en les exploitant, la méthode du jardinage, c’est-à-dire on n’enlève que quelques arbres des plus vieux chaque année, en ayant soin de ne jamais dégarnir la place. Ces enceintes ou cours ont depuis deux à douze hectares et plus d’étendue. Elles sont plantées de pommiers, sous lesquels croît une herbe touffue qu’on fait pâturer au piquet ou tière3.

3Le terme tière est encore employé dans le Pays de Caux. On emploie aussi le verbe entierrer ; il signifie attacher un bovin par un collier de cuir au cou avec une longue chaîne de fer terminée par un anneau rond que l’on passe dans un piquet de fer comme une grosse pointe et que l’on enfonce en terre avec un maillet à long manche. C’est ce piquet qu’on appelle tière : mettre un animal au tière. Moll dit que les vaches étaient ainsi mises dans les cours masures, ce qui est possible. De nos jours, on ne met plus que les taureaux plus ou moins furieux, que l’on attache au pied. Dans les cours masures de nos jours, on met librement les jeunes veaux (bétons). Du temps de Sion, les vaches étaient mises au tière dans les champs, en longues files, et les domestiques venaient tous les trois ou quatre heures les changer de place. Ce spectacle champêtre du Pays de Caux, s’est modifié depuis que l’on fait usage des clôtures électriques déplaçables. Le terme tière est encore employé dans le Cotentin, avec le même sens que dans le Pays de Caux. Dans cette région, de la Manche, on emploie le mot tiérée, pour indiquer l’espace circulaire qu’un bovin peut parcourir avec sa chaîne.

 

 

Des issues sont pratiquées dans le rempart et sont fermées de barrières... » Moll exploitait un domaine important ailleurs qu’en Normandie et l’un de ses buts était d’inciter les grands propriétaires terriens à utiliser les méthodes modernes, à les faire connaître autour d’eux et pour lui de découvrir leurs initiatives, leurs réussites ou leurs déboires dans leur entreprise.

Cette enquète peu utilisée se relie à l’ouvrage de Jules Sion sur les Paysans de la Normandie Orientale, paru au début de ce siècle et toujours bien actuel. Ayant parcouru les deux départements axés sur la Seine en bicyclette il écrit : « Arbres fruitiers et bâtiments sont protégés contre le vent par les « fossés » dont l’enceinte rectangulaire délimite la masure, comme partout en Normandie. On appelle fossé, non une rigole plus ou moins profonde, mais une levée de terre, une « banque4 » dressée avec des mottes de gazon et des pelletées de limon, large de 1 m 50 à 3 m à la base, de 0 m 70 à 1 m au sommet ; quelquefois, elle est assez haute pour cacher l’intérieur de la ferme.

4Banque, mot dialectal fréquemment employé au nord de la Seine, équivalent au mot levée et talus. Grimper sur la banque équivaut à grimper sur le talus.

Sur toute la longueur, elle est surmontée par des arbres de haute futaie, des hêtres près d’Yvetot, des ormes près du Havre, des chênes, des frènes, des sapins, disposés sur deux ou trois rangées. Tous ceux qui ont visité le Pays de Caux ont conservé dans leur souvenir la silhouette de ces arbres rigoureux, régulièrement alignés, presque de même taille qui cachent chaque ferme par un rideau de verdure. C’est là une des beautés les plus originales de ce pays et c’est un élément de sa richesse. Dans cette région dépouillée de ses forêts depuis plusieurs siècles, les ormes et les hêtres qui poussent si drus atteignent une grande valeur...5 » Moll et Sion concordent dans leurs observations.

5Sion (Jules), Les paysans de la Normandie orientale (thèse de géographie) Paris, 1908. Cet ouvrage qui peut apparaître ancien est encore fort utilisé. Devenu très rare et fort recherché, il n’a pas d’égal pour les deux départements de Haute-Normandie, p. 471, les masures).

Il s’agit là d’un type agraire plus accentué dans le Pays de Caux, plus faible dans le Pays de Bray encore visible sur la rive gauche de la Seine, dans le Roumois, mais presque inexistant dans le Vexin. Il semble bien que depuis la Révolution de 1789, ce mode de création de fossés-talus a été abandonné. Les grands domaines avec leurs terres environnantes, fermes seigneuriales autrefois, demeurées longtemps dans les mêmes familles, sont entourées de ces talus plantés. Dans de nombreux villages demeurés stables, de petites exploitations, même des chaumières avec leurs petites masures sont également entourées de la sorte y compris de nombreux cimetières mais seulement dans le pays de Caux6.

6M. Fauvel, préparant actuellement une thèse d’histoire et de démographie sur son canton natal de Goderville et le connaissant fort bien, m’a rapporté que son père, journalier agricole, durant la période d’hiver après les battages était souvent sollicité pour réparer les talus-fossés. A sa connaissance, il n en a fait qu’un seul à Ecrainville et encore à la demande d’un propriétaire mécontent de ce que l’un de ses prédécesseurs ait fait abattre deux des quatre côtés du fossé de sa cour masure et le lui a fait refaire avant 1939, pour avoir une cour plus équilibrée et plus logique. Il n’est pas rare dans cette commune de voir des chaumières entourées d’une cour d’une trentaine d’ares, avec un talus-fossé planté, mais surtout celles construites avant 1789. En général, ce sont les fermes grandes ou petites et surtout les grands domaines qui étaient entourés d’un fossé planté.

Les arbres des fossés servaient aux fabriques pour la réparation des églises et des clochers7.

7Manneville (P.), Les arbres des cimetières du Pays de Caux au XIXe siècle, dans « Les eaux et forêts en Normandie » (actes du 8e congrés des sociétés historiques et archéologiques de Haute-Normandie, Lyons-la-Forêt, octobre 1973, offset, lmp. adm. de l’Eure. (En dépôt aux Arch, de la S.-Mme) pp. 97-107.

Les habitants continuent d’ailleurs d’appeler fossés ce qu’il serait logique d’appeler talus. Cette mutation est due à ce qu’antérieurement le fossé marquait la limite de la propriété, mais celui-ci non entretenu depuis longtemps a pratiquement disparu, si bien que le talus encore appelé banque, est toujours appelé fossé.

Sans doute, avant l’apparition du pommier, les talus-fossés n’étaient pas nécessairement plantés, mais ceux-ci dans un terrain détrempé par les eaux, se déracinent facilement, si bien que l’on a dû songer aux arbres de futaie pour les préserver de l’action brutale des vents. A l’intérieur d’une cour-masure, les vents sont apaisés, la température est plus douce que dans les champs et les vents coulis à ras du sol dessèchent moins cette terre argileuse qui durcit rapidement et contrarie la pousse de l’herbe. A leur origine, les fossés ont dû indiquer un autre but : une limite qu’on ne devait pas franchir. Les masures8 étaient entourées, soit d’une haie vive9, soit d’un fossé qui faisait mur. Sous l’ancien régime, à cause du droit de parcours mais aussi des dîmes, on ne pouvait clore à sa volonté.

8Masures : sens provincial, la cour plantée entourant la maison d’habitation et les batiments agricoles d’un cultivateur. « On appelle masures en Normandie, les terrains en campagne, enclos de haies, fossés ou murs, en nature d’herbage et ordinairement plantées d’arbres fruitiers ». (Journal des arrêts des cours royales de Rouen et de Caen, t. VII, 1827, p. 41).

9Haie vive ou haie de plantes vives : généralement en épine blanche, mais aussi charme, coudrier, houx. Pour les bornes de coin, on ne tolérait comme pieds corniers que les pieds d’épine blanche, le chêne et l’érable. L’épine noire, le saule, le peuplier était considéré comme usurpateurs à cause de leurs racines et rejets. Dans le pays d’Auge, les harts d’osier qui ligaturaient les jeunes plans aux jalons ont été remplacés par du fil de fer, mais dans toute la Normandie, on considère que le côté de la haie ou le fil de fer est tordu et serré, appartient en droit au propriétaire pour l’ensemble.

 

On se trouve donc, dans cette région de champs ouverts, au centre d’un ancien système agraire qui a perdu sa signification, mais qui la conserve suffisamment pour servir de référence, avec les avantages agricoles que la cour masure pouvait tirer de ces talus-fossés. On comprend alors que Maupassant, dont toute la jeunesse espiègle s’est passée dans un petit château de Grainville-Ymauville, entre les marchés bien cauchois de Fauville et de Goderville, jouant et vivant avec les enfants du village, ait dépeint, devenu adulte, avec une précision touchante, les fossés-talus de son enfance et rendu leur curieuse atmosphère : « La cour de ferme enfermée par les arbres semblait dormir. L’herbe haute où les pissenlits jaunes éclataient comme des lumières, était d’un vert puissant, d’un vert tout neuf de printemps. L’ombre des pommiers se ramasssait en rond à leurs pieds et les toits de chaume des batiments, au sommet desquels poussaient des iris pareils à des sabres fumaient un peu comme si l’humidité des écuries et des granges se fut envolée à travers la paille... Il y avait là, dans le creux du fossé, un grand trou plein de violettes dont l’odeur se répandait, et, par dessus le talus, on apercevait la campagne, une vaste plaine où poussaient les récoltes avec des bouquets d’arbres par endroits et de place en place, des groupes de travailleurs lointains, tout petits comme des poupées, des chevaux blancs pareils à des jouets, traînant une charrue d’enfant poussée par un bonhomme haut comme un doigt...10 » Maupassant a traduit simplement la sorte de sécurité, de tiédeur, de douceur du temps que l’on éprouve à l’intérieur de ces cours masures, protégées par les talus élevés et leurs arbres défiant les vents furieux du large.

10Maupassant, Contes et nouvelles (T. I, bibl. de la Pléiade, 1974) : Histoire d’une fille de ferme, p. 226.

Ailleurs qu’en pays de Caux, ces fossés-talus étaient beaucoup moins élevés, notamment dans le pays de Bray voisin, demeurant faiblement perceptibles, couverts non plus de rangées d’arbres de futaie, mais d’une haie de plantes vives, rarement d’épine blanche ou noire, mais plutot de coudrier, de charme, d’orme, aussi de houx. Ces haies que l’on laisse pousser à dessein, sans les couper par le haut, forment de place en place des « têtards » à grosses têtes, comme des saules au bord des rivières. Ils sont coupés tous les six ans et ramenés à une hauteur de cinq à six pieds, travail d’hiver pour les ouvriers agricoles à demeure dans les fermes, fait à la serpe et permettant de confectionner des fagots appelés « bourrées », servant au chauffage rapide dans les grandes cheminées d’autrefois. Ces talus affaissés par le temps et par les bestiaux qui venaient s’y réfugier contre les vents et les pluies ne sont plus guère apparents. Ce talus, si médiocre qu’il ait été, avait une signification en partie oubliée.» [Dubuc, 1976]

Le premier à évoquer ce changement de paradigme fut Féret en 1855.

« Au 15e siècle seulement le cidre paraît avoir commencé à l'emporter sur la boisson rivale, l'insuffisance des récoltes provoquant quelquefois des mesures prohibitives de l'emploi des grains à tout autre objet qu'à l'alimentation publique mais cette substitution s'opéra sans doute assez lentement, car ce n'est qu'en 1692 que l'on rencontre les statuts qui régissent et organisent la corporation des marchands de cidre à Rouen. » [Féret, 1855]

C’est donc à ce moment que l’évêché de Rouen obligèrent leurs fermiers à planter  les entes du Roumois sur le relief du plateau de Caux battu par les vents, dans ses masures, cours, pourpris et vergers (closages).

« Des plants de pommiers se forment sur divers points du pays de Bray et du pays de Caux vers la fin du 15e siècle, mais surtout au siècle suivant, il est aisé d'en suivre les progrès. » [Hauchecorne et De Boutteville, 1875]

« La culture du pommier à cidre dans notre département ne date guère que de la fin du 15e siècle. » [Brioux, 1925]

Yvetot : un exemple de l’implantation de pommier et vergers dont témoigne le terrier de 1566, de la Principauté d’Yvetot que L.A. Beaucousin, historien a traduit du vieux français à la fin du 19e siècle. [ADSM 76] :

Ce témoignage est très important à signaler « in situ » comme la présence des pommiers au pays de Caux et dans la principauté d’Yvetot même. C’est le terrier de la principauté d’Yvetot qui témoigne de la présence de pommiers plantés et de closages et vergers à Yvetot. Ce terrier datant de 1566 rédigé à la demande du prince d’Yvetot, Martin du Bellay nous décrit les fiefs et propriétés de cette époque nommées masures dont celle de Jehan Houel.

Rarement les terriers décrivent la nature foncière et de ses biens avec tant de précision. Le plus souvent nous pouvons consulter un plan mais dans ce cas c’est l’inverse : Il existe le descriptif en l’absence du plan ; égaré ou aujourd’hui parti en Amérique.

C’est L.A. Beaucousin, historien yvetotais qui la transcris du vieux français dans sa langue commune de la fin du 19e siècle, que j’ai retranscris moi-même à partir de ses écrits archivés au Département de le Seine-Maritime.

Voici des extraits du plan terrier de 1566 transcris par Beaucousin à la fin du 19e siècle avant la parution  de son histoire de la principauté d’Yvetot (1884)  : 

« Jehan Houel tient une pièce de terre en masure assise au bourg d’Yvetot contenant une acre demye vergée ou envyron édifiée de maisons, close et plantée […] Idem je tiens par droiture de fief la propriété franchise de coullombier à pied une pièce dessus la terre de la dite principauté d’Yvetot[…] Idem  Je tiens une autre pièce en closage contenant trois acres trois vergées assise au dite Yvetot[…] Item  une autre pièce de terre contenant sept acres   […] Idem  Tient une autre pièce de terre contenant trois vengées ou envyron partye d’un closage  […] Idem Une autre pièce de terre  contenant ½ acre ou environ assise au dit Yvetot près les monts […], un espynne dessus plantée[…] D.B. la sente ou chemyn tendant du dit Yvetot a Calvare […] -Idem  Je tiens une pièce de terre contenant neuf acres, partie en  cinq pièces qui sont partie du fief Lhuilllier – La première pièce en masure contenant 1 acre ou envyron assise  au dit Yvetot, bournée D.C.  ladite Grand rue d’avant la ville D.C. et D.R. en pointe la sente  tendant à la sente des foryères […] La seconde pièce contient trois vergées ou environ partye en closage […] – La troisième contenant  deux acres ou  envyron […] – La quatrième pièce contenant quatorze acres  ou envyron […]- La cinquième et la dernière pièce contient deux acres […] Le chemin qui mayne d’Yvetot à la justice […] Idem. Je tiens une autre pièce de terre contenant trois acres ou envyron assise au dit Yvetot[…]Idem Je tiens vingt-deux acres trois vengées ou environ en deux pièces […] Idem.  Une autre pièce de terre contenant une acre envyron aussy close et plantée comme elle est, assise au D. Yvetot, bournée […] le grand chemin tendant du dit bourg au manoir du chemyn […] et ladite pièce partye d’un clos à pommiers du dit Houel. Une mare séante au-dedans. »

« L’utilisation d’arbres de haute futaie, pour protéger les arbres fruitiers de la parcelle répond à la nécessité d’abriter les enclos des vents dominants dans le pays de Caux. (…) La cour seigneuriale ou la basse-cour de nombreux manoirs était en effet plantée d’arbres fruitiers, en général des pommiers, comme l’attestent l’Atlas de Trudaine (…) On notera cependant que ce type de clôture caractérise le plus souvent des manoirs d’importance secondaire »

 « Des aveux des XVIe et XVIIe siècles, l’Atlas de Trudaine du XVIIIe, de nombreux plans cadastraux anciens du début du XIXe et des photographies du début du siècle dernier présentent les cours des manoirs normands plantées d’arbres fruitiers. Ces cours vertes, qui ressemblent fort à des vergers, ne doivent pas nous égarer : elles répondent sûrement moins à la volonté d’agrémenter le manoir (qu’il ne faut cependant pas exclure) qu’à celle de rentabiliser un terrain, qui, on l’a vu, pouvait être très étendu. Car la cour est avant tout, dans une majorité de manoirs, l’enclos où se trouvent réunis les bâtiments utilitaires : une basse-cour au sol boueux, où circulent charrettes, serviteurs et animaux de la ferme. » [Pagazini, 2014]

On trouve transmis la trace de closages chez : Jehan Houel, Jehan Caumont, Pierre Delamare, Allain Tassin, Loys Greffier, Wandrille Daupmalle, Cyril Nepveu, Marin Nepveu, Pierre Cornu, Andrieu Crevel, Raoullin Letellier, Guillaume Nepveu, Estienne Letellier, Pierre Basin l’Aisné, Nicollas Deniscourt, Nicollas Dubosc, Guille Lelièvre, Jehan Gombault.

Dans la principauté d'Yvetot : 

A Yvetot et Saint-Clair-sur-les-Monts (1240). La toponymie du hameau du Verger. Vergié, (Arch. Nat. P. 303-130). Le Verger, 19-11-1420 (Arch. S.-M. Tab. Rouen)[dicotopo.cths.fr]

Le closage  au 16e siècle autrefois nommé Clausage entre le 10e et 15e siècle : en Normandie, petit verger entouré de haies, avec ou sans habitation, H. Moisy, Noms de famille normands, [Littré, définition Closage]

David Marescot rapporte à propos de l’existence du hameau « le Verger qui comportait une ferme et un Manoir sur les communes actuelles de Saint-Clair-sur-les-Monts et d’Yvetot au temps Du Royaume d’Yvetot :  « Au 11e siècle, Jean 1er d’Houdetot et Colard, son frère, de 1096 partent avec Robert, duc de Normandie en Terre-Sainte du temps des Croisades. Ils reviennent en 1099. [G.David-Marescot, De César à Henri IV au pays des Calètes, 1955 ]

G.David-Marescot estime à ce titre que c’est à partir de cette  époque que les premiers vergers sont créés en pays de Caux ». L.A. Beaucousin dans son registre des fiefs et arrières fiefs du baillage de Caux [G.David-Marescot, De César à Henri IV au pays des Calètes, 1955 ]

« En la paroisse de Sainte-Marie-des-Champs et de Saint-Clair-su-Les-Monts, il y a un quart de fief nommé le Verger, appartenant à Marc de Houdetot, tenu du Roy nostre sire ». [Registre des fiefs et arrière-fiefs du bailliage de Caux en 1503, Auguste Beaucousin]

Cette terre possédée par la famille Houdetot aurait été obtenue par un don royal comme le mentionne G.David-Marescot. Ce fief fut constitué d’un manoir sur lequel fut construit l’actuel château de Marseille -Maseille - , comme l’atteste L.A.Beaucousin qui dans le terrier de 1566 précise qu’il possède bois taillis, collombier à pied…[G.David-Marescot, 1955 ]

Ainsi G. David-Marescot reprenant des informations dans Liste des fiefs de Beaucousin mentionne que le fief du Verger était déjà situé - le 3 février 1428 - sur la paroisse de Saint-Clair-sur-les-Monts. [G.David-Marescot, De César à Henri IV au pays des Calètes, 1955 ]

(Aujourd’hui, une des masures de l’ancien fief du Verger se trouve désormais sur la commune d’Yvetot, à côté du C.D.I.S qu’on peut observer de la rocade, sur sa droite juste avant le rond-point du C.D.I.S. venant d’Auzebosc.

Le dictionnaire topographique nous renseigne sur l’origine d’un des hameaux historiques du territoire de l’ancienne royaume devenue principauté fin du 16e siècle : Le Verger dont des terres appartiendront à la fin du Moyen Âge à un dénommé Legrand qui par ailleurs en possédait également entre Yvetot et la paroisse de Sainte-Marie-des-Champs à l’endroit même où M. Legrand, le grand-père eut de mémoire d’homme ses premières pépinières, agrandies un demi-siècle plus tard par l’acquisition d’autres pépinières par P.M. Legrand, père, sur le quartier clos des Parts pour en faire la pépinière de ses variétés d’élite et de collection, prêtes à partir en Europe dès 1884. Quant à son fils, en association avec sa mère, veuve, il poursuivit mais de courte durée car il mourut précocement 10 ans plus tard.

Le Verger, fief de l’ancienne principauté d’Ivetot (Yvetot)

Verger (Le), SEINE-MARITIME (76) YVETOTSAINT-CLAIR-SUR-LES-MONTS

In : Dictionnaire topographique de la Seine-Maritime, p. 1054

Vergié, (Arch. Nat. P. 303-130)

Le Verger, 19-11-1420 (Arch. S.-M. Tab. Rouen)

En la paroisse de Sainte-Marie-des-Champs 1/4 de fief nommé le Verger, 1503 (Beaucousin 210 — Vic. de Caudebec, serg. de Baons-le-Comte)

La commune du Vergier, 516 (Arch. Vauquelin Aveu)

Le Verger, 1566 (Yvetot Beaucousin : « nommé autrefois le fief Bouquelon »)

Les communes du Verger ; sentes de Bures au Verger ; sente du hamel du Verger au hamel du Bailly ; sente d’Yvetot au Verger ; grande rue de Reffigny tournant au Verger ; commune du Verger ; sente qui mène au Verger ; rue commune de Réffigny au manoir du Verger ; grande rue de Reffigny tournant au Verger : Le Verger (Jacques de Houdetot escuyer) ; chemin du Verger à Réffigny ; chemin du Verger et chemin du Verger à Bailly  (Jacques de Houdetot escuyer) ; sente de Saint-Clair au Verger ; chemin aux communes du Verger, la rue commune de Reffigny au Verger, Sente du Verger à Bailly (Charles Legrand escuyer)

Charles Legrand possédait d’autres terres décrites dans le terrier de 1566 par Beacousin

Rue commune de Reffigny ; Chemin de Rethymare à Ste Marie des Champs ; Chemin vers Ste Marie des Champs ; Rue commune de Reffigny au Verger ; -Sente du Verger a Bailly ;

Le Verger, 1876 (Tougard Yvetot 22) [dicotopo.cths.fr]

Dans la Géographie du département de la Seine-Inférieure co-écrit par les Abbés J. Bunel et A. Tougard, il est rapporté que les Sires d'Yvetot  participèrent à la bataille d'Hastings puis aux Croisades de 1096 ; 1147 ; et avec Saint-Louis (1270). Un des seigneurs d'Yvetot a possédé le fief dudit Verger. [Abbé Tougard, 1876]

 

Sur le E et T d'Yvetot : Le Verger

A l'endroit de l'ancien fief du Verger (Vergié) au dessous de la dite ferme de la Rétimare, à côté de la Mi-Voie et limitrophe à Saint-Clair sur les Monts.

Le verger - IGN remonter le temps, carte d'Etat-Major du 19e siècle.

Ci-dessus,  Le Verger 1947 - IGN remonter le temps

La masure du Verger (Seigneur d'Houdetot) dont l'origine se situe au moins au  14e siècle d'après L.A.Beaucousin si ce n'est avant peu après  le  retour des Croisades faites avec le Sire d'Yvetot.

La partie en haut est sur Yvetot, l'autre partie dessous est sur la commune de Saint-Clair.

 

La locution clos-masure est née à Saint-Clair sur les Monts et à Yvetot,  au hameau du  Verger en 1968.

A l'insu des propiétaires en 1967-1968, c'est cet endroit  - masure avec château ayant remplacé le manoir, avec colombier, jardin nourricier, vergers, fossés et talus plantés, ferme etc... -  qui a  servi de décor et de toile de fond à M. Warnier et à Mme Garofalo  pour leur projet de diplome d'archictecture  publié en 1968.  Ce sont eux qui finalement  ont inventé la locution  "clos masure"   dont je ne goûte guère pour multiples raisons déjà exprimées en amont notamment pour ce qui a inauguré après eux, quelques décennies plus tard - comme au quartier du Fay à Yvetot - de nombreux lotissements au sein des anciennes "masures" et "cours" n'étant plus à cette époque de véritables "théâtre d'agriculture"/

Faut-il rappeler ci que déjà la locution cour-masure avait été inventée par les notaires dès 1866 pour vendre les masures aux particuliers, aux parisiens et aux rouennais  préférerant acheter une cour-masure qu'une "masure"  connotée sur l'image des contes de Maupassant en cette fin de 19e siècle.

masure = maison délabrée

Question d'époque, question immobilière et de plus value sûrement avec un vocable plus alléchant.

Les annonces immobilières à partir des années 1866 sont éloquentes.

Depuis le 17e siècle les gens de la ville achetaient les fermes  les masures et cours comme placement,  aux beaux rendements  comme le décrit le terrier de la Principauté d'Yvetot de 1566. Au 18e et au 19e siècle on a commencé à les acheter comme résidence secondaire ... loin de la ville, à la campagne dans un havre "du vivons heureux, vivons caché" au coeur de ma masure.

Aujourd'hui on y  fait construire des maisons modernes qui n'ont plus, à vrai dire,  un caractère cauchois dans ce soi-disant "clos-masure" où le talus semble parfois  même menacé de disparition ... 

Paradoxe contemporain du lieu : voir la masure, la cour  se délabrer, se démambrer ou voir les voir renaître sous la forme de  clos-masure  puisqu'il est moins en moins théâtre d'agriculture accueillant pommiers et poiriers, vaches, moutons ...

 

Affiche pour l'exposition cours-masures, oeuvre picturale d'Odile Penelle 1979, avec l'aimable autorisation de Didier Le Scour.

 

L'Abeille Cauchoise, 1838, ADSM 76

L'Abeille Cauchoise, 1861, ADSM 76

L'Abeille Cauchoise, 1866, ADSM 76

L'Abeille Cauchoise, 1868, ADSM 76

puis l'avènement de la locution  clos-masure à Yvetot, hameau du Verger

CROQUIS-DESSIN DE GAROFALO WARNIER 1968, qui donna naissance à la locution "clos-masure",  avec leur aimable autorisation :  projection imaginée au Hameau du Verger, Yvetot (voir cliché IGN 1947, déjà montré ci-dessus, dont vous reconnaitrez les traits qu'ils ont reproduits en vert)

Voilà ce que relatent ces deux architectes à propos de l'invention de la locution "clos-masure"

 

« Chaque unité agricole possède sa végétation propre sous la forme d'un vaste clos-masure (ou cour-masure). Le clos-masure qui «marque» l'emplacement d'un établissement humain est un quadrilatère très régulier d'une surface moyenne d'un hectare (ils peuvent parfois être de trois hectares ou plus), fermé d'un talus de 1,50 mètre à 2 mètres planté d'arbres de haut jet (hêtre, chêne, orme, frêne) sur une ou deux rangées.

Dans la prairie ainsi constituée se regroupent l'habitat, les bâtiments agricoles d'une unité agricole : le clos-masure favorise dans cette région ventée un micro-climat localisé dont bénéficient habitants et bétail. Cette prairie est souvent parsemée de pommiers à cidre.» [Les clos-masures du pays de Caux, Garofalo/Warnier, 1974]

 

 

Et le cidre du pays de Caux advint : La quatrième raison. 

La transmission des savoirs du Clergé aux agriculteurs

La 4e raison réside dans le fait que le cidre d’alors réservé au Clergé se devait d’être propagé par la transmission des savoirs des moines et des curés.

En Pays de Caux, notamment à l'abbaye de Fontenelle, les vergers des moines étaient protégés dans leur enclosoù ils cultivaient leurs fruits et leur vigne.  Ces savoirs ont pu être transmis aux fermiers, aux agriculteurs  afin de  s’en emparer à plus grande échelle,  pour tous,  pour les paysans eux-mêmes, pour les journaliers, les villageois des paroisses, pour les seigneurs, les notables autant cauchois que brayons dans cette période de la paix retrouvée où la main d’œuvre était à nouveau disponible  après cette longue guerre de Cent Ans.

Je vous propose de revenir ici sur les vergers du 9 et 10e siècle des abbayes en pays de Caux.

Et le cidre du pays de Caux advint : La cinquième raison. 

La Science de l'Arboriculture, l'art de la Taille, l'art de la Greffe et l'art du Semeur et du Pépinier se distille dans des ouvrages qui deviendront des points de repère et de référence pour l'amélioration des vergers et le la boisson du cidre.

La 5e raison réside dans le fait qu’en France ce fut sous la Renaissance que la méthode scientifique appliquée à l’amélioration des arbres fruitiers et du cidre donna naissance  aux premières publications : Dany de Brossard (1540), de Pierre Belon du Mans (1558), de Julien Le Paulmier et Jean Cahaignes de Caen (1590), d'Olivier de Serres (1623), de Parkinson (1629), de Le Gendre (1662), de Jean Merlet (1684), de Jean de la Quintynie (1690), marquant les principales étapes des progrès réalisés. » [Chevalier, 1921]

Mais encore fallait-il donner une notoriété au cidre du pays de Caux qui a d’emblée souffrait une piètre réputation.

Sion évoque un préjugé tenace en pays de Caux à la fin du 15e siècle par ce témoignage :

« Il faudrait aussi tenir compte des préjugés, puissants pour ou contre l’introduction d’une boisson ou d’une culture nouvelle. Les paysans du Bourg-Dun redoutaient encore, en 1490, ces effets du cidre sur l’organisme que continuent à lui reprocher les habitants des pays de vignobles ; il est possible que plus tard, le cidre ait paru, au contraire, une « liqueur plus plaisante et salutaire » que la cervoise. « Quelle faute serait-ce aux médecins, écrivait Jacques de Cahaignes à la fin du 16e siècle, de rechercher si curieusement et avec tant de frais tant de remèdes jusqu’aux extrémités de la terre et mépriser cestuy-ci, qui est si plaisante et si excellente médecine d’une infinité de maladies ! » [Sion, 1909]

« Le sidre n’estoit anciennement si commun en Normandie qu’il est de présent […] et il n’y a pas cinquante ans qu’à Rouen et en tout le pays de Caux la bière estoit le boire commun du peuple comme est à présent le sidre. » [Le Paulmier -Jacques de Cahaignes 1589]

Le cidre n’ayant pas encore pris des lettres de noblesse sous la plume de Le Paulmier et De Cahaignes, Rabelais nous offre quelques faits de littérature en citant le cidre dans la légende de Gargantua et le discréditant quelque peu.  Faut-il rappeler que Rabelais (1483 ou 1494-1553) était le contemporain de Ronsard, de François 1er, de Joachim Du Bellay, de Le Paulmier (1520-1588), de Martin Du Bellay (1495-1559), un de ses protecteurs comme il est signalé par cette information :    

« Martin du Bellay aux côtés de Palissy et de Rabelais. Jean et Guillaume Du Bellay furent les amis et protecteurs de Rabelais. Il faut probablement ajouter Martin Du Bellay. En effet, lui et François Rabelais se trouvent à la même époque en Picardie, lors du conflit contre les Anglais. (Étude de Franck Rolland Palissy, Rabelais, Serlio et le Château et le Jardin de Troissereux. Martin Du Bellay, frère de Jean et Guillaume né à Souday dans le Loir-et-Cher comme ses deux frères (Guillaume et Jean), fut lieutenant général de Normandie. Ses Mémoires Historiques sont plus célèbres que celles de Guillaume. » [jcraymond.free.fr]

Se connaissant, se fréquentant, guerroyant ensemble, Rabelais avait la connaissance du pays de Caux et de la petite cité cauchoise de Duclair arrimée à la vallée de Seine :

« Evidemment, dès qu'on parle de boisson, Gargantua n'est jamais bien loin. Ainsi, dans la basse vallée de la Seine, il existe une légende de fondation du village de Duclair :  « Le géant s'était levé de sa chaise pour se dégourdir les jambes au bord de la Seine. Une vieille portait un fagot trop lourd pour elle. Gargantua lui a pris son fardeau et l'a déposé devant sa maison.  Pour le remercier, la vieille lui a offert un fût de cidre nouveau. Gargantua l'a bu aussitôt sans attendre que le cidre soit 'fait'. En retournant chez lui, pris par le cidre vert, il a fait 'du clair » [Marchand, 2000]

Par ce fait (fiction) littéraire, le cidre n'est plus invisible au yeux de la société dès lors qu’il met en relation le bon géant Gargantua et la boisson normande exposant la prédominance du cidre sur la bière, comme le montre cet autre extrait choisi par Patrick Lajoye [2005] auteur de - La Normandie, le cidre, Gargantua et Saint Gerbold :

«Et pour autant que ledict Gargantua avoyt fort cheminé ce jour-là il a voit grant soif, car il pria les  Normans de luy  donner à boire, lesquelz luy  apportèrent de  la bière, dont il eut si grant despit qu'il jura sainct Troubaise qu'il s'en vengeroit,  ce  qu'il fist,  car tout  incontinent il s'en partit et arracha  toutes les  vignes du pays  de Normandie et  n'y en  laissa pas  ung  bourgeon  qu'il n'emportast tout  tellement qu'il  n'y croist plus  que du cidre […] Par la suite, Gargantua donne les vignes aux Orléanais, aux Beaunais et aux Auxerrois, tellement que tous ces troys pays en sont bien peuplez et y croist de fort bons vins, Ce faict incontinent qu'il eut ainsi arrachées toutes les vignes de Normandie il s'en partit du pays sans que les Normans s'en apperceussent en aulcune sorte, car il n'estoient pas encore si caulx qu'ils sont maintenant. » [Lajoye, 2005]

Patrice Lajoye poursuit tout en la qualifiant d'« historiette »,  il insiste sur le contexte bien historique : « au début puis dans tout le courant du 16e siècle, on a planté en masse des pommiers à cidre, et on a cessé de faire de la bière. Ce phénomène a été consigné par l'auteur du premier traité du cidre, Julien Le Paulmier, en 1589 » [Lajoye, 2005] :

« il pourrait neantmoins sembler que le sidre n'estoit anciennement si commun en Normandie qu'il est de présent :  d'autant qu'il ne se trouve monastere, ne chasteau, ne maison antique, où il n'y ait vestiges manifestes & apparentes ruines des  brasseries de  Biere, qu'on  y soulait faire  pour la provision ordinaire.  Et n'y a pas cinquante ans qu'à Rouen, & en tout le pays de Caux, la biere estoit le boire commun du peuple, comme est de présent le sidre. » [Le Paulmier, 1589]

 

 

Peu avant la fin de la Guerre de Cent Ans il est important d'évoquer la troisième vague aux quelles fait référence Auguste Chevalier en 1532 :  

 

Nous ne sommes pas encore à témoigner du cidre du pays de Caux qu'un premier signe de notoriété en Cotentin survient :

1532, le roi Francois 1er goutte au cidre normand du Cotentin

« L’une des greffes porte le nom de greffe de Monsieur de Lestre ou de greffe de Monsieur. Ces greffes, dit Cahaignes, ont été naguères apportées de Biscaye. Monsieur de Lestre, à deux lieues de Valognes, a esté le premier qui les a entées, à ce que j’ay entendu au pays. Il enrichit le pays de deux nouvelles espèces mentionnées plus tard dans les nomenclatures de Gilles de Gouberville : le Barbarie et le Pycey ou, pour parler plus exactement l’Epicé. C’est le cidre d’Epicé qui ravit François 1er lorsqu’il en goûta, pour la première fois, au moment de son passage en Normandie. Le feu grand roi François passant par-là, l’an mil cinq cent trente-deux, en fit porter en barraux à sa suite dont il usa tant qu’il put durer. « Et ce fut le Navarrais Guillaume Dursus, naturalisé par Louis XII, qui eut l’honneur de présider à cette évolution bienfaisante. ». [De Paulmier, Cahaignes 1589 ; Travers, 1895]

Vers 1550, l’introduction de nouvelles greffes venant de Biscaye se faisait encore en Normandie. » [Chevalier, 1921]

« Parmi les formes introduites de Biscaye à cette époque (vers 1550) et dont les noms se sont conservés jusqu'à nous (car il n'est pas certain que l'appellation actuelle désigne exactement les variétés cultivées au 16e siècle sous le même nom), on doit citer les suivantes :

1° La Marin-Onfroy, ainsi nommée du nom d'un gentilhomme du Bessin, seigneur de Saint-Laurent-sur-Mer et de Véret, qui l'apporta de Biscaye sur ses terrés au 16e siècle. Truelle croit que c'est le Macasgorriya des Basques. On la trouve partout aujourd'hui en Normandie, mais elle dépérit, probablement à cause de son ancienneté.

2° La Vèret ou Doux-Vérêt (on prononce doux vré). C'est l’Argile blanche ou Argile Barbarie blanche. D'après Emile Travers, a été aussi importée de Biscaye par le seigneur Marin-Onfroy, dans son domaine de Véret.

3° L’Epicé ou le picey, introduit d'Espagne à Morsalines, près Saint- Waast-la-Hougue, par Guillaume Dursus donne le meilleur de tous les cidres (de Gouberville). C'est la Belle- fille ou Petit-Damelot, donnant le roi dès cidres pour la bouteille [Lecoeur].

4° D’après Jacques Cahaignes, le même Dursus introduisit au 16e siècle, dans le Cotentin, la Barbarie de Biscaye qui s’était répandue dans toute la Normandie et la Bretagne et est probablement l’origine de diverses sortes de pommes dites Barbarie ou Barberiot » [Chevalier, 1921]

Ces variétés nous les retrouvons pour certaines sous ces noms ou sous leurs nombreux synonymes.

Il semble qu'à cette époque  qu'on fabriquait des cidres de cru, c'est à dire avec une pomme ou deux pommes comme décrit par Gouberville, ce qui leur donnait une saveur particulière voire sucrée selon la nature du fruit comme le fut le cidre d'Epicé ou Picey qui ravit François 1er, habité à boire l'hypocras, vin sucré  épicé à la mode à la cour, ou le Claret comme le souligne Eric Birlouez  dans ses publications. [Birlouez, 2015]. Mais ce ne fut pas le cas du cidre du pays de Caux qui n'est pas par nature sucré, fruit d'un mélange de bon nombre de variétés d'amer, d'acide et de douce sans compter qu'on y ajoutait parfois des poires à cidre. Le pays de Caux a produit peu de Poiré mais le" pé de cô", le "croixmare" et d'autres ont été incorporées au cidre à moins de 10% du volume.

Eric Birlouez souligne  que dans les régions comme la Bretagne et plusgénéralement  sur les côtes de l'Atlantique et de la Manche,  les producteurs de Galice et du Pays basque  se mettent à diffuser vers la France de nouvelles variétés de pommes et des méthodes de culture plus productives qui viendra detroner la cervoise  [Birlouez, 2015]

C’est donc au début du 16e siècle qu’il fallut attendre que le cidre du pays de Caux  entre en littérature et dans divers récits et témoignages. Les citations qui suivent explicitent l'importance du cidre de la fin du 15e siècle au début du 17e siècle. Ces citations  rapportées le seront chronologiquement pour insister sur l'impact qu'auront les auteurs scientifiques ou littéraires sur la société dont les ouvrages vont apparaître ainsi  au fil du temps, dont certains sur lesquels nous nous attarderons. 

1534 : Rabelais

« Le géant s'était levé de sa chaise pour se dégourdir les jambes au bord de la Seine. Une vieille portait un fagot trop lourd pour elle. Gargantua lui a pris son fardeau et l'a déposé devant sa maison. Pour le remercier, la vieille lui a offert un fût de cidre nouveau. Gargantua l'a bu aussitôt sans attendre que le cidre soit 'fait'. En retournant chez lui, pris par le cidre vert, il a fait 'du clair’ » [Rabelais, 1534-1535]

1579 : Isabelle Chenu et Martin du Bellay, princesse et prince d'Yvetot, amis et protecteurs de Rabelais

« Le 12 février 1579, Isabeau Chenu obtint que les princes d’Yvetot prissent et perçussent dorénavant et à toujours les droits du quatrième sur le vin et les autres boissons – le cidre- vendues et débittées dans la principauté. »[…]

Après maintes péripéties, un peu plus tard le Roi ordonnait, quant à l’avenir, que la Dame d’Yvetot jouirait de son droit de percevoir la quatrième, de la même manière que le Roi et ses fermiers adjudicataires en jouissaient au pays de Normandie.  Confirmation des droits des seigneurs d’Yvetot, reconnus encore par Henri 111 en 1584. » [Beaucousin, 1884]

1583 :  Estienne & Liebault

Distinction entre pépinière [Traversat, 2001] et bâtardière [Estienne & Liebault, 1583]

«La pépinière est le lieu où après avoir semé et repiqué de tout jeunes plants… on laisse se développer la nouvelle plante pendant 18 à 20 mois. La batardière, elle, est destinée à recevoir les plants qui y sont greffés, ces plants étant plus serrés qu’ils ne le seront quand ils seront mis en espalier.»[Traversat, 2001]

1589 : Le Paulmier

C’est ainsi que Le Paulmier distingue les cidres normands selon la description nuancée de leurs terroirs dont celui du pays de Caux avec « son goust de terroir » : 

« Les cidres du pays d'Auge sont épais et très nourrissants ; ceux du Cotentin, ambrés et plus légers, se digèrent plus facilement. […] Le terroir fait autant pour la force et la qualité des cidres que pour les vins. « Le Costentin est le meilleur pour les excellens. Le pays d'Auge les fait puissans & vertueux, mais pour la pluspart espais, grossiers & mal clarifiez. Le pays de Caux leur donne un goust de terroir, pour le moins en quelques lieux où il y a de la marne. » [Le Paulmier, 1589]

« Cidres du Cotentin. — « Les meilleurs sidres de la Normandie se trouvent en Costentin, & en premier lieu à Beuzeville sur le Vé.

Cidres du pays d'Avranches. — Ils se purifient fort bien

Cidres du Bessin. — Julien Le Paulmier les met au rang des meilleurs.

Cidres du pays de Vire. — Ils se purifient fort bien.

Cidres des environs de Caen). — Les espèces de pommiers cultivées dans le bailliage de Caen étaient les mêmes que celles du Bessin.

Cidres du pays d'Auge. — Les cidres du pays d'Auge, & autres, obscurs & mal defequez, se deschargent tellement lors qu'ils commencent à surir, qu'en fin ils ressemblent de couleur au sidre de pommes sures, comme fait aussi tout sidre qui devient acide ». « Le pays d'Auge les fait puissans & vertueux, mais pour la plupart espais, grossiers, & mal clarifiez ». « Les sidres du pays d'Auge... sont plus recherchez pour la marine que les doux & délicats du Costentin : non seulement par ce qu'ils se gardent sur l'eau deux ou trois ans sans se corrompre, mais aussi par ce qu'en nourrissant les Matelots, ils les rafraîchissent & preservent des fieures & autres maladies chaudes, que l'usage des chairs & poissons saliez, & du biscuit leur attirerait s'ils voient du vin, ou d'eau puante, telle qu'est souvent celle qu'ils gardent longuement en leurs vaisseaux…

Cidres du pays de Caux. — « Le pays de Caux leur donne un goust de terroir, pour le moins en quelques lieux où il y a de la marne » [Le Paulmier, 1589]

 

 

Avant que le goût se définisse au fil des siècles comme les auteurs l’ont évoqué par leurs citations, la question de sa culture a occupé les auteurs, les arboriculteurs, les pépiniers avant même que les horticulteurs, les botanistes et les pomologues s’emparent de la science de la culture, de l’amélioration des arbres fruitiers. Un des premiers témoignages de cette émulation scientifique réside dans cette première distinction.

En Normandie les premiers auteurs qu’il faut mentionner sont Gouberville cité par Travers [1895] et le cauchois Le Gendre, l’artiste de l’art de la taille. Ils ont jeté les bases des techniques d’arboricultures dont Olivier de Serres traitera dans son traité d’Agriculture ;  des techniques du Curé d’Hénouville en Pays de Caux célèbre pour le développement de la taille des fruitiers avant que d’autres cauchois viennent perpétuer deux cent ans plus tard  leurs travaux pour sauver ce patrimoine arboricole et cidrier en dépérissement et en déclin : Principalement Prévost de Boisguillaume ; Du Breuil de Rouen ; Hauchecorne, Legrand, Dieppois, Varin d’Yvetot, Godard de Boisguillaume, Lacaille de Frichemesnil en Seine-Inférieure, et, Power du Roumois suivis de Lecoeur, Warcollier en d’autres départements …]

L’ennemi des fruitiers et de leur entretien fut le plus souvent les périodes de conflits armés, les maladies et le dépérissement dû à son vieillissement  : entre 50 à 60 ans pour les pommiers et 200 pour les poiriers -  durée qui n'est pas équivalent à la durée moyenne de la vériété qui se réplique par le greffe  200 ans pour les pommiers et de 300 ans à 400 ans pour les poiriers.

C’est  pourquoi  en Europe des variétés ont menacé de disparaître à partir de la fin du 18e siècle  poussant leq arboriculteurs et horticulteurs à se mobiliser à régéréner les meilleures variétés menacer d'"extension (Sageret, Prevost, Van Mons, Knight et Du Breuil) .  Pour le cidre ce furent les pépiniers et semeurs cauchois qui en seront les principaux maîtres d’œuvre.

Reprenant la liste des principaux  artistes arboriculteurs et horticulteurs que cite Chevalier [1921] c’est Brossard (1540] Le Paulmier-Cahaignes (1590), Gouberville (1549-1552] qui forgeront les premiers principes des pépiniéristes qu’Olivier de Serres (1623) continuera de perfectionner puis grâce au curé d’Hénouville l’abbé Le Gendre, sur le plateau de Caux, la -technique de la taille des fruits et de la greffe atteindra pour longtemps la renommée sans oublier Jean de la Quintynie et Duhamel de Monceau au 18e siècle. 

Les connaissances au 16e siècle

1560 - Frère Dany - Brossard Davy - 1560-1571(Edition] :

un des premiers traités de l'art de semer et de faire pépinières de sauvageaux 

L'Art & manière de semer, et faire pepinieres de sauvageaux, enter de toutes sortes d'arbres, & faire vergiers . Ensemble un petit traicté contenaut plusieurs inventions nouvelles. Le tout rédigé... par Frère Dany, ... Brossard, Davy. rédigé en 1540, édité en  1571.

Aucuns arbres sans être entés amènent bon fruit & aucunes soit meilleur à faire cidre que les entes

  « Il est à noter que si les pépiniers sont semées de marc de poires & pommes  franches que aucuns pépins se trouvent qui amènent arbres lesquelles sont droites & ont beau bois comme si elles étaient entées & sans avoir piquerons, lesquelles si les voulez planter ainsi à la saillie de la bâtardière sans jamais les enter amèneront bons fruits non pas proprement semblables aux fruits des arbres dont sont sortis les pépins mais d’autres sortes nouvelles compétemment bons à manger, & aussi bons à faire cidre que ceux qui feront des arbres entées. »

La forme du fruit « Car si vous en replantez des pepins le fruit s’en chargera encore, car le fruit qui vient d’enter par greffe retient toujours la forme du fruit des arbres où on les prises.»

Changement de fruit « Mais les fruits qui viennent de pépins & changent autant de fois comme on les change »

Comme on doit faire du bon cidre « Et est ici à noter que faire bons cidres de quelques fruits qu’ils soient principalement de pommiers soient, franches ou sauvages que vous voulez garder en muraille, il les faut mettre en lieu sec & couvrir par amoncellement sur de la paille, et quand vous en voudrez faire le cidre, élisez celles qui sont noires pourries et les jeter. Et pour vous donner à connaitre, ne faites pas comme aucuns du pays du Mans, qui mettent leurs pommes joncher les jardins à la pluie et gelée & sur la terre nue là où elles perdent leur force, & demeurent toutes fades & eneuses & à grand peine en peut en jamais faire cidre qui guère vaille. »

Transcription moderne du titre : Quatre traités utiles et délectables de l'agriculture. Mentions ms. signée de Joseph Decaisne :" Brossard (Davy ou David) religieux au Mans, était d'une famille qui existe encore dans le Maine. Il s'occupait beaucoup de pépinières ; il vivait dans le XVIe siècle. Plusieurs bibliographes ont défiguré son nom...[bibliotheque-numerique.hortalia.org]

 

1589 - Julien Le Paulmier  Traité du vin et du sidre / par Julien de Paulmier ; [trad. par Jacques de Cahaignes] Le Paulmier, Julien (1520-1588).

Extraits :

« Quand on parcourt le De Pomaceo et le chapitre que le traducteur y a ajouté sur « les plus excellentes pommes à faire sidre », on est frappé du nombre de gentilshommes qui, résidant alors sur leurs terres et les cultivant eux-mêmes, recherchaient avec soin les meilleures variétés de pommiers. […] M.de Lestre, aux environs de Valognes, gentilhomme originaire de Biscaye, qui a importé du nord de l’Espagne plusieurs espèces de pommes, entre autres la fameuse Greffe de Monsieur ; M. de la Haulle, à Picauville en Cotentin, dont le cidre de Barbarie de Biscaye est des meilleurs ; Le sieur de Méautis, près de Carentan, qui possède cinq espèces : l'Escarlate, l'Ameret, le Couët, le Cul-noué, le Becquet, donnant des cidres très capiteux qu'on ne peut boire sans eau ; le sieur du Mesnil, auprès de Pontaudemer, dont le  cidre de Renouvelet est aussi très vaporeux; le sieur de Montaigu-les-Bois, aux environs de Coutances, dont l'excellent cidre de « Doux-au-vesque » se garde deux ans ; le sieur du Saussay, en Cotentin, chez lequel se fait d'une petite pomme verte un cidre « aussi rouge que le vin clairet françois » ; le sieur de Soquence, ce parent de Julien Le Paulmier, qui habitait près de Sainte-Barbe-en-Auge, et possédait un très grand nombre d'excellentes espèces de fruits à cidre ; le sieur de Tourville, près de Pont-Audemer, qui faisait cas de la Peau-de-Vieille et aussi de la Camière, dont le cidre se pouvait garder trois ans; le sieur de Vatteville-en-Auge, qui avait plusieurs bonnes espèces, entre autres le Sauger blanc, pommier ne portant que de deux en deux ans, etc. Tous ces propriétaires échangeaient entre eux les greffes de leurs arbres et plusieurs les vendaient même […]

« On sait le rôle que, pendant tout le moyen âge, les grands établissements
religieux jouèrent dans le développement de l'agriculture ; plus d'un monastère possédait de véritables champs d'expériences. Ainsi Cahaignes parle des excellents cidres de l'abbaye de Longues, tirés-du Marin-Onfroy, du Doux de Lande ou Blanchet, du Doux-Dagorie, du Hérouet, du Gros-Doux et de la Franche-Mariette. Il aurait pu parler aussi des vergers des abbayes de Cerisy, d'Aunay, de Cordillon, de Saint-Étienne de Caen, de Saint-Wandrille, de Fécamp, d'Ardennes et de Montebourg (celle-ci envoyait ses meilleures greffes à Longues), ainsi que du prieuré de Saint-Vigor.

Au chapitre 1 « Les habitants de Paris, de Brie, & de la haute Normandie, qui est confine tant à l'isle de France qu'à la Picardie, & au pays Chartrain, appellent sidre, tout breuvage fait de jus de pommes ou de poires, séparément ou en confus. Mais en Costentin, & au reste de la basse Normandie, on nomme proprement Sidre, celuy qui est fait du suc de pommes : Quelques-uns i'appellent aussi Pommé, les Biscains Pommade. Car celuy qui est fait de jus de poires, est par eux peculierement nommé Poiré. C'est donc Sidre, ou Pommé, ou Pommade, une espèce de brouage visitée & familière aux Normans, & Biscains : laquelle dégoutte de soymesme, ou est
tirée à la presse, de pommes bien pilees par les meules du pressoir ».

Au chapitre 2 « « Il est vray-semblable que l'invention du sidre soit fort ancienne, veut que de temps immémorial l'usage en est en Biscaye, & en ceste province de Normandie.
Mais il est autant impossible de dire qui en ait esté premier inventeur, qu'il est difficile de composer le différend qui est entre les Normans & Biscains, pour la première possession, que l'une & l'autre partie se prétend attribuer ».

Les Basques faisaient leur cidre ou pommade avec peu de soin, se contentant parfois de mettre dans un tonneau plein d'eau des pommes concassées.
« Il pourrait néanmoins sembler que le sidre n'estoit anciennement si commun en Normandie qu'il est de présent : d'autant qu'il ne se trouve monastère ou chasteau, une maison antique, où il n'y ait vestiges manifestes & apparentes ruines des brasseries de Bière, qu'on y souloit faire pour la provision ordinaire. Et n'y a pas cinquante ans qu'à Rouen, & en tout le pays
de Caux, la bière estoit le boire commun du peuple, comme est de présent le sidre […] »

Travers et Joret au 19e siècle ajouteront  des mentions par ces précisions :

« « L’une des greffes porte le nom de greffe de Monsieur de Lestre ou de greffe de Monsieur. Ces greffes, dit Cahaignes, on été naguères apportées de Biscaye. Monsieur de Lestre, à deux lieues de Valognes, a esté le premier qui les a entées, à ce que j’ay entendu au pays. Il enrichit le pays de deux nouvelles espèces mentionnées plus tard dans les nomenclatures de Gilles de Gouberville : le Barbarie et le Pycey ou, pour parler plus exactement l’Epicé. C’est le cidre d’Epicé qui ravit François 1er lorsqu’il en goûta, pour la première fois, au moment de son passage en Normandie. Le feu grand roi François passant par-là, l’an mil cinq cens trente-deux, en fit porter en barraux à sa suite dont il usa tant qu’il put durer. « Et ce fut le Navarrais Guillaume Dursus, naturalisé par Louis XII, qui eut l’honneur de présider à cette évolution bienfaisante. »». [De Paulmier, 1589, Cahaignes, Travers, 1895]

« Le bon renom de tous ces cidres tenait  à la nature du sol et aussi à la prédominance de certaines espèces qui s’y étaient perpétuées : « M. Siméon Luce, après avoir constaté que la plupart  des localités renommées pour la qualité de leurs cidres étaient situées sur la lisière des forêts : «  le pommier, cet arbuste généreux, se plait dans le voisinage des forêts, d’où il est originaire : c’est là qu’il rapporte le plus de fruits et que ses fruits ont le plus de saveur » [ Luce - Charles de Beaurepaire, ] ». « Si du choix des pommes on passe à la plantation des entes et au pressurage des fruits, il est impossible de ne pas être frappé de la similitude absolue des procédés usités au 16 siècle avec ceux qui sont encore suivis aujourd’hui. » « Gouberville soigne d’une façon particulière la plantation de ses pommiers ; il garnit largement le pied de ses arbres de fumier ; il étend de grands lits de fougères vertes dans ses pépinières, et il se fût bien gardé de laisser ses pommes réunies en tas et exposées sans abri à la pluie et au soleil. Après la cueillette, il les rentrait, il les faisait monter sur le plancher du pressoir, d’où elles n’étaient descendues qu’au moment de la pilaison. »» [De Paulmier,1589, Cahaignes, Gouberville - Travers, 1895] (Voir Brossard)

« Gouberville a été certainement un des propagateurs les plus zélés de la culture du pommier dans notre région, ce qu’il a semé de pépins, ce qu’il a greffé de surets est incalculable. Il greffait les pommes de Haye, de Tostonnet, de Couet, de Thoumine-Rouge, de Gentil, d’Epicé, de Dumont, de Gros-Doulx, de Feuillart, de Becquet, de Moysi, de Menuel, d’Amer-Doulx, de Jumelle, de Coustour, de Clerel, de Guillot(Roger, de Doux-Raillé, de Bec-de-Raillé, de Durepel, de Barbarye ou Barbariau, d’Ozenne, d’Orange, de Marin-Onfroy [Joret, Le Paulmier,1589, De Cahaignes, Travers, 1895]

 

 

En guise d'introduction du 17e siècle je vous propose quelques extraits d'auteurs  qui ont relaté l'activité du cidre et des arbres fruitiers  en pays de Caux.

Francis Yard  nous livre ceci : 

"Sous  Henri IV et Louis XIII, le cidre continue, de proche en proche, à gagner du terrain. Pami les autorités  nombreuses qui vantent le cidfre, il n'en est pas de plus imposante que celle du chancelier François Bacon, l'un des plus grands esprits de l'Angleterre. Au cours de ses observations le chancelier avait été appelé à remarquer les propriétés hygiéniques du cidre ; il faisait le plus grand cas de cette boisson, et à lappui de son opinion, il cite l'exemple de huit vieillards qu'il avait connus personnellement et dont les uns étaient parvenus à l'âge de cent ans et les autres à cent ans et plus. Ces vieillards, dit-il, n'avaient bu toute leur vie que du cidre, et ils avaient conservé à leur âge, une si grande vigueur qu'ils dansoient et sautoient aussi bine que des jeunes gens. N'est-il pas que c'est admirable ! .." [Yard, 1942 et 2009] 

en commençant par le poète Saint-Amant  chantant le cidre de sa Normandie

1627 : le poète rouennais Saint-Amant

« Qu'il est frais,qu'il est délectable!

Pour moy, je tiens pour véritable,

Lorsque j'en trinque une santé,

Que le seul cidre est l'or potable,

Que l'alchymie a tant vanté.

[Saint-Amant, 1627 ; Yard, 1942-2009]]

 

1631 :

LE PAYS DE CAUX. « Le breuvage des Cauchois est le sidre et en quelques lieux la bière. » [Du Moulin, 1631]

1677 :  au pays de Caux : extraits des tableaux et souvenirs du 17e siècle du voyage en Normandie  d'Antoine Morel, fils du prévot et maire de Bar-le-Duc en compagnie de ses deux cousins germains visite Rouen, Le Havre, Fécamp, le chateau d'Angerville-Bailleul...

« Et dans le verger ou il y a quantité de pommiers ce sont les vignes de ce pays la d’où il retire ou d’ailleurs le meilleur cidre que nous ayons bu dans tout le voyage mes cousins et Mr Aubert […] mais je trouvay celuy la le meilleur on nous donna des perdrix des pigeons des poulardes de Normandie autrement gelinottes un jambon de bayonne du dessert du bon vin bon cidre et vin d’espagne bonne mine, de toutes parts de la part du père de la femme du fils, nous jouasmes apres souper nous fusmes coucher.» [Morel, 1677]

1688 : à Yvetot

« Le vendredi 20 août 1688, un incendie se déclara vers les huit heures du matin. Il ne restait plus d’Yvetot que les débris enflammés et des ruines fumantes -sauf l’église te le château – dont les 5 halles, le presbytère, tous les édifices publics et plus de 200 maisons et d’un nombre considérable de bâtiments. Il  est noté qu’il y avait une cour plantée de pommiers et dans laquelle se trouvaient aussi quelques arbres de haute futaie et au nord d’une avenue bordée de plusieurs rangées d’arbres se trouvait au niveau de la rue Chouquette, la basse-cour du château, laquelle renfermait un pressoir, des granges, des écuries, des étables… » [Beaucousin, 1884]

Le 17e siècle, le cidre au pays de Caux et de Bray : 

Louis Duval est l’un des seuls qui témoignent de la période du 17e siècle et de la progression du cidre en Normandie, sans oublier le pays de Caux et ses voisins.

« La production du cidre avait fait de tels progrès sous Louis XIII, qu'en 1631, Gabriel du Moulin, curé de Maneval, dans son « Discours de la Normandie », placé en tête de son Histoire  générale de Normandie Il y a si grande quantité de pommiers qu'un homme y fait quelques fois deux ou trois cens tonneaux de sidres, si agréables au goust qu'ils reparent aisément le défaut du vin, et transportez par les rivières de Dives et de Touques au Havre de Grâce, à Honfleur et à Rouen, apportent un très grand profit. »

Le propos de Gabriel du Moulin est d’autant plus intéressant dans ce contexte qu’il émet une appréciation sur le cidre du pays de Caux ce qui peut nous rappeler les avis déjà émis par de Paulmier.

« Extrait de la description curieuse qu'il fait de ces différents pays, considérés au point de vue pomologique

LE BESSIN.  « Le sidre y est excellent, principalement les Doux-Auvesque et l’Améléon, que les plus délicats le préfèrent à beaucoup de vins. »

LE COTENTIN. « Les cidres y abondent et sont fort excellens, principalement l'Esacarlatin, qui ressemble en couleur au vin paillé et l'égalle presque en bonté. »

LE LIEUVIN.  « On y sème des pépins qui sont de grand profit. Tout ce pays est une plaine où les pommiers abondent, vers Pont-Audemer et Lieurrey, qui font un sidre deferqué [dépouillé de lie], de couleur d'ambre et transparent et qu'on pourroit, les six premiers mois, préférer à beaucoup de vins françois.

LE PAYS D'OUCHE. « Le peuple y travaille au labeur et aux toiles leur breuvage plus ordinaire est du poiré, qui semble beaucoup meilleur que celuy des autres cantons, car le poirier aime naturellement le pays pierreux, bas et humide. Il est bien vray qu'on y trouve aussi de fort bons sidres, mais on les vend bien cher à ceux d'Evreux et de la campagne du Neubourg.

Suivant ce même auteur, les pays de Caux, de Bray, le Vexin et le Roumois semblent moins bien partagés

LE PAYS DE CAUX. « Le breuvage des Cauchois est le sidre et en quelques lieux la bière.

LE BRAY. « Les sidres y deviennent aigres l'esté. »

LE VEXIN. « C'est un bon pays, qui a des terres labourables à souhait, des vins et des sidres et des poires assez. »

LE ROUMOIS. « On y sème des pépins dont on eslève des bastardiers qu'on transporte en France et ailleurs. Les manoirs de ce canton sont pleins de fruitiers, mais d'autant que la plupart de leurs pommes sont sûres, les sidres y tiennent un peu de l'aigret. »

Les renseignements fournis par le curé de Maneval attestent que la culture des pommiers était en pleine prospérité sous Louis XIII, en Normandie, et que la distinction et la classification des crus y était nettement établie

Cette extension donnée à la culture des arbres fruitiers avait été favorisée par une ordonnance de Louis XIII qui avait établi des impôts nouveaux sur les vins :

« Beaucoup de vignerons, découragés, s'étaient alors déterminés à arracher leurs vignobles pour essayer de les remplacer par des plants de pommiers. »

Ce rapport du curé de Maneval s’avère être une des clefs de compréhension de la transmission des "bastardiers" du Roumois aux pépiniers du pays de Caux qui deux siècles plus tard contribuèrent à sauver et saugarder ces variétés du roumois après la Guerre de Cent Ans. 

La note de Jean Jacquart vient appuyer ces constatations anciennes rapportées par le curé de Maneval :

« Dans tout l'Ouest de la France, les vestiges des vignobles médiévaux achèvent de disparaître : en Normandie, en Picardie, au Sud-Ouest de Paris, les ceps, d'ailleurs fragiles et peu nombreux, s'effacent devant les pommiers, et le cidre remplace le vin ou la piquette sur les tables villageoises.» [Jacquart, 1990]

 

 

Les connaissances et les techniques au 17e siècle par Michel Traversat

L'apport de la thèse de Michel Traversat s'est avéré essentiel dans la compréhension du rôle qu'ont tenus les pépiniers  vis à vis de  la qualité des pommes, des variétés des pommes à cidre et à deux fins et de la transmission des savoirs pour les repliquer puis plus tard de les régénérer.

C'est Michel Bonmartel qui m'a fait connaître en 2019 cet auteur,  du fait qu'il a pu assister à la conférence donnée par Michel Traversat à Yvetot à l'invitation des membres du CEPC. Cette conférence portait sur les pépiniers de la Seine-Inférieure au 19e siècle en focalisant notamment sur un des maîtres pépiniers yvetotais: Pierre Michel Legrand. Michel Traversat avait une résidence secondaire à Envronville près d'Yvetot, canton de Fauville. C'est avec l'accord des fils de Michel Traversat qu'il est précieux de vous en témoigner.

Après avoir transmis les savoirs et les expériences de ces deux  premiers théoriciens  sans oublier Gouberville, Michel Traversat nous renseigne précisément sur les auteurs principaux ayant étudié et décrit les arbres, les arbustes et divers végétaux depuis le 17e siècle.

Parmi eux, dit-il  il y a  les praticiens, Mollet ; Le Gentil ; La Quintinie ; Thouin ;  les théoriciens :  Estienne ; Liebault ; les théoriciens praticiens : Olivier de Serres ; La Baraudière ; Le Gendre (le Curé d'Hénouville) ;  Duhamel de Monceau ; Calonne ; Le Berryais ; Bosc.

Ils diront pour décrire la pépinière : 

L'abbé Le Gendre  indique : « Mes amis me sollicitent[...]  de communiquer ce que j'ay pu apprendre sur la culture des arbres fruitiers, par une expérience de près de cinquante ans ( de 1600 à 1652). »

L'abbé Le Gendre ajoute : « Le principal soin que doivent prendre ceux qui veulent avoir de beaux plants & en quantité est de faire chez eux des pépinières pour y éléver des arbres  dont ils puissent planter leurs jardins. Par ce moyen, on trouve les avantages suivants : on est certain de leur origine. Les arbres reprennent plus vite et ne subissent pas les aléas du transport. Ils sont replantés dans la même terre. »[Traversat, 2001 ; Le Gendre, 1652]

Si le botaniste Chevalier (1921) et si l'historien Traversat nous vantent les mérites de l'abbé Le Gendre au plan national et normand, il n'en reste pas moins qu'il fit ses prouesses en partie en pays de Caux à Hénouville et il cotoyait  le Curé de Sainte-Marie des Champs comme nous le racontent  Mathis et Hilaire.

«L’abbé Antoine Legendre (1590-1665) fut pourtant bien une personnalité notoire de Normandie, dans la région de Rouen. Né au Vaudreuil, près de Louviers, dans le diocèse d’Évreux, Legendre fut effectivement curé d’Hénouville, dans l’ancien doyenné de Saint-Georges, de 1622 à 1659.  *  Malgré des racines normandes avérées, l’élément le plus marquant de sa biographie reste les honneurs précoces qu’il reçut à la cour du roi. Il avait à peine vingt ans lorsqu’il fut désigné aumônier du roi et contrôleur des jardins fruitiers de sa Majesté. Pour l’expliquer, certaines théories lui attribueraient, sans preuves, l’ascendance d’un des nombreux bâtards du roi Henri IV, qui resta longuement en terres normandes en 1590 lors de la décisive bataille d’Ivry *. Quoi qu’il en soit, il reste certain que Legendre fut très tôt distingué par la monarchie pour ses compétences horticoles. Ainsi qu’il l’indique lui-même, ses fonctions de contrôleur des jardins royaux prolongent des prédispositions naturelles qui lui ouvrirent les portes des plus belles réalisations horticoles de son temps, lui permettant d’en observer de près l’évolution des pratiques : Je me souviens que dans ma jeunesse ma curiosité me portoit à aller voir tous les jardins qui estoient en réputation. Je frequentois tous ceux qui se piquoient d’avoir de beaux fruits, et qui vouloient passer pour habiles gens en cette matière. Pour des raisons obscures, Antoine Legendre doit s’éloigner de Paris et de la cour vers 1622. Il choisit logiquement de retourner en Normandie et de prendre possession de la cure d’Hénouville. C’est dans cette localité qu’il développa ses travaux et expériences horticoles, obtenant de créer des jardins dans l’enclos du presbytère dépendant de la grande abbaye voisine : Saint-Georges de Boscherville. En 1630, l’abbé commendataire Louis de Bassompierre (1610-1676) concède ainsi à Legendre un droit de colombier, à sa charge de le bâtir dans l’enclos presbytéral. Il faut savoir que les colombiers constituent une source d’engrais indispensable pour le travail du jardin, dont l’utilisation est d’ailleurs recommandée à plusieurs reprises dans La Manière de cultiver les arbres fruitiers. Pour Legendre, ce jardin du presbytère d’Hénouville devint l’œuvre de sa vie, un chef d’œuvre d’horticulture qui acquit dans la région, et jusqu’en région parisienne, une grande renommée. La famille Corneille, ainsi que de nombreux hôtes de marques, venaient le visiter. Antoine Corneille, le frère du grand poète et dramaturge, rédigea même en 1642 un poème dédié aux attraits champêtres du Presbytère d’Hénouville *  : Voir à loisir ce lieu champêtre ; Les jours y coulent sans ennuis : Tâche, si tu peux de connaître Tant d’herbes, de fleurs et de fruits * . À y regarder de plus près, l’arrière-plan culturel qui nourrit ces poèmes correspond très précisément à celui relevé dans La Manière de cultiver les arbres fruitiers : un même culte naturaliste, une même omniprésence des références de l’Antiquité gréco-romaine au détriment des champs référentiels strictement judéo-chrétiens. Dans les deux cas, l’histoire sainte est complètement ignorée : « Il est certain que la politesse de l’esprit, la connoissance des belles choses, et l’estude de la philosophie ne sont pas plustost entrées chez les Perses et chez les Grecs qu’elles ont esté suivies de l’agriculture, comme de leur plus fidelle et plus innocente compagne*. » – de tels propos paraissent inconcevables pour Arnauld d’Andilly et les Solitaires de Port-Royal qui, tout au contraire, fondaient tous leurs efforts à vivre et incarner les modèles de l’histoire sainte jusque dans les moindres instants de leurs activités champêtres : pratiques agricole et horticole prenant dès lors un sens spirituel profond dans leur vécu quotidien. Quant à l’« expérience de près de cinquante ans28 » dont il est fait mention dans la préface – et qui est parfois requise pour contester l’attribution à Legendre – elle ne disqualifie en réalité aucun des deux hommes, respectivement nés en 1589 et 1590, et ne constitue donc pas un argument en soi. En revanche, la publication à plusieurs reprises de l’œuvre à Rouen et surtout la dédicace à un président du parlement de Normandie, Jean-Louis Faucon de Ris, cadrent parfaitement avec les éléments connus de la biographie de Legendre. D’ailleurs, toutes les éditions du livre sans exception, y compris celles qui datent d’après la mort d’Arnauld D’Andilly et de Legendre, y compris les traductions étrangères*, donnent Legendre comme auteur.» [Mathis et Hilaire, 2014]

 

Voici LA MANIERE DE CULTIVER LES ARBRES FRUITIERS par le  Sieur LE GENDRE, Curé d'Hénouville. OU IL EST TRAITE des Pépinières. Des Espalliers. Des Contr'espalliers. Des Arbres en buisson, & à haute tige, 1652


« pour bien planter, élever & greffer les pépinières, puisqu'elles sont selon l’ordre de la nature, l’origine & le principe de tous les fruitiers […] préparer & amender la terre pour y faire de grands plants & des espaliers, comme l'on doit ordonner & espacer les arbres, & disposer les différentes sortes de fruits, selon les situations & les expositions différentes des jardins, je donne par âpres la méthode de bien planter, tailler, & palisser les arbres; & enfin je finis par le moyen d'avoir de beaux fruits, puis qu'ils font la fin principale de tous ceux qui plantent; & la perfection de tous les plants. [...] 

Il rappelle quelques faits dans l’histoire de l’humanité dont celle des Perses et des Grecs qui prenaient soin de leurs jardins qui s’est transplanté chez les Romains. La connaissance est venue en France.  L’abbé Le Gendre a eu une inclinaison pour les arbres fruitiers aussi se vante =il d’avoir été un des premiers qui ait recherché avec application la véritable méthode pour faire réussir les arbres en espalier et en buisson. Cette passion lui est venue très tôt en allant visiter les endroits où se trouvaient de beaux fruits. Ayant des méthodes estropiant les arbres, il chercha à un ordre tout contraire partant du naturel de l’arbre en dépit de ceux qui n’étaient de cet avis.

L’intérêt de cet ouvrage se niche dans l’art de la pépinière, de planter et d’entretenir les pépinières ; d’enrichir les sols ; de veiller à l’exposition des fruitiers ; de bien planter et entretenir les arbres ; de les tailler et les palisser et de veiller aux remèdes des maladies des arbres.

L’Abbé Le Gendre insiste sur la nécessité de planter l’arbre dans une bonne terre pour la croissance des racines transplantées d’une terre aussi bonne. Il faut donc choisir un bon plant, le faire épanouir dans une bonne terre et le bien le cultiver. Pour ce faire il recommande de choisir des sauvageons (poirier, pommier) d’une année, venus d’un pépin (mars) sur une planche de terre bien labourée, puis sarclée avant d’être plantée en pépinière l’hiver suivant ou de faire cribler du marc de cidre & de poiré au sortir du pressoir ou de faire venir de Normandie où ils sont élevés en quantité. Il se réfère à la pomme Paradis, au Doucain au cognassier ou préférant le plant du cognassier, arbre nain par essence convenant mieux que le sauvageon s’élevant trop. De couper certaines branches afin que repoussent d’autres avec plus de force. Il défend la thèse des entes sur le franc autant que ceux greffés sur le cognassier (cognier, cognassier qui a sa préférence et de sa bouture plutôt que venu du pépin et en les couchant leurs branches pendant l’hiver). Ses principes se déclinent sur d’autres fruitiers comme les pêchers, les abricotiers, les amandiers, les pruniers, les cerisiers…

Il préconise pour ces plants un bon fonds – terre douce et fraîche, grasse surtout pour la pépinière de poiriers et de pommiers francs.

Il convient d’attendre de l’amender à l’apparition de la troisième feuille mais pas avant ; la terre devant être propre ni trop labourée, ni trop légère mais meuble pour y mettre autour des racines en plantant – en novembre ou décembre ou février selon l’humidité du terrain - Il faut avant bien irriguer le morceau de terre, y ouvrir des rigoles. Il préconise que les greffes sont posées le dos vers le midi. Les racines doivent être coupées de moitié…

Puis il faut veiller et prendre soin de bien le cultiver :  Becher pas trop près, couvrir de fougères sans étouffer le sauvageon, la repousser plus tard du pied au milieu des rangées…de veiller de mettre à l’abri de la gelée l’hiver et de ne point découvrir les racines. Ensuite au printemps il recommande de couper les fougères et les mêler à la terre car ce mélange est fumier. Et de renouveler les opérations chaque année jusqu’à deux ans après qu’elles auront été greffées. Si ces principes ne sont pas suffisants il encourage le jardinier un bon fumier gras.

Ainsi dit-il les « pépinières de sauvageons étant ainsi plantées & bien cultivées, seront assez forte pour être greffées dans leur trois ans ou quatrième année. [...] 

Pour les autres espèces (noyers, châtaigniers, chênes, pins, sapins, tilleuls, ormes)  il préconise de mettre en planche leurs graines au mois de mars.

Pour l’art de greffer il recommande la greffe en fente la préférant à celle faite en écusson. Greffer en février ou mars en nouvelle Lune. Il faudra couper le pied du sauvageon que l’on veut enter à six pouces de terre et le tailler en pied de biche jusqu’à la moitié de la tige et achever l’autre moitié toute plate afin d’y pouvoir mieux poser la greffe ; tourner le dos de la greffe au midi comme déjà dit.

Il y a une autre manière de greffer est l’emporte-pièce d’autant que l’on fend que très peu la tige & l’on entaille dans le bois la place pour mettre le greffe- adaptée sur les gros arbres. Existe également la greffe en fluteau (châtaignier). Pour bien gouverner celles qui sont entées en fente destinées pour les arbres à haute tige comme pour les poiriers et pommiers francs, ,il faut d’ébourgeonner la greffe aussitôt qu’elle commence à pousser pour qu’il ne demeure qu’un seul bourgeon pour s’élever en une seule tige.

L’Abbe Le Gendre de procéder par rangée pour chaque type de fruitiers, qu’il est vain de greffer une espèce sur une autre toute différente comme un poirier ne peut réussir sur le pommier et réciproquement.

Il faudra penser à penser aux différentes sortes de terre et d’arbres, des différents moyens d’amender, des fumiers qui leur sont propres et comment s’en servir ainsi de savoir comment disposer les différentes espèces de fruits selon les différentes expositions.

La question de l’exposition semble intéressante à examiner d’autant que son terrai d’expérimentation à Hénouville se trouvait en façade ouest dans l’influence maritime de l’estuaire de la Seine, du bas du coteau jusqu’ mi pente sous la partie forestière. Et exposé nord-sud sur la longueur parcellaire. Son exposition était la suivante : La meilleure exposition pour les espaliers est celle qui a le Soleil depuis huit à dix heures du matin jusques au soir.

Il poursuit en rapportant que : « Les murailles qui ont le Soleil depuis neuf à dix heures du matin jusques au soir, sont les meilleures pour y planter des poiriers de Bon chrétien, de Bergamotte et de toutes espèces qui sont pleines d’eau dautant que ces fruits ont besoin d'une plus grande chaleur pour bien meurir & avoir bon goût.

Le choix de l’exposition aux vents semble déterminant pour lui car il faudra dit-il considérer : « l’exposition des vents pour tâcher de les mettre à l’abri, car les grands vents nuisent beaucoup aux plants. C’est pour cela que les arbres résistent mieux dans les vallons, pourvu qu’ils ne soient point trop humides, que sur les montagnes et sur les situations relevées et découvertes, où ils sont trop battus des vents ; outre que la terre est toujours meilleure dans les vallons, à cause de la graisse et la bonne humeur de tous le païs descend avec les pluies. » Concernant la gelée et la floraison il rappelle ceci : «  comme les poiriers et les pommiers poussent leurs fleurs plus tard, et qu’ils résistent mieux à la gelée [...] 

Enfin sans insister sur ce chapitre qui fera la notoriété de son œuvre il traitera sur l’art de tailler et de palisse les arbres.

Ensuite il fournit d’autres recommandations au verger il précise la manière d’avoir de beaux fruits.

Cultiver des fruits c’est selon lui de contribuer à conserver la vigueur des arbres et à la grosseur de ses fruits qui demandent attention et nourriture : éliminer les branches faibles, de veiller au nombre de fruits sur la branche et d’en affaiblir la vigueur, de surveiller une bonne tenue des feuilles couvert idéal du fruit par grande chaleur ; de cueillir les fruits au bon moment comme les poires beurrées, le beurré commun, la Bergamotte, le Bon-Chrétien d’été ; cueillir ces fruits par un beau temps ; les mettre dans le meilleur état de conservation sur des planches à l’abri, fenêtres ouvertes durant un mois pour les suer, avant de les faire sécher et de les mettre dans des armoires à la fruiterie à l’abri de la gelée… [...]  Enfin le jardinier insiste sur la maladie des arbres qui peuvent nuire à l’arbre.

Il informe que c’est par leurs racines que le mal survient, du défaut du plant, dy défaut de la terre. L’indicateur se voit dans l’état de la feuille qui jaunit. Il est possible de les sauver en amendant la terre, en labourant au pied et bien d’autres procédés. Les causes peuvent être aussi le chancre, les chenilles[...]

Sans vouloir être exhaustif   mais davantage éclairant, souligner les travaux de Thouin me parait pertinent  aussi Michel Traversat a étudié attentivement ses travaux. et nous en reparlerons pour aborder l'état des lieux au 19e siècle.

Pour revenir au 17e siècle   et aux théoriciens Michel Traversat  et Auguste Chevalier ont focalisé  également sur Estienne et Jean Liebault.

Je vous rapporte la lecture que Michel Traversat  en a fait.

« deux médecins, auteurs d'un ouvrage publié en 1583, ayant pour titre " la maison Rustique"[Estienne et Liebault, 1613]  ménagent un chapitre spécial aux ppépinières où ils traitent en quatre pages de la reproduction des arbres. Ils font la distinction entre pépinière et batardière. La pépinière est le lieu où après avoir semé et repiqué de tout jeunes plants, des marcottes et des drageons, on laisse se développper la nouvelle plante pendant dix-huit à vingt mois ; la batardière, elle, est destinée à recvoir les plants qui y sont greffés, ces plants étant plus serrés qu'ils ne le seront quand ils seront mis en espalier.»

Concernant les théoriciens-praticiens, c'est bien à Olivier de Serres qu'il faut rendre hommage, ce grand auteur des sciences agricoles qui distinguera, pour ce qui nous intéresse, la pépinière de la batardière : la pépinière est l'endroit où l'on sème les graines ; la batardière l'endroit du repiquage.

Michel Traversat nous livre trois extraits significatifs marquant la qualité des conseils fournis par le sieur du Pardel qui serviront de guide trois siècle durant : 

«La pépinière : elle est inventée pour commencer à l'origine des arbres du verger, lorsque le plant enraciné manque [...]  Nous élèverons par semences les arbres qu'on ne peut obtenir par un auytre moyen avanatgeusement, et par branches, ceux dont leur facilité à reprendre par racines nous invitent de ne pas nous servir d'une autre manière [...] le temps de mettre les pépins en terre est le même des semences de froment [...] Le lieu de la pépinière sera reparti en planches et carreaux si longs qu'on voudra, et seulement large de 4 à 5 pieds (1,3 m à 1,65 m.), afin que par cet étrecissement, on puisse atteindre avec la main, des côtés jusqu'au milieu de la planche[...] On semera les pépins assez rarement et uniment, ensuite on les courvrira de deux doigts de terre qu'on y criblera par dessus [...] Quand les rejetons seront levés de terre, on les sarclera soigneusement, pour, gaiement et sans obstacle, les faire croître, sans souffrir qu'aucune herbe n'y croisse en même temps qu'eux [...] Ils seront bêchés pour faire allonger leurs racines, mais ce sera en y allant retenu de peur d'offenser les racines, en creusant trop dans ce commencement. Ce traitement les avancera tellement que dans  la mâme année, ils deviendront propres à être transpaortés dans la batardière. »

«La Bâtardière : au mois de février, en jour choisi beau et serein, ni pluvieux, ni venteux cependant [...] on arrachera les arbrisseaux de la pépinière, le plus doucement qu'on pourra, afin que leurs racines en sortent entières, s'il est possible ; et après avoir retranché tout ce qu'on trouvera d'offensé et rompu par mégarde, et rogné la pointe des plus longues racines, les arbrisseaux seront mis dans terre, sans nullement séjourner, de peur de l'évent. Ce sera dans les rayons ou petits fossés, tirés en ligne droite, larges de deux pieds ( 65 cm ), profonds seulement d'un, qu'on les plantera, au fond desquels on jettera premièrement, un demi pied de la meilleure terre du lieu, prise à la superficie, pour asseoir sur elle les racines des arbres, et les recouvrir aussi [...] On écartera ces racines, pour qu'elles ne s'entretouchent ni ne s'entrecroisent l'une dans l'autre, afin qu'elles prennent d'autant mieuix terre, qu'elles se trouveront plus à leur aise ; ensuite le reste du rayon sera rempli et réuni à la bâtardière [...] il faudra avec la serpe bien tranchante, couper l'arbre, en poussant en bas, non en tirant en haut [...] on posera les abrisseaux à égale distance l'i=une de l'autre [...] Voilà votre bâtardière remplie ; il n'est plus question maintenant que de la cultiver soigneusement [...] Trois fois l'année au moins il fai$udra la bêcher, pour tenir le fonds en guéret, et débarassé de toute herbe, à l'avantage des bonnes plantes. Il faut être très retenu à labourer, surtout la première année, c'est à dire, ne pas beaucoup creuser en terre, en la labourant, de peur d'offenser les racinbes des arbrisseaux ; y pénétrer un peu plus avant la seconde année ; en continuant ainsi avec modération, jusqu'à ce qu'étant fortifiées, et ayant pris terre, aucun labourage, ne  leur soit épargné. L'arrosement est aussi nécessaire à l'avnacement de ces arbres [...]. » [De Serres, 1600 ; Traversat, 2001]

en 1689, Boyceau de la Baraudière dans son traité du jardinage qui enseigne les ouvrages qu'il faut faire pour avoir un jardin dans sa perfection écrira :

«Les pépins seront semés au commencement du printemps, en la lune vieille, en beau temps, & par lignes ou rayons. Ils pousseront plutôt, si avant d'êytre semé, ils ont été mouillés et tenus ensemn$ble un pouce ou deux d'épaisseur, jusqu'à ce qu'ils commencent à germer, s'chauffant l'un lautre ; et quand ils le seront tout-à-fait, il les faut sercler avec soin, afin d'empêcher les autres herbesz de leur ôter leur nourriture, oub de les suffoquer. Après qu'ils ont un an ou deux, il faut les transplanter, les disposant en ordre, & leur donnant de l'espace pour croître et grossir ; & quand ils seront plus avancés en âge, s'ils montent haut, il sera bon de les couper à un pied de terre, pour les faire renforcer, & grossir : ils s'accommoderont  mieux à cela; & ,$ne le trouveront pas si étrange que si vous veniez à les couper si bas pour les enter, comme nous dirons qu'il en est de besoin. Si vous avez du lieu pour les mettre où ils doivent demeurer, il vaudra mieux les transpalnter sauvages que de les hazarder & rendre malades après avoir été entez. » [ La Baraudière, 1689 ; Traversat, 2001]

en conclusion provisoire de ce chapitre sur les pépinières au 17e siècle, Thouin indique dans son instruction l'intérêt des semis sur lequel nous reviendrons pour la évoquer la cause nationale et internationale du 19e siècle : le sauvetage d'un tiers des variétés de pommes à cidre.

A. Thouin indique  en 1821 : 

« Les semis étant le seul moyen de créer, ou de régénérer certaines plantes, et d'en faire naître des variétés souvent meilleures que les races dont elles proviennent, sont de la plus grande importance pour la culture, des vergers, des forêts et même pour la naturalisation des individus, des races, des variétés et des espèces. »

[Thouin, 1821 ; Traversat, 2001]

C'est encore Thouin  qui en 1821 transmettra son recours possible au moment où la crise au verger se produira.

Reproduction par Sauvageons : 

« Les sauvageons sont des jeunes pieds d'arbres et d'arbustes indigènes venus naturellement  de semences et qui poussent dans les bois, les haies et les champs d'où on les arrache. Ce mode de reproduction estv un de ceux les plus employés lorsqu'on a un gros besoin de plants à mettre en palce très rapidement. C'est pour épondre à ce besoin que fréquemment le roi a fait appel par "Bons du Roi" aux gouverneurs des forêts domaniales, pour qu'on lui fournisse les plants nécessaires aux plantations de bosquets dans les parcs royaux. »[Thouin, 1821 ; Traversat, 2001]

A. Thouin préconise l'emplo des auvageons en pépinière nous rapporte Michel Traversat.

Après ce  court traité de méthodes anciennes pour se procurer du plant il ne faut négliger les moyens dont les  arbres vont être façonnés pour le  bon fruit, ou pour leur donner une  belle silhouette. La greffe  de l'arbre va répondre à ces deux objectifs.

Si la technique du greffage est une opération bien connue, depuis l'antiquité, nous ne l'évoquerons pas à ce moment du récit préférant introduire à la suite des techniques de sémence la question de la reproduction par sauvageons qui sera cruciale au 19e siècle. [Traversat, 2001]

 

Le 18e siècle : c'est véritablement la fin des pratiques médiévales et l’avènement du siècle des « Lumières agricoles » se propagent au Pays de Caux.

Pour introduire les grandes avancées de ce siècle qui renforcera à l’aube de la Révolution française l’avantage du cidre en Normandie.  Faut-il rappeller ici que ce fut la faillite des productions de céréales et le manque de pain qui  conduiront les « citoyens » à déclencher cette révolution.

Les citations qui suivent donnent un aperçu de ce que fut l’écho donné à ce cidre au 18e siècle avant de revenir aux avancées de la Science, de l'Agriculture, de l'horticulture, de l'avènement des premières Sociétés Centrales  d'Agriculture  que Louis XV et Trudaine  ont initié. 

1707 : au pays de Caux, dictionnaire de Thomas Coreneille

« On voit non seulement dans les vergers, & dans les cours des particuliers, mais aussi dans les chemins & à travers des campagnes, grand nombre d’Arbres à fruit, Pommiers, Poiriers, dont on fait du Cidre & du Poiré, qui servent de boisson à ceux du Pays, parce qu’étant un peu froid, il n’est point propre à la Vigne » [Corneille Thomas, 1708]

1726-1739 : au pays de Caux, dictionnaire de La Martinière

«On voit non seulement les vergers, & dans les cours des particuliers, mais aussi dans les chemins& à travers des campagnes, grand nombre d'Arbres à fruit, Pommiers, Poiriers, dont on fait du cidre & et du Poiré, qui servent de boisson à ceux du Pays, parce qu'étant un peu froid, il nest pas moins propre à la Vigne.» [La Martinière, 1726-1739]

1775 : le grand voyageur botaniste et naturaliste Bernardin de Saint-Pierre

Gérard Pouchain dans l’introduction de sa transcription de Voyage de Normandie de Henri Bernardin-de-Saint-Pierre souligne la personnalité de l’auteur attaché à sa terre natale : le pays de Caux :

« Dans sa Normandie natale, il s’intéresse constamment à tout ce qui concerne la vie, les productions et les métiers de la terre […] fabrication du Livarot et du cidre, richesse des labours du pays de Caux, […] rendements améliorés grâce à l’amendement avec de la marne, etc.  Il se fait notamment préciser la durée de conservation des pommes acides, le prix des pommes et des pommiers, du pain […] Bernardin de Saint Pierre est l’un des premiers voyageurs qui nous permet de découvrir une partie de la Normandie, essentiellement rurale, à la fin du 18e siècle […] comme le feront plus tard Janin, Hugo, Gautier ou Flaubert. » [Pouchain, 2015]

« d’Ouville à Yvetot trois [lieues]. De là à Caudebec deux [lieues] Un ouvrier me dit […] on trouve argile, sable au-dessus. Il gagnait dix sous avec cidre et dix sous avec la nourriture. A une lieue de Caudebec, terrain devient montueux et plus plaisant » [De Saint Pierre, 1775]

1787 : le voyageur agronome Arthur Young

« Le 14. Je m'avance vers Barentin à travers abondance de pommes et de poires, et un pays meilleur que la manière dont il est cultivé j'arrive à Yvetot qui est plus riche mais plus mal administré.

Le 15. Même pays jusqu’à Bolbec ; leurs enclos me font souvenir de l'Irlande les clôtures sont de larges parapets fort hauts, bien plantés de baies de charmes et de hêtres. » [Young Arthur, 1787-1789]

1788 : le Marquis de Guerchy, autre voyageur

« Les autres bâtiments sont à peu près les mêmes que les nôtres ; les bergeries font beaucoup mieux, aérées, ayant deux rangs de fenêtres ; le pressoir à cidre fait un bâtiment important, & le grenier à pomme est au-dessus. Les terres sont trop bonnes dans le pays de Caux, pour y faire des quinconces de pommiers : on n'en met qu'en avenues ou dans les clos. » [Marquis de Guerchy, 1788]

1788 : à Yvetot

A Yvetot : « Leprevost et Dubuc, après un succès judiciaire à l’encontre du prince d’Albon, firent « sauter joyeusement les bouchons des bouteilles de gros cidre, quelques-uns disent de vin de Champagne, dans un festin auquel avaient été conviés la majeure partie des bourgeois d’Yvetot. » [Beaucousin, 1884]

Le 18e siècle perpétua ces arts de la taille et de la greffe qui pour cette pratique attiendra des limites pour le renouvellement des fruitiers, des variétés d’élite. 

« Il faut savoir gré aux intendants du 18e siècle, à une époque où les causes qui influent sur la végétation étaient à peine connues des savants [Duhamel  de Monceau], des circulaires qu'ils rédigèrent pour engager les cultivateurs à prendre des mesures pour préserver les arbres, des insectes qui attaquent les bourgeons, les fleurs et les fruits. » [Duval, 1896] précieux conseils qui malheureusement n’arrêtera pas le fléau qui frappera les pommiers de l’ouest de la France au début du siècle suivant mais peut-être avait-on privilégié la réplique des pommiers par la greffe et moins pas les semis.

Si Louis Duval, rappelle que dès le 16e siècle le cidre normand avait acquis droit de cité à Paris, information divulguée par docteur Julien de Paulmier, médecin de Chartes IX et de Henri III qui plaçait cette boisson au-dessus du vin au point de vue hygiénique, pour autant il fallut attendre les progrès fait en pays de Caux pour que le cidre du pays de Caux fut servi sur la table royale de Louis XV le faisant venir de Montigny près de Rouen. Montigny se trouve sur les hauteurs du plateau de Caux même si cette commune voisine de la Vaupalière ses trouve en clairière proche de la limite nord de la forêt de Roumare.

Dans le registre que Julien Félix consulte à propos de sa recherche, la chance lui sourit car un document se détache et constitue un témoignage très intéressant :

 

« Un demy muy de cidre du cru de Montigny (près de Canteleu), du plus excellent que faire se pourra. « M. Allis m'obligera d'y aller promener quelque jour, et d'en faire choix luy-même et de le faire ammener par un homme de confiance.

« Quand il sera entre ses mains, il le fera mettre en double futaille, et le chargera par un batteau addressé au Pecq au Sr Venard p. f. de M. Judde, controlleur de la maison du Roy ; Et quand j'aurai avis du départ du batteau, je donnerai mes ordres audit sieur Venard. « Ledit Venard, aussitost qu'il l'aura receu en feraexpédition, par un voiturier de toute seureté, à M. Thomas, control. de la maison du Roy, rüe des Bourdonnois, au Parc aux Cerfs, à Versailles. »[Félix, 1883]

Le cidre acquiert des lettres de noblesse à la cour sous Louis XV. - Montigny, près de Rouen

« Primitivement, c'est-à-dire au XVe et XVIe siècles, le cidre fut un boire de luxe. On n'en goûtait que le dimanche et encore à petites doses. Il se payait fort cher.

La boisson à la mode supplanta les dernières pipes de verjus et vint le moment où le pichet de cidre trôna sur toutes les tables familiales. Les plantations de pommiers, dont l'étendue allait crescendo.

Mais le pichet de cidre ne s'en tint pas au logis du manant. Il se hissa jusque sur la table royale. François Ier usait de cette liqueur pétillante et la chronique dit que Louis XV en faisait venir de Montigny près Canteleu, spécifiant que le cidre, pris naturellement au bon tonneau devait lui être amené « par un voiturier de toute sureté, après l'avoir mis préalablement en double futaille. »

Le cidre normand avait conquis des lettres de Noblesse.

Si on veut se rendre compte du phénomène au pays de Caux, l’Atlas de Trudaine - 1745-1780 – témoigne de la place qu’avait le verger, les pommeraies et les pépinières au milieu du 18e siècle.

 

L’art des pépiniers prend ses lettres de noblesse au 18e siècle au Pays de Caux et au Pays de Bray comme il l’avait été deux siècles plutôt dans le Roumois.

Le 18e siècle connut une seconde vague de rapprochement agraire entre la Couronne d’Angleterre et le royaume de France, la première vague fut au temps de la Couronne Anglo-normande. Le pays de Caux fut un laboratoire d’introduction de cultures nouvelles sur des terres réputées très fertiles. L’idée d’une agriculture « nouvelle » ou autrement à « l’anglaise » ou encore « alternative » pouvait convenir par ses échanges au gentlemen farmer cauchois – Gentilhommes et propriétaires améliorateurs [Bourde, 1958] » :

« Ainsi le pays de Caux apparaît très tôt comme une région exemplaire. Dans un ouvrage intitulé Le Consolateur (1763), le baron de Saint-Supplix consacre plusieurs pages à cette région. Il vante l'ingéniosité et la richesse des gros fermiers cauchois. Fait intéressant, il attribue leur sérieux et leur persévérance au fait qu'il y a beaucoup de protestants parmi eux, ce qui les fait ressembler à de véritables fermiers anglais. D'autres auteurs vantent les assolements complexes du Caux où entrent le lin et le chanvre, plantes précieuses à l'époque du renouveau maritime et textile. Le colza aussi, lentement introduit depuis la Flandre proche, graine dont l'huile s'utilise pour brûler ou pour fabriquer le savon noir qui dégraisse les toisons que traite celte importante région de filatures et de métiers. » [Bourde, 1958]

 Il se fixera notamment en pays de Caux la rotation des cultures dans la ferme cauchoise et une connaissance nouvelle de diverses marnes pour les utiliser en agriculture. Sur le plan des productions spéciales la pépinière pourra introduire des variétés nouvelles pour les planter dans des parcs et jardins : « Ainsi le marquis de Chambray se consacre à la pomologie et publie en 1765 un Art de faire le cidre à la manière de Normandie, encore réédité à la fin du 19e siècle » [Bourde]

Ces avancées entre 1750 et 1789, même si elles étaient encore limitées à l’aube de la Révolution française, font que la Normandie et le pays de Caux avaient admis la rotation des cultures, l’usage des herbes artificielles et l’art de faire du cidre : une véritable révolution agricole. [Bourde, 1958]

Ce siècle des Lumières agricoles fut celui de Louis XV grand amateur et administrateur d’agriculture conseillé par Trudaine-Daniel-Charles et son fils Jean-Charles qui lui succéda et Duhamel de Monceau, physicien, botaniste et agronome français, le père de l’agriculture française.

Voici comment le pays de Caux était décrit par le réputé Marquis de Guerchy lors d’un de ses récents voyages en Normandie :

« C'est au Havre que commence le pays de Caux, c'est un canton de plaine de la plus grande richesse, jusqu'à Rouen & Dieppe, les terres ne s'y reposent jamais, & rapportent douze à quinze boisseaux, pour un, de semence […] Les fermes de ce pays sont bâties dans un genre bien différent de celles des environs de Paris. […]

C'est un grand clos en herbe planté irrégulièrement en arbres fruitiers, & entouré de fossés relevés de quatre ou cinq pieds de haut sur dix à douze d'embattement garni, d'une double palissade de deux rangs de hêtres, de chaque côté, que l’on élague, tous les trois ans, pour chauffer le Eermier. Il y a souvent d'autres arbres, mais les hêtres sont le principal ornement de ces clôtures & sont en même-temps très utiles, vu qu'ils garantissent les bâtiments des vents, & ; les bestiaux du froid ; ils fournissent tous les bois nécessaires aux réparations ; ces enclos ont l’avantage que l’on y peut-mettre paître tous, les bestiaux sans gardien, & y faire des meules, que l’on ne risque pas de voir brûler par la main des malfaiteurs. […] le bâtiment servant de manoir au Fermier, qui est ordinairement bâti assez solidement, & proprement couvert en tuiles ; à cent pas plus loin, est le fournil construit de même, & toujours très -éloigné de toutes les granges, étables, &.  D'ailleurs tous les autres bâtiments sont, bâtis en terre, & couverts en paille, très isolés, & situés à cent pas au moins les uns des autres, pour éviter les dangers du feu ; d'écurie est ordinairement la plus près de la maison, de l'autre côté de la porte, mais toujours à une certaine distance.

Les autres bâtiments sont à peu près les mêmes que les nôtres ; les bergeries font beaucoup mieux, aérées, ayant deux rangs de fenêtres ; le pressoir à cidre fait un bâtiment important, & le grenier à pomme est au-dessus. Les terres sont trop bonnes dans le pays de Caux, pour y faire des quinconces de pommiers : on n'en met qu'en avenues ou dans les clos.

II y a soixante ans que l’on cultive tout dans ce pays, depuis le Havre jusqu'à Dieppe, d'un côté, & jusqu'à. Rouen, de l'autre sans admettre de jachères l'exemple a d'abord, été donné pat un seul Fermier donc lès prompts succès ont bientôt attiré beaucoup d'imitateurs. » [De Guerchy, 1788]

De Chambray donne également des conseils sur la tenue d’une pépinière[1], ce terme par ailleurs commence à apparaitre fréquemment dans les ouvrages et bulletins ayant pris ses lettres de noblesse en 1741. Le mot pépinier[2] est apparu comme directement venu du mot pépinière en 1741 définit par Louis XV[3]

« les agronomes français ont produit au 18e siècle des travaux qui ont eu une influence plus sérieuse sur la culture du pommier et sur la production du cidre. En 1765, Louis de Chambray publia l'Art de cultiver tes Pommiers et les Poiriers et de faire les cidres, selon l’usage de la Normandie - Paris, Ganeau, 1765, in-12, de 66 pages. Cet ouvrage fut réimprimé en 1781, en 1783 et un 1803, avec des additions. […] les chapitres consacrés à la pépinière, à la greffe, aux différentes pommes à cidre qu'il divise en trois classes, suivant le temps de leur maturité, sur la façon des cidres, etc., contiennent les conseils les plus judicieux.

Au nombre des ouvrages pomologiques les plus remarquables de cette époque, il faut citer encore le Traité des arbres et arbustes par Duhamel de Monceau (1755), La physique des arbres du même (1758) et son Traité complet des Arbres et fruits, 2 vol.  ornés de près de 200 planches en taille, douée, dessinées et parées d'après nature.

Les plantations de pommiers au 18e siècle, furent particulièrement encouragées par l'arrêt du Conseil d'Etat du 3 mai 1720 dans les départements de la Basse-Normandie.» [Duval, 1896]

On peut ajouter à cette littérature sur le sujet concernant la littérature sur les pépinières du 18e siècle les indications données par Michel Traversat cite l’exemple de celle de Vitry-sur-Seine permettent d’avoir accès à un inventaire exploitable qui permet d’obtenir de nombreux précieux renseignements dont ceux-ci :

« Les arbres fruitiers forment une catégorie d’arbres qui demeure stable durant les quatre premières décennies (du 18e siècle), de 22 à 29 % des arbres pour augmenter jusqu’à 31 à 62%.

Les arbres principaux de cette catégorie sont au nombre de trois :  Le poirier, le pommier, et le prunier, auquel il convient d’ajouter le cognassier dont Calonne en donne la raison :

« Le poirier : Ils sont de deux espèces, le poirier sur franc & le poirier sur cognassier. Le poirier sur franc vient de semence. En Normandie, on sème les pépins provenant du marc de cidre, appelé poiré, qui est le jus des poires. […] »  [De Calonne, 1779]

Le pommier : il figure pour 25% dans les arbres fruitiers présents à Vitry nous rapporte Michel Traversat. De Calonne nous renseigne sur la culture du pommier autrefois :

« On greffe d’abord sur le pommier franc, appelés encore aigrains qui est élevé de pépins du même arbre ou des drageons qui en proviennent. La seconde appelée pommier sur doussin, est greffée, de même que le pommier sur paradis, sur des rejets sauvages qui poussent dans les vergers au pied de ces arbres. Les pommiers francs qu’on fait venir ici l’année d’après leur semence, y sont replantés comme tous les arbres à fruits ; tous sont greffés à l’instar des poiriers au milieu de l’été. Le pommier franc qui se plante dans les grands vergers, ainsi que dans les hauts prés, est le plus tardif à produire du fruit. Le pommier sur paradis en rapporte plutôt que le doussin, mais il dure moins longtemps. » [De Calonne, 1779].

Enfin il convient de présenter ici la fondation de la Société  Centrale d'agriculture de la Seine-Inférieure ?

« En 1761, la Société centrale d'agriculture de Seine-Maritime, après avoir œuvré pendant deux siècles au développement de l'agriculture, a décidé de mettre en valeur un patrimoine unique.
Reconnue d'utilité publique, la Société dont le siège est à la Chambre d'agriculture à Bois-Guillaume a, en 238 ans, contribué à la réalisation de nombreuses recherches et organisé de nombreux comices, concours beurriers ou pomologiques ! L’une de ses plus belles réalisations fut la création de la Société des courses de Rouen, toujours très active sur l'hippodrome des Bruyères à Rouen.
» [CTHS]
 


[1] Nom : Pépiniériste : Jardinier qui cultive des pépinières. Adjectif : Un jardinier pépiniériste. Le Littré dit ceci : Le mot pépiniériste est mal fait; on aurait dû dire pépinier. 

[2] Un pépinier est celui qui élève dans une pépinière de jeunes pommiers (fruitiers notamment).   

[3]« la nouvelle Pépinière du Roi existoit donc en 1741 mais en 1772 Louis XV voulut lui donner une destination plus spéciale. Comme on sait, ce Monarque avoit beaucoup de goût pour la culture des Arbres : il désiroit, entre autres, multiplier sur le sol de la France le plus grand nombre possible d'Arbres étrangers, persuadé que par quelques-uns d'entre eux on pourroit effectuer le repeuplement des Forêts. Ainsi, il falloit les essayer sur plusieurs points du royaume. Il désigna sa propre Pépinière du Roule pour devenir le centre de toutes celles qu'on devoit établir, et il en donna la direction à l'abbé Nolin, dont il avoit eu occasion de connoître le zèle et l'habileté. » in : Notice historique sur la pépinière du Roi au Roule ; faisant suite à un discours sur l'enseignement de la botanique, prononcé dans cet établissement, le 24 mai 1824. Par le Ch[er] Aubert Aubert Du Petit Thouars, membre de l'Académie royale des Sciences. Du Petit-Thouars, Aubert Aubert (1758-1831), in : 

En cours de finalisation de ce chapitre du 18e siècle avec l'état des lieux des vergers et closages cauchois où ont poussé les pommiers et poiriers pendant ces deux siècles: le 17e siècle et le 18e siècle

Etat des lieux du territoire observé à la loupe de 1764 à 1965 en trois périodes.

On peut le territoire français et ici le pays de Caux, grâce à l'outil de l'Atlas Trudaine, et aux acrtes et vues aériennes d'IGN Remonter le temps.

Que peut-on observer et en déduire?

Force est de constater qu'en zoomant sur un village, un hameau ou sur une masure il est facile de voir l'évolution du paysage, du démantèlement  des masures et cours, des assemblages de cours, masures et closages qui au moins depuis le 15e siècle figurent dans les plans des terriers.

En s'appuyant sur ces outils on s'aperçoit que les masures, cours et leurs assemblages, qui ont constitué la configuration des villages après notamment les défrichements opérés dès le Moyen-Âge, ceux-ci ont plus ou moins disparu  aux alentours des villes comme le Havre, Rouen, Dieppe, Fécamp et les plus petites villes comme Yvetot, Pavilly-Barentin, Bolbec ou les bourgs tels Goderville, Fauville, Luneray, Auffay ... 

En premier nous prendrons l'exemple du village d'Ecalles-Alix,  ancienne paroisse de la principauté d'Yvetot  comprenant au moins à cette époque le hameau de Loumare.

Ce petit village où passait l'ancienne route du Havre à Rouen a assez peu changé en dépit de l'aménagement de quelques  récents lotissements, comparativement à sa voisine Yvetot que nous décrirons par la suite.

C'est en comparant du 18e siècle au 20e siècle, soit sur trois périodes  : 1764 - 1866 et 1966 quil est possible de se rendre compte de l'importance des vergers de pommes et poires  et de l'acivité cidricole au coeur des villages, hameaux, masure et cours.

« Les atlas des routes de France dits atlas de Trudaine constituent une collection unique et homogène de 62 volumes totalisant plus de 3 000 planches manuscrites soigneusement aquarellées.
Concervés au Service des cartes et plans des Archives nationales site de Paris, ils sont cotés : CP/F/14/8443 à 8507. Réalisés entre 1745 et 1780 sur ordre de Charles Daniel Trudaine, administrateur des Ponts et Chaussées, ils comportent les routes faites ou à faire (et leurs abords immédiats) dans les vingt-deux généralités des pays d’élections régies par des intendants.» [Archives Nationales]

« Daniel-Charles. Naissance : 3 janvier 1703 à Paris - Décès : 19 janvier 1769. Fils de Charles Trudaine, prévôt des marchands de Paris, devenu célèbre par sa droiture et son intégrité. Daniel-Charles Trudaine après avoir occupé les charges de maître des requêtes, de conseiller d'État, d'intendant de la généralité de Riom, il fut choisi en 1743 par le contrôleur général Orry pour diriger, en qualité d'intendant des finances, le service des ponts et chaussées. Il est conseiller au Parlement de Paris, puis intendant d'Auvergne de 1730 à 1734. En 1743, il est nommé membre honoraire de l'Académie royale des sciences et, l'année suivante, directeur de l'Assemblée des inspecteurs généraux des ponts et chaussées, fonction qu'il occupe jusqu'à sa mort en 1769. Il démissionne en août 1764 de l'Académie des sciences avec conservation du droit d'assister aux séances et d'y voter. En 1749, il est nommé Directeur du commerce, fonction considérable puisqu'il gouverne l'ensemble des intendants du commerce de France fonction qu'il occupe jusqu'à sa mort. C'est son fils Jean Charles Philibert Trudaine de Montigny qui lui succède à cette fonction de 1769 à 1777. Il fonde l'École nationale des ponts et chaussées en 1747, avec à sa tête Jean-Rodolphe Perronet, ingénieur de la généralité d'Alençon.  Il est aussi membre de la Société d'agriculture de la généralité de Paris, dès avril 1761 car il porte un grand intérêt aux questions agricoles, jouant un grand rôle auprès de Bertin. In : cths, Comité des travaux historiques et scientifiques. Institut rattaché à l’École nationale des chartes,  On doit à Trudaine et Turgot d’avoir su impulser une dynamique dans l’agronomie, c’est eux qui fondent la première société d’Agriculture dans la généralité de Paris en 1761. Puis viendra la 1ere société d’Horticulture de Paris en 1827, Nantes et Lille -1828, Rouen -1836, Le Havre -1853, Yvetot -1863.»[CTHS.fr]

 

A la découverte des vergers du pays de Caux, sur les pas  de Trudaine dont je viens de décrire le parcours et d'Arthur Young à la fin du 18e siècle, un an avant la Révolution française

 

"Arthur Young (1741-1820) est un agriculteur et agronome britannique : auteur de nombreux ouvrages, il eut de son vivant une grande renommée. Visitant la France entre 1787 et 1790, à chaque étape de ses trois voyages, il fournit des renseignements importants sur les techniques agricoles de l'époque mais également sur la situation sociale du pays, sur le déroulement de la Révolution, sur l'état des routes et celui de la population, avec souvent des éléments de comparaison à partir son propre pays . Il est souvent consterné par l'aspect arriéré de nombreuses campagnes françaises ou encore par la distance ou le désintérêt d’une certaine noblesse française vis-à-vis du monde rural ; il passa dans notre région en août 1788 : à Rouen, Le Havre, Harfleur, Barentin – à travers abondance de pommes et de poires et un pays meilleur que la manière dont il est cultivé – Yvetot – qui est plus riche mais plus mal administré – Dieppe ; il jugea fort mal le Pays de Caux, ou du moins avec beaucoup de sévérité : « Le Pays de Caux qui possède un des meilleurs sols du monde avec des manufactures dans chaque chaumière offre une scène continuelle de mauvaises herbes, d’ordures et de misère ; son sol est si mal administré que s’il n’était pas naturellement d’une fertilité inépuisable, il y aurait longtemps qu’il serait entièrement ruiné … » [Duboys Fresney, 2015]

  Yves Duboys Fresney à  ce propos souligne : 

 Le docteur Lepecq de la Cloture de Rouen confirme ces propos : « Cette contrée, le Pays de Caux, ne donne pas autant de production de denrée qu’il y en pourrait croitre avec une meilleure culture… »

"Son « Voyages en France », publié en 1792, eut un retentissement important et stimula les autorités pour un renouveau des méthodes ; ses écrits marqueront les esprits ;la comparaison entre les deux pays, souvent en notre défaveur, aura un effet déclencheur de notre conscience collective ; le 19ème siècle dans son ensemble relèvera le défi avec ses avancées technologiques et puis une volonté de réorganisation." [Duboys Fresney, 2015]

 

Nous commencerons de Barentin 

Barentin est sur l'axe de la D6015, anciennement RN15 ayant remplacée la Voie Royale, dessinée par Trudaine.

La précision de l'Atlas Trudaine est époustouflante comparée à la Carte d'Etat Major du siècle suivant. 

Le paysage  de la campagne qu'a traversé Arthur Young  découvre les  hameaux  vus du plateau de Caux. 

 

1787 : le voyageur agronome Arthur Young

« Le 14. Je m'avance vers Barentin à travers abondance de pommes et de poires, et un pays meilleur que la manière dont il est cultivé j'arrive à Yvetot qui est plus riche mais plus mal administré.

La carte d'Eta Major du mitan du 19e siècle  montre l'absence d'arbres le long des routes et chemins.

 

Aujourd'hui  la campagne a laissé place à l'expansion urbaine  et commerciale de Barentin, y compris sur le plateau de Caux

Ecales-Alix

Environnement d'un village

 

Le Village d'Ecalles-Alix est situé près d'Yvetot, à 1 km à gauche de l'axe de la D6015, anciennement RN15 ayant remplacée la Voie Royale, dessinée par Trudaine.

La précision de l'Atlas Trudaine est époustouflante comparée à la Carte d'Etat Major du siècle suivant. La Vue aérienne d'IGN est d'une précision à l'égal de l'Atlas Trudaine qui n'a malheureusement pas couvert tout le territoire du Royaume de France sinon à proximité du tracé des voies royales au 18e siècle.

 

En 1764

Extrait de l' Atlas Trudaine Ecalles-Alix

En 1832

entre 1764 et 1832, on observe un peu plus de vergers

Extrait de la Carte Etat Major 1832 - IGN Remonter le temps

En 1961

Entre 1832 et 1961, on constate une sensible évolution et le déplacement de certains vergers  suite à un remembrement. Certains vergers se clairsement légèrement

Extrait de la  vue aérienne  n°  1109 - 01/08/1961 - IGN Remonter le temps

En 2012

Entre 1961 et 2012, on constate une nette évolution et la supression de cours et masures suite à un changement du PLU. Des talus plantés ont été démantelés. La plupart des vergers ont disparus au profit de constructions de maisons neuves et de lotissement : une artificialisation en marche.

Ce n'est quasiment plus le même paysage. 

Extrait de la  vue aérienne  n°1557 - 24/07/2012 - IGN Remonter le temps

 

Trois visages d'Ecalles-Alix  ces dernières années

On constate sur cette première vue (ci-dessus) qu'il reste quelques talus plantés

et quasiment plus de vergers

 

Yvetot et Sainte-Marie-des-Champs

Environnement du  hameau Mont-Asselin

 

Le Hameau du Mont-Asselin se situe sur la commune de Sainte-Marie-des-Champs et sur la commune riveraine d'Yvetot.

Flanqué sur le coteau du Val au Cène  remontant jusqu'à Sainte-Marie-des-Champs  il surplombe le vallon et au 15e siècle, entre le manoir et les bois de garenne  se trouvait le verger (closage). alentour se trouvait des corps de ferme et des cours et masures dont une possède encore un très beau colombier, rue du Mont-Asselin.

La précision de l'Atlas Trudaine magnifie l'endroit où étaient cultivés des pommier et  poiriers.

En revanche, depuis les années 70, si le hameau a peu changé, vers la D 6015 et la Rocade, l'artificilisation a  grignoté les terres agricoles remplacées par un centre commercial et des lotissements. Les quatre plans de situation le démontre magistralement. Là encore nous restons à proximité de l'ancienne voie royale dessinée par Trudaine.

 

En 1764

Extrait de l' Atlas Trudaine Ecalles-Alix

En 1832

entre 1764 et 1832, on observe à droite l'ancien emplacement du verger du manoir qui a disparu

Extrait de la Carte Etat Major 1832 - IGN Remonter le temps

En 1978

Entre 1832 et 1961, on constate une très nette évolution et la disparition  supplémentaire de certains vergers.  D'autres ont été remplacés par des lotissements à Sainte-Marie-des-Champs.

Extrait de la  vue aérienne 1978 - IGN Remonter le temps

 

 

En 2012

Entre 1978 et 2012, 

Ce n'est quasiment plus le même paysage : une masure a disparue  pour laisser place à la rocade sud, et les masures et cours ont perdu leurs pommiers à deux exceptions près. C'est là que l'on voit l'impact de l'artificicialisation  en pays de Caux en milieu péri-urbain.

 

 

Au lointoin un des deux vergers restants et un talus planté, côté Yvetot.

A droite, un des talus plantés côté masure du Mont-Asselin.

Ce chemin est celui de l'ancienne route de Rouen qui rejoint La Marche, puis Ecalles-Alix vers Rouen.

Ci-dessus l'entrée du Manoir du Mont-Asselin et une ancienne cour plantée et une autre perspective vue de la rocade.

 

Yvetot

Environnement d'une ville, capitale du pays de Caux

 

Yvetot, capitale du pays de Caux fut fondée aux alentours de 1021 et connu une prospérité dûe aux faits d'arme de son Sire qui parti à Hastings aux côtés de Guilleume le Conquérant et  du fait que ses successeurs  partirent aux Croisades jusqu'à l'époque de Saint-Louis. Sur ces faits les sires d'Yvetot gagnèrent leur Royaume.  Martin-du-Bellay, historien de François 1er organisa la transition du Royaume en Principauté au 15e siècle.

Il fit avec Isabeau de Chenu une principauté digne de leurs rangs avec un château, un parc, un mail de 900 mètres, plusieurs mares et un bois : tous les attributs d'un paysage d'un château et d'un parc de la Renaissance.

La précision de l'Atlas Trudaine magnifie l'endroit où étaient également plantés les pommiers, poiriers, les vergers, les pépinières  et le château que l'on retrouve en 1702 sur un très beau document iconographique. 

 

En 1702

Le château sur une motte entourée d'eau, l'église et le verger de fruitiers

 

En 1764

Yvetot, la ville verger

 

Sur ces deux plans de la ville, on discerne le centre historique d'Yvetot  dont l'actuelle  rue de la Gare, le borde au Nord ; l'actuelle rue de la Briquetterie et Mare Bridel, à l'Est ; l'actuelle rue Niatel , au sud ; et enfin l'actuelle rue des Chouquettes , à l'Ouest.

Yvetot était réputé être un centre renommé de la pomme (cidrerie, distillerie... et entrepôts de boisson dont les taxes étaient perçues au temps du paradis fiscal de la principauté), du cidre et des boissons.

Les vergers sont très visibles et nombreux comme vous pouvez le constater.

En 1832

 

En 1955

 

Entre 1955 et 2014, le visage de la ville d'Yvetot a énormément changé : d'un champ de ruine où beaucoup de petits vergers ont été rasés, la ville reconstruire et devint très minérale.

Seuls les mini vergers de la rue des Chouquettes, de la rue du Calvaire, de la rue Bellanger et de la rue Niatel ont survécus avant d'êtré mangé par l'urbanisme, rue Niatel.

 

En 2014

Il subsiste encore des jardins de cour, à l'arrière des maisons, le plus souvent à l'abri des regardsoù j'ai pu repéré quelques fruitiers en espaliers contre les murs.

 

 

Valliquerville 

Environnement d'un château

Valliquerville est voisine d'Yvetot, capitale du pays de Caux. Ce village possède un château adossé au bourg.  

La précision de l'Atlas Trudaine magnifie l'endroit où étaient également plantés les pommiers, poiriers, les vergers, les pépinières, un des seuls documents qui  figure ses anciens vergers du 18e. 

En 1764

 

Extrait de l' Atlas Trudaine, section Valliquerville

En 1832

Entre 1764 et 1832, on observe à gauche l'ancien emplacement du verger du château  et ceux des cours et masures du village se situant à droite.

Le futur tracé de la voie royale est devenu RN 15 puis D 6015.

En 1832

Entre 1764 et 1832, on observe à gauche la disparition des vergers du château alors que ceux du village sont encore préservés avec leurs des cours et masures. 

L'observation de ce village montre assez bien comment  le fléau de la maladie des fruitiers a impacté le pays de Caux  car vis à vis de 1764, les pommiers du château ont disparus et d'autres n'apparaissent plus en 1832 au coeur du village ce qui montre bien l'impact qu' a eu la maladie des fruitiers au début de ce siècle, la première décrite par le pépinier Prévost de Rouen-Boisguillaume.

En 1955

Entre 1832 et 1947, on observe à gauche le retour des vergers qui a du s'opérer au regain de l'activité cidrière  en milieu rural  après l'étape de la régénération des pommiers à cidre opérée par les nombreux pépiniers yvetotais, ce qui s'observe également  dans le village où s'est créé de nouveaux vergers entre 1875 et 1947, peu avant la prime à l'abattage des pommiers, après-guerre.

Les cours et des  masures sont encore quasiment intacts. 

En 2014

Entre 1947 et 2014, on observe à gauche à nouveau la disparition des vergers qui a du s'opérer après le remembrement  et la prime à l'abattage des fruitierds après-guerre.

Les cours et des  masures s'étiolent et ont laissé place à l'implantation de lotissements et de maisons modernes comme le figurent certains villages du pays de Caux dont certaines se sont cronstruitent à l'ombre des cours et masures.

 

Allouville-Bellefosse

Environnement d'un manoir

Le Fayel - Manoir

 

D'après les informations que l'on trouve sur internet, Allouville est attestée sous les formes Terram Turstini de Adelolvilla vers 1050 (Fauroux p. 366) ; Adeloldvilla en 1050 ; Allovilla en 1071 (Lot 99, 86, 127) ; Ecc. Sancti Quintini de Allouvilla entre 1130 et 1164 ; Ecc. de Alouville entre 1185 et 1207 ; Decimam de Alodivilla au XIIe siècle ; Par. Sancti Quintini de Aalouvilla en 1262 (Archives départementales de la Seine-Maritime, 16 H., cart. 309, v., 198, 200, 317) ; P. Cabot, unum quarterium apud Aelouvillam vers 1210 (H. Fr. XXIII, 645) ; Halovilla vers 1240, Alonvilla, Aalonvilla en 1266 (H. Fr. xxiii, 283) ; Alouvilla en 1337 ; Alouville en 1431 (Longnon 25, 84) ; Allouville en 1393 (Archives nationales P. 284, 90) ; Allouville en 1393 (Arch. nat. P. 284, 2. 142) et en 1484 (Arch. nat. P. 284.2.224) ; A Allouville en 1495 (Deville, Tancarville, 368) ; Saint Quentin d'Allouville en 1713 (Arch. S.-M. G 737) ; Alouville en 1715 (Frémont) ; Allouville en 1738 (Pouillé), en 1788 (Dict.) et en 1953 (Nom.).
Bellefosse qui est citée vers 1210 sous la forme latinisée de Bellam Fossam, est une ancienne paroisse de la commune.
Bellefosse est attestée sous les formes Ecclesia cum decima de Pulchra fovea en 1192 (Arch. S.-M. 54 H, Bulle de Célestin III) ; Terciam partem feodi unius apud Bellam Fossam vers 1210 (H. Fr. XXIII, 642) ; Bella Fossa vers 1240 (H. Fr. XXIII, 284) ; Bellafossa en 1337 ; Bellefosse en 1431 (Longnon, 26, 84) ; Bellefosse en 1319 (Archives S.-M. G 3267) ; Bella Fossa en 1342 (Arch. S.-M. 18 H) ; Bellefosse et Raffetot en 1398 (Arch. Nat. P. 303, 73) ; Ecc. parr. de Bellafovea en 1519 (Arch. S.-M. 54 H) ; Bellefosse en 1715 (Frémont) ; Belle Fosse1757 (Cassini) ; Bellefosse en 1953 (Nom., I.G.N.).
Elle est la première commune de Seine-Maritime dans l'ordre alphabétique et sa fusion avec Bellefosse s'est opérée en 1823 
La commune d'Allouville-Bellefosse est connue pour son chêne millénaire, pour le célèbre Pierre Belain d'Esnambuc, natif de la commune en 1585, qui prit possession de la Martinique en 1635 au nom du roi Louis XII. Le village d'Allouville possède un musée de la nature créé par Jean-Pierre-Jacques, fondateur du Centre d'hébergement et d’Études sur la Nature et l’Environnement (Chene).

La Confrérie du Gland est connue pour avoir contribuée au dynanisme de la cité après avoir été fondée après le tournage du film  "le chêne d'Allouville" dont quelques figures restent  connues comme Jean-Pierre-Jacques et de feu Roger Devaux.

C'est au contact de Jean-Pierre Jacques à Yvetot que j'ai eu la passion de la nature en général, derrière les talus plantés du quartier du Fay où il avait son atelier de taxidermiste et son  labo photo argentique avant qu'il déménage à Allouville-Bellefosse : je lui rend hommage ici.

Le Manoir d'Ismenil  reste aussi un des joyaux d'Allouville-Bellfosse du domaine privé. 

D'après le site chateau-fort-manoir-chateau,  Le manoir d’Isménil construit dans la première partie du XVIIIe siècle présente des éléments conçus par la famille d'Yvemesnil entre la fin du XVe siècle et le dédut du XVIe siècle. La façade encorbellée, encadrée par des pignons en brique, possède deux portes jumelées rappelant le style gothique. Les vantaux sont renforcés par des clous dorés en fleurs de lis. Le manoir connaît quelques restaurations au cours du XIXe siècle. Les parties agricoles datent de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. On peut voir également sur le domaine d’Isménil les vestiges d’une chapelle transformée en grange et une orangerie. Cet ensemble appartenait à un manoir détruit durant la Révolution.

Ce que je peux ajouter après avoir visité sa cour, Yvemenil vient de l'étymologie Ivos, Ive, if.

Cette masure contenant un manoir dans l'ensembe nommé Le Fayel dont une avenue plantée le faisist rejoindre au bourg.  Acteuellement le manoir d'Ismenil abrite un if multi séculaire. 

 

1764

Le Fayel est un ensemble comprenant vraisemblablement un chateau (Le Fayel) et l'actuel manoir (Ismenil) qui y figure 

L'ensemble du Fayel était planté de vergers dans les cours et assemblages de cours et masures.

Entre 1764 et 1832, le domaine  relié avec le site de la Turgère s'est desolidarisé  comme la plaine le figure entre les deux corps paysagés et au Fayel, le paysdage est devenu agricole avec ses cours et masures plantés de vergers.

1832

 

1955

Ce qui a changé entre 1832 et 1955 est identique à ce que j'ai pu observé à Valliquerville.

Au Fayel et Isménil : Entre 1832 et 1947, on observe  le retour des vergers  constitués dans de nouveaux closage qui a du s'opérer au regain de l'activité cidrière  en milieu rural  après l'étape de la régénération des pommiers à cidre opérée par les nombreux pépiniers yvetotais. Là encore en 1955 on se situe juste avant la prime à l'abattage des pommiers. 

M. Duboys Fresney  nous raconte qu'en  «1807, il  y avait  presque deux millions de pommiers dans le pays de Caux ; seulement 300 000 en 2003 ; dans les années 1950, un plan de lutte contre l'alcoolisme est mis en place avec une subvention à l'arrachage, une autorisation nécessaire au-dessus de vingt arbres, une suppressions du privilège des bouilleurs de cru. » [Yves Duboys Fresney, Les fermes agricoles d'autrefois en Pays de Caux] 

 

2022

Entre 1955 et 2022, deux changements sont notoires : dans le contour d'Ismenil -Le Fayet 

les vergers ont disparu dans les closages, cependant une nouvelle culture s'est implantée à

droite de cet ensemble. Laquelle?

Depuis peu des cidres sont fabriqués à Allouville-Bellefosse dont un portant le nom des Calètes.

Est-ce donc le retour de nouveaux vergers à Allouville?

Un autre cidre serait fait également à Allouville ! à suivre...

Les Calètes est une gamme de cidre, de jus de pommes et d'apéritif de pomme. Les producteurs sont Luc Pollet et Francois Hariel d'Allouville Bellefosse, Pays de Caux, Normandie.

Quant aux trois autres producteurs installés sur le territoire d' Yvetot-Normandie, je vous en dirai plus très bientôt.

 

 

 

 

 

A ALLOUVILLE- BELLEFOSSE, il reste de belles cours et masures et des pommiers

Ici, route de Lillebonne

La masure du manoir d'Ismenil

Au loin la plaine, la masure

Un talus-fossé, rue verte à Allouville-Bellefosse avec entre le rideau d'arbres (hêtres) 

des pommiers

 

Après avoir emprunté les pas Arthur Young de Barentin vers le Havre, itinéraire qu'il emprunta  juste avant la Révolution française, nous retrouvons l'expertise de cet expert qui avec Tocqueville auront un regard critique sur l'impact au paln de l'Agriculture.

« La Révolution française redistribue les terres ce que constatent Young et Tocqueville qui affirme : « l’effet de la Révolution n’a pas été de diviser le sol, mais de le libérer pour un moment »

La Révolution met à plat les anciennes divisions administratives ainsi la communauté rurale, la paroisse, devient la commune.

C’est aussi l’abolition des droits féodaux. Certes, on abolit immédiatement les droits sur la personne et la dîme mais les paysans ne sont pas les mieux lotis en raison de leurs maigres revenus.

La propriété paysanne est, sous l’Ancien Régime, singulièrement importante. Arthur Young que l’on a vu arpenter le pays de Caux avant la Révolution Française et Tocqueville s’étonnent même qu’elle soit aussi importante, bien plus qu’en Angleterre même. « Vingt ans au moins avant cette révolution, on rencontre des sociétés d'agriculture qui déplorent déjà que le sol se morcelle outre mesure3. » Il y a « une immensité de petites propriétés rurales3 ». Young est frappé par « la grande division du sol parmi les paysans3 ». Il n’y a cependant pas de grandes propriétés paysannes, ou peu. Elles sont pour l’essentiel de tailles très médiocres, et de plus en plus petites avec la division du sol.

La Révolution apporte deux changements, la vente des biens nationaux et la division des biens communaux.

La vente du foncier rural du clergé n’a pas d’autres fins que de résorber le déficit et avantage les riches.

Le problème des communaux, lui, touche plus les paysans. Leur propriété passe à la commune. Leur vente entraîne des conflits intra communaux : les propriétaires aisés veulent inclure les communaux aux terres cultivées ; les paysans plus pauvres veulent les laisser communs, pour y faire paître leurs bêtes. Les constituants, peu au fait de la réalité des campagnes, sont partisans d’une division (décrets de juin 1793).

Ainsi il n’y a pas eu de vraie ouverture de la propriété foncière paysanne. Pour Tocqueville, « l’effet de la Révolution n’a pas été de diviser le sol, mais de le libérer pour un moment »

On constate un décalage entre la Révolution urbaine, parisienne, et la réalité des campagnes. On célèbre l’idéal du paysan-citoyen, qui correspond bien plus à l’image que l’on se fait du paysan, à Paris, que de la réalité.

L’apport de la Révolution à la paysannerie est indubitable : abolition des droits féodaux, ouverture relative de la propriété, etc. Mais le décalage entre le monde paysan et la bourgeoisie révolutionnaire est de plus en plus net, et la Révolution ne met pas fin aux crises de subsistances.

La vente des biens nationaux continue. Il ne s’agit toujours pas d’aider à accéder à la propriété, mais de trouver de nouveaux financements. On favorise donc les clients solvables : la bourgeoisie propriétaire aisée. La spéculation va bon train, mais laisse quand même les plus petites parcelles aux paysans, même si ce sont souvent les paysans les plus aisés.

Le système d’aspirations égalitaires de Babeuf ont échoué tandis qu’on reconstitue les anciennes Sociétés d’agricultures, bourgeoises et savantes.» [Wikipédia]

Globalement, il n’y a pas eu de vrai changement avant l’Empire.

Le début du 19e siècle fut l’avènement de la catastrophe au verger qui deviendra au mitan du siècle une cause nationale dont la solution sera trouvée à Rouen (Prévost, Du Breuil, Boisbunel, Collette…) puis au pays de Caux (Legran P., Godard F., Lacaille H. et F., Dieppois, Varin…) et résiduellement au Roumois (Power)

A la fin du premier Empire, en Normandie le pommier à cidre a connu une extension remarquable que commenta De le Morinière en 1795.

La finesse du cidre de Canteleu, réputée supérieure à celle de Montigny, quelques décennies plus tard, dans les premières années de la Révolution française, ce qui est confirmé par M et Mme Lejard en ces termes « En 1731, un arrêté du roi Louis XV, interdit la plantation de la vigne qui dans maints endroits avait été remplacée par les pommiers à cidre. D'ailleurs la cour de Louis XV  appréciait particulièrement le cidre de Canteleu et de Montigny .»[A&W Lejard ; 1989]

Concernant Canteleu, plus précisément le Clos aux Moines et la ferme de la Béguignière, en 1731, la plantation de la vignoble est interdite au profit des pommiers à cidre. Les fûts aynat transporté le vin de la région parisienne reparteraient remplis de cidre de la région rouenaise très apprécié à la cour. On y ajoutait des fromages. [Lejard, 1989]

Au 13e siècle  un vaste terrain fut défriché dans la forêt par les religieux. Le château et la ferme du Clos aux Moines - de Saint-Antoine

Thoams de Gade, Seigneur de Canteleu, Montigny et Garde du château du Pont de Rouen, accompagna Saint Louis dans ses deux croisades. On croit que le "clos aux Moines" appartenait aux religieux de Saint Ouen !!

Le château et la ferme attenante faisaient partie d'une vaste domaine à la lisière de la forêt de Roumare [...] le pressoir longue étreinte à la ferme sont toujours en place. Le paysage a été transformé. On aperçoit encore un peu le château entre de nouvelles constructions et des arbres centenaires.

La Béguignière

Comme le Clos aux Moines, la ferme de la Beguignière fut construite par des moines après essartage de la forêt de Roumare. Le Rez-de-Chassée de la ferme était du 15e siècle, le premier du 16e siècle. De son vivant, Saint-Louis avait accordé le droit de franche mouture aux Dames Emmurées de Rouen.

En 1430 et jusqu'à la Révolution, ce droit passa à la ferme de la Béguignière alors des Messieurs de Saint-Antoine. Elle fut exploitée jusqu'en 1966 et fit palce au lotissement auquel on a donné son nom. Monsieur et Madame Matura furent les deniers exploitants. [Lejard, 1989]

 

 

Jadis à Dieppedalle à Canteleu au Couvent troglodytique Sainte-Barbe

" A Dieppedalle, les pierres des carrières étaient acheminées jusqu’à Rouen sur des barges. Sur la rive, une grotte naturelle se logeait sous la forêt de Roumare. Les hommes l’ont découverte et l’ont investie. On y installe un couvent franciscain au XVe siècle à la place de la carrière de pierre. Elle devient « la grotte des pénitents « .

Une grande galerie est dédiée au pressage du cidre et à la gabelle. Plus tard, quand l’impôt sur le sel disparaît, la cave sert à déposer les vins de Bordeaux. Mais le couvent souffre des guerres de religion et il est saccagé.  Après la reprise en toute quiétude de la vie monastique, des bâtiments conventuels ont été ajoutés à l’extérieur ainsi qu’un cloître nécessaires à la vie monastique au XVIe siècle." in : www.ville-canteleu.fr

Une des parcelles identifiées sur un des plans de la paroisse de Canteleu avant la Révolution française se nommait  le clos de Caux, plantés de pommiers qui a été  ensuite cédé par la commune de Canteleu aux Hospices de Rouen en 1823 et qui par la suite est revenu  en partie à la commune puisque un tiers du Clos de Caux est devenu la seconde parcelle du cimetière communal.

Joseph Noël  de la Morinière est rédacteur en chef du Journal de Rouen (ex-Affiches de Normandie, devenu Journal de Normandie, puis de Rouen) de 1792 à l'an VIII. Il est alors un petit notable et un érudit local, membre de l'Académie de Rouen (et de bien d'autres), et l'un des fondateurs de la Société d'Émulation de l'Agriculture, du Commerce et des Arts de la Seine-Inférieure.

Philippe Minard livre quelques éléments biographiques de Noël de la Morinière, auteur de d’œuvre controversée en revanche à propos de ce qui est qualifiée d’encyclopédie départementale, il est rapporté qu’« Au-delà du journalisme, l'activité de Noël est surtout celle d'un observateur. Ses deux substantiels Essais sur le département de la Seine-Inférieure de 1795 et 1796 procèdent à un inventaire topographique détaillé, nourri par une patiente expérience de voyageur-géographe. Chaque étape de l'itinéraire sert de prétexte à de longs développements sur l'histoire, la géographie et les activités du lieu. Il dessine un paysage rural recomposé au prisme d'une sensibilité préromantique très nette. » [Minard, 2004]

(L’historien Philippe Minard, spécialiste de l’économie de l’époque moderne, élève de Daniel Roche, professeur à Paris-VIII et à l’EHESS, est mort brutalement, à Paris, le 22 mars 2024. Il avait 62 ans.)

Evoquant les vergers cauchois, il s’attarde sur celui à Veules sur la route portant le nom du Petit Veules :

« je me complaisais à admirer la grande quantité de pommiers répandus et rangés en longues allées sur tous les points et les sites de la campagne qui se déployaient au loin sous mes regards ; voyageur pédestre, un cortège de pensées douce accompagnoit mes pas silencieux ; parfumé de l’odeur balsamique des fleurs du pommier … »[De la Morinière, 1795]

Dans son tome 2, à propos du cidre, De la Morinière cite le cidre de Canteleu, commune voisine de Montigny : « On a devant soi une superbe lisière de côteaux qui se portent de l’Est à l’Ouest et dont les effets sont très pittoresques. Canteleu est assis sur la partie Nord-Est de cette lisière. On vante beaucoup la finesse du cidre de son cru, qu’on assure l’emporter encore sur celle des cidres d’Hénouville et de Montigny, dont j’ai parlé dans mon premier essai. » [De la Morinière, 1795]

Concernant le cidre d'Hénouville, de la fin du 18e siècle,  qui avait bonne réputation,  il est facile de penser que le passé cidricole d'Hénouville soit associé  à l'activité du siècle précédent où le Curé d'Hénouville, l'abbé Le Gendre brilla par l'art du semis, de la greffe et surtout des techniques des fruitiers en espalier...qu'il réalisait dans son presbytère.

Ce qui est  décrit par De la Morinière correspond à une réalité tangible car à l'examen des plans de Canteleu, on s'aperçoit l'ampleur des vergers sur la paroisse de Canteleu avant de devenir commune à la Révolution française.

La paroisse comptenait 5 fiefs dont Biessard, Dieppedalle, Bapeaume. Le château des deux Lions datent de 1649.

Dès le 17e siècle, essartages et défrichages pacifient cet ancien repaire de brigands ce qui a permis  la construction de somptueuses demeures et châteaux. Canteleu-la-Forêt est devenu un village de campagne, entouré de fermes, de cottages.

« du toponyme "Canteleu" s'entend à l'oreille et ne laisse aucune ambiguité quant à sa composition normano-picarde, voire cauchoise (car c'est à Canteleu  que se termine, par cet enfoncement calcaire, le pays de Caux.[...] Le sous-sol argileux de la forêt de Roumare (4000 ha) est formé en surface par un loess dont la caractéristique est un limon fin, calcaire, perméable, d'origine éolienne.» [Guide de ville Canteleu-la-Forêt, 2003]

Le dernier bâtiment témoin de l'activité cidricole  est signalé par A.W. Lejard dans "Regards sur le passé, 1989.

«Au fond de la cour , côté Seine subsistent qielques anciens bâtiments qu'il sera peut-être difficile de restaurer dont un de ceux-ci qui abritait la réserve de pommes sur le sol carrelé du premier étage .» [Canteleu aux multiples facettes Tome 1,  A.W.Dejard] Ce bâtiment n'a pas survécu.

 

 

 

Elévation géomètrique du château de Canteleu, 1649. [Prevost, 1889]

Thomas Corneille le décrit ainsi dans son Dictionnaire géographique :

«Château en Normandie, situé sur le haut d'une montagne à une petite lieùe au-dessous de Rouen. Il est assez grand et d'une belle apparence, orné de pavillons, dont celuy du milieu est couvert en manière de dôme. On dit qu'il y a autant de fenêtres que de jours en l'an. Ce château est en bon air, accompagné de jardins , de terrasses , d'avenues d'arbres et d'un bois. La rivière de Seine passe au pied, et il offre une vue charmante , puisqu'on découvre de là toute la ville de Rouen et ses dehors ; le Grand et le Petit-Quevilly ; le Grand et le Petit-Couronne , avec plusieurs autres villages et maisons de plaisance ; des prairies, des isles , des bois, des terres de labour, et plus de quatre lieues du cours de la Seine. » [Corneille, 1708]

 

 

Canteleu, le village-forêt-verger

 

Vue du château de Canteleu en 1696 [www.rotomagus.fr]

 

Cote 12Fi675/11 - Paroisse de Canteleu, plan du hameau de Bapeaume - 1700-1789 ADSM 76

Précédemment nous évoquions le rôle qu'à joué l'Evêché  de Rouen tout comme celui de l'abbaye Saint Georges de Boscherville à Cantelu, ce plan montre les vergers de coteau à Bapeaume adossés au chemin menant à Montigny. Canteleu possédait d'inombrables vergers à l'égal de  ceux de la principauté d'Yvetot.

Ci-dessous, suite vers Maromme

 

A l'autre bout de Canteleu à Biessard

 

Cote 12Fi675/2 - Paroisse de Canteleu, plan du hameau de Bapeaume - 1700-1789 ADSM 76

Cote 2Fi675/1 - Paroisse de Canteleu, plan du hameau de Biessard - 1700-1789 ADSM 76

Dieppedalle- Canteleu

Cote 12Fi675/3 - Paroisse de Canteleu, plan du hameau de Dieppedalle - 1700-1789 ADSM 76

Cote 12Fi675/4 - Paroisse de Canteleu, plan du hameau de Dieppedalle - 1700-1789 ADSM 76

Haut de Canteleu adossé au Clos aux moines et à la Béguignière

12Fi675/8 - Paroisse de Canteleu, plan du haut de Canteleu - 1700-1789 ADSM 76

Ci-dessous la localisation du manoir u clos aux moines et de sa ferme enchassé entre la forêt et la ferme de la Béguignière en rouge

en vert l'exact emplaclement du noyer de la ferme de la Béguignière, aujourd'hui  disparu depuis 1995.

Source extrait - IGN remonter le temps, 1944.

 

Plus de 200 ans  après Canteleu en 1944,  reste encore un immense verger.

 

Cote 12Fi675/7 - Paroisse de Canteleu, plan du Haut de Canteleu - 1700-1789 ADSM 76

Attardons-nous un instant sur ce plan qui nous permete de situer ce qui est devenu après la Révolution française une parcelle des Hospices de Rouen, c'est à dire à lémplacement sur ce plan du Clos de Caux dont l'accès se faisait par l'impasse Bouton Feuillu.

On peut remarquer à droite le bois qui se trouvait au niveau de la ferme du Captot nommé Bois de Caux.

d'après les plans de Canteleu - ADSM 76 ; IGN Remonter le temps et Géoportail

 

Ci-dessus la carte postale du logis du Clos de Caux à Canteleu, demeure qui n'existe plus.

Démolie apres-guerre  cette dépendance du préventorium-aérium  abritait des logements  des directeurs dans les années 1950. [S. Léonard, 2009]

 

Cote 12Fi675/6 - Paroisse de Canteleu, plan du haut de Canteleu - 1700-1789 ADSM 76

 

12Fi675/5 - Paroisse de Canteleu, plan du haut de Canteleu - 1700-1789 ADSM 76

 

Le noyer de l'ancienne ferme-verger  de la Béguignière  en 1996 : son dernier printemps.

Dans le bulletin municipal de la ville  - Cantelu-Infos - en juillet-août 1995 il est noté ceci : 

Le vieil arbre se meurt...la fierté de tout le quartier de la Béguignière et de Canteleu montre les plus visibles signes de sénilité. Et malgré les soins attentifs, il ne pourra probablement pas être maintenu en vie !  Cet ancêtre vénérable.

en 1996, il fut encore là mais son avenir fut compté (probablement en 1997)

Comme la durée de vie d'un noyer peut atteindre  trois cent ans, il est certain qu'il a été planté  environ en 1700.

Le verger de la Béguignière avec ses pommiers et son noyer qui figurera comme arbre remarquable jusqu'en 1995 date à laquelle il fut abattu et remplacé en face de la rue par un nouveau noyer limitrophe au parking de la piscine municipale (source M. Lejard, 1989).

Probablement le pressoir du manoir  du clos au moines (source M. Lejard, 1989), autrement nommé Casa Bianca.

Evoquant l’activité cidricole du département de la Seine-Inférieure, il décrit les caractéristiques du cidre du pays de Caux tout en précisant une liste des zones géographiques concernées :

« Le district de Cany, ceux de Dieppe, d’Yvetot et de Montivilliers, ne produisent qu’une boisson maigre, claire et peu substantielle. […] Le district de Rouen, au contraire, en compte un grand nombre où se trouvent d’excellents crus. Montigny passe en général pour donner un cidre nouveau, la liqueur la plus ambrée, la plus saine et la plus légère de tout le département ; mais il est vrai de dire qu’il se dément en peu de mois. Les crus d’Auzouville, Epreville, Bois d’Ennebourg, Houpeville, Quincampois, Isneauville sont très estimés, ceux de Préaux, la Vieux-Rue, Quevreville, Mesnil Rault, Laneufville Champ-d’Oisel, les pommes de ces deux dernières communes surtout, bien pilées et le brassage bien fait, rendent un fort bon cidre, dont Paris tire la majeure partie pour sa consommation ; presque tous sont moins délicats que celui de Montigny, mais ils soutiennent mieux leur qualité, surtout s’ils sont brassés sans eau. On peut mettre dans la classe suivante des cidres de ce district, ceux de Varengeville, du Houlme, de Barentin, de Pavilly, de Pissy, etc. »

De la Morinière ajoute un fait qui à l’examiner de près me parait intéressant à propos des arbres, qui croissent hors des forêts, mais sur un sol qui en dépend selon la définition du mot excru :

« Dans le commerce et pour l’usage, on préfère la boisson provenue des fruits excrus en plaine ou sur les côteaux, à celle des pommes des vallées. Les communes de Salmonville, Servaville, Blainville, etc. etc., donnent une mauvaise liqueur, le cru de chacune d’elles est un peu inférieurs que je connaisse. Dans ces derniers temps, où l’eau-de-vie de vin est devenue extrêmement rare, on a fait bouillir beaucoup de cidres dans tous ces cantons, pour les convertir en eaux-de-vie. » [De la Morinière, 1795]

Aussi le cidre demeurait la production essentielle nous raconte J.Vidalenc :

«on en faisait déjà presque dans tous les cantons et ceux-ci rivalisaient pour la réputation de leurs produits. La qualité tenait, semble-t-il, autant au choix des pommes qu'aux méthodes utilisées pour la préparation, et peut-être à une tradition » et ajoute « le cidre varie pour le goût et la qualité suivant la nature du sol où croît le pommier […] on retrouvait dans la Seine-Inférieure des crus plus ou moins célèbres, au premier rang desquels venaient ceux de l'arrondissement de Rouen, de Mesnil-Raoult et de la Neuville Champ d'Oisel, entre autres, qui s'expédiaient déjà dans la région parisienne. » [ Vidalenc, 1957]

L'enquête de 1807 sur le nombre de pommiers et de poiriers en Seine Maritime rédigée par Daniel Fauvel  viendra compléter à ce stade le contexte  historique et agricole. 

 Après   que les premiers signes de  dépérissement au verger ait été  constaté en 1793 : 

« La Convention nationale confia au Muséum d'Histoire naturelle par décret du 10 juin 1793, le soin de réunir et de décrire toutes les variétés d'arbres fruitiers, tant indigènes qu'étrangères et de les soigner pour leur permettre de fournir des greffes destinées à être distribuées dans les départements. Plus tard le Ministre Chaptal confia des attributions analogues aux pépinières du Luxembourg établies sur l'emplacement des anciens jardins des Chartreux.

Le 19e siècle a vu se réaliser l'inventaire de toutes nos richesses pomologiques, décrites dans les magnifiques ouvrages de Desfontaines, de Loiseleur-Deslongchamps, de A. Poiteau et Turpin, de J. Decaisne, de André Leroy, de M. Mas, de Ch. Baltet, de F. Vuiillermoz   [ Chevalier, 1921]

 

Nous en sommes au 19e siècle, Prévost s'oppose à l'invasion des pommiers à cidre d'Outre Altantique pour palier au chaos des vergers français atteints de dégénérescence. Legrand, Lacaille, Godard, Dieppois... œuvront 30 ans plus tard pour commencer à régénérer 1/3 des variétés de pommes à cidre en pays de caux qui repartiront dans les années 1884 dans tous les vergers conservatoires des pays cidricoles.

 

 

en 1899, le pays de Caux contribue au rendement en jus

"Sur la surface du plateau, au milieu des champs, se dressent, de ci delà, des lignes d'arbres droits et élancés qui limitent de toutes parts l'horizon et à distance paraissent former la lisière d'une forêt ininterrompue, ce sont les « hètrées » ou « brise-vents ».

Les pommiers auxquels le climat humide du Pays de Caux convient admirablement, parce qu'il fait grossir leurs fruits et augmente leur rendement en jus, se rencontrent un peu partout à la surface du plateau mais tendent à se concentrer dans les cours-masures. Leur culture dans les champs offre en effet un double inconvénient qui ne se présente pas dans les enclos la violence des vents fait tomber au printemps une grande partie des rieurs des pommiers plantés en rase campagne et diminue d'autant la quantité de pommes qu'ils seraient susceptibles de produire ; et d'autre part, l'ombre des arbres nuit aux moissons qu'ils abritent en les empêchant de mûrir. Dans les enclos ces deux inconvénients ne se produisent pas." [Lecarpentier, 1899]

Statistiques de nombre de pommiers en Seine-Inférieure

Archives du Département de la Seine-Maritime ADSM 76

Cote 6M 1071

Les statistiques comprennent que certains cantons du département dont ceux des arrondissements du Havre et d'Yvetot soit 18 cantons.

 

Le rapporteur de ces statistiques donne ces informations concernant les vergers, les cidres et poirés
« Le nombre de poiriers est à peu près à celui du pommier comme un est à vingt. Les poiriers sont remplacés par les pommiers. […] On n’ente en écusson que les pommiers. […] on peut produire 500 corbeilles à l’hectare qui peut produire de dix barriques à 30 de cidre […] Les cultivateurs mêlent leurs pommes douces avec les amères. […] Le cidre est une boisson nourrissante, laxative. […] On hâte la clarification du cidre avec de la craie délayée dans du cidre. […] On doit supposer qu’un hectare de terres bien planté contient deux cents pommiers qui peuvent vivre et rapporter de 25 à 60 ans. »

 

Nom de la commune

Nb de pommiers dans les masures

Nb de pommiers dans les champs

Nb de poiriers dans les masures

Nb de poiriers dans les champs

Alliquerville

1200

50

600

9

Anxtot

400

400

30

4

Bernières

3060

320

40

10

Beuzeville

3000

560

68

 

beuzevillette

1079

441

34

8

Bielleville

1100

400

100

50

Bolbec

2000

800

600

100

Bolleville

2139

652

147

3

Gruchet

2700

740

700

30

Guillerville

1700

300

50

10

Lanquetot

2190

340

75

36

Lintot

6450

885

385

20

Nointot

10170

730

500

10

Parc d’Anxtot

3100

300

150

 

Raffetot

4200

320

130

20

Rouville

8700

770

150

 

St J de la Neuville

6720

550

420

12

Trouville

1000

500

150

60

Angerville l’Orcher

11000

300

200

 

Beaurepaire

3000

500

200

50

Benouville

215

100

28

5

Berneval

150

60

20

 

Bordeaux

2296

10

200

4

Criquetot

10000

600

319

 

Cuverville

2400

400

150

 

Ecultot

2500

120

300

 

Ecriquetot

1200

60

40

 

Englesqueville

2988

370

 

 

Etretat

200

150

90

 

Fongueusemare

1400

400

 

 

Gonneville

3000

464

1000

 

Nom de la commune

Nb de pommiers dans les masures

Nb de pommiers

dans les champs

Nb de poiriers

dans les masures

Nb de poiriers

dans les champs

Hermeville

1800

260

70

 

Heuqueville

4725

50

356

 

La Potterie

2400

10

600

4

Le Couvray

800

65

50

 

Le Tilleul

5670

70

630

10

Pierre Fiquer

4000

600

400

 

St Clair

400

 

100

 

St Jouin

6030

300

250

 

St Marie aubosc